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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 22 avril 2007

L'ecologie selon Ségolène Royal

22 Avril

Donc, il ne reste plus qu'à écologiser le programme de Ségoléne Royal. Pour voir si c'est possible, voici ce qu'elle a répondu à mes questions mercredi dernier. C'est un peu long, bien sur, mais cela mérite d'être lu attentivement.

Madame Ségolène Royal s’explique sur l’environnent et la protection de la nature

Interview réalisé par Claude-Marie Vadrot

pour l’association des Journalistes pour la nature et l’écologie

Nicolas Sarkozy et François Bayrou n’ont pas souhaité répondre aux journalistes spécialisés pas plus d’ailleurs qu’aux membres du Comité 21. Pour ce qui concerne Dominique Voynet et José Bové, les lecteurs pourront trouver le compte rendu des deux rencontres sur ce site.

C.-M. V. Plutôt que de créer un vice-premier ministre chargé de l’environnement, dont les attributions seront difficiles à définir, pourquoi ne pas nommer un ministre de l’écologie dont la seule tache, au cours de votre mandat, serait de faire appliquer les lois françaises et les directives européennes déjà existantes ?

S. R. Bien évidemment il est essentiel que, en matière d’environnement comme dans d’autres

domaines, l’Etat soit exemplaire et applique de manière rigoureuse les lois françaises et les

directives européennes. Cependant, pour faire face à la crise écologique globale, nous

devrons aller bien au-delà de la seule application des lois existantes. Nous devons engager

une véritable transformation de notre projet de société, une transformation qui mette au

même rang d’importance la relance durable de l’économie, la protection sociale et

l’excellence environnementale. Nous devons promouvoir une réflexion de fond sur la qualité

de la croissance. Si la croissance reste le moteur de notre société, nous ne pouvons

continuer à alimenter ce moteur en prélevant les ressources naturelles au delà de leur

capacité de régénération. Nous ne pouvons continuer à faire fonctionner ce moteur en

accumulant des polluants et des déchets au-delà des capacités d’absorption de notre

planète. Nous devons donc redéfinir nos modes de production et de consommation pour

offrir les biens et les services dont nos concitoyens ont besoin, en consommant moins

d’énergie, moins d’eau et moins de matière première. Cette économie de sobriété sera aussi

un facteur de performance pour nos entreprises.

Pour encourager ces transitions nous mettrons en place un vice-premier ministre chargé du

développement durable (et non de l’écologie comme vous l’évoquer). Ce vice-premier

ministre aura en charge l’analyse des conséquences à long terme des propositions faites par

les différents ministères et veillera à promouvoir une approche transversale pour mettre en

synergie ces différentes propositions. Enfin, ce vice-premier ministre sera chargé de

l’aménagement du territoire tant les décisions dans ce domaine conditionnent la structuration

d’une société plus ou moins durable.

Dans cette configuration, le ministère de l’environnement sera conservé et son périmètre

sera précisé en prenant en compte les priorités en matière d’ et son périmètre sera précisé

en prenant en compte les priorités en matière d’excellence environnementale : lutte contre le

changement climatique, protection de la biodiversité, prévention des pollutions pour limiter

l’impact sur la santé publique.

Vous avez annoncé un palier de 20 % d’énergie renouvelable pour 2020. C’est le chiffre fixé

par l’Europe, pourquoi ne pas envisager, pour la planète et pour l’emploi, une plus grande

ambition ?

J’avais retenu cette ambition avant même qu’elle soit adoptée par l’Union Européenne

comme un des objectifs contraignants de ce qui deviendra, je le souhaite, une véritable

politique européenne de l’énergie. Permettez-moi de souligner qu’aucun autre candidat ne

s’est engagé sur un objectif chiffré de ce type. Et quand j’annonce 20% d’énergie

renouvelable, je ne parle pas d’énergie à faible intensité en carbone comme le propose le

gouvernement de la droite UMP-UDF, pour faire en sorte que le nucléaire soit comptabilisé

dans ces 20%. Dans la conception qui est la mienne, cette nouvelle politique énergétique

nous permettra de limiter notre dépendance au pétrole et donc de réduire progressivement

nos émissions de gaz à effet de serre. Elle nous permettra également de diminuer la part

d’électricité d’origine nucléaire dans le mix énergétique français.

Mettrez-vous un terme à la couverture de la France par les autoroutes ?

Je souhaite que nous puissions raisonner l’aménagement du territoire pour limiter le

développement des transports de personnes et de marchandises par la route. Si je ne suis

pas favorable à l’instauration d’un moratoire sur tous les projets autoroutiers, je veux que

toutes les nouvelles infrastructures, notamment les autoroutes, franchissement de fleuve et

tunnels, soient soumises à une analyse rigoureuse, au cas par cas, pour vérifier la nécessité

de l’infrastructure, étudier les alternatives moins préjudiciables, en particulier au regard des

émissions de gaz à effet de serre, et définir – si la décision est prise de construire

l’infrastructure – l’implantation et l’option la moins préjudiciable pour l’environnement.

Que sera la progression de l’agriculture dite « biologique » pendant votre mandat ?

Je veux promouvoir une agriculture qui offre des revenus décents aux agriculteurs, respecte

les consommateurs et protège l’environnement. Dans le contexte d’une réorganisation des

marchés agricoles mondiaux, cette agriculture devra aussi préserver la souveraineté

alimentaire des pays en développement et encourager leur émergence économique.

Dès 2008, je veux que nous engagions une renégociation de la Politique Agricole Commune

pour orienter les soutiens vers les mesures agro-environnementales, et assurer, dans la

transparence, une meilleure répartition des aides. Je souhaite également transférer aux

Régions la gestion d’une partie des aides directes pour favoriser une approche plus fine de

ces soutiens, en les adaptant aux enjeux écologiques et économiques locaux, encourageant

les productions de terroirs et les circuits courts.

Avec cette réorientation des aides nous pourrons également soutenir le développement de

l’agriculture biologique avec l’objectif d’atteindre 10% des surfaces en 2012.

Quelles mesures politiques et techniques pourraient ramener la population française vers les

enquêtes publiques aujourd’hui très souvent désertées ? N’est-ce pas là une forme de débat

participatif tel que vous le préconisez ?

Je suis très attachée, vous le savez, à la démocratie participative. Parce que la promotion

du développement durable impose de négocier des choix dont certains seront difficiles, il est

essentiel de redynamiser la pratique démocratique. Je veux encourager un renouveau de la

concertation, la transparence de l’information, une participation citoyenne renforcée, une

responsabilité partagée en matière d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques.

Je veux établir un nouveau contrat entre les citoyens et les dirigeants du pays, un nouveau

contrat dans lequel le rôle des collectivités territoriales sera mieux valorisé. Je suis

intimement persuadée que les citoyens sont avides de participation et de contribution aux

choix qui sont leur sont proposés. Ils sont souvent déçus, et je comprends cette déception,

car ils ont l’impression que les enquêtes publiques et les débats citoyens ne servent à rien

parce que la décision politique a été prise « avant ». C’est en restaurant la qualité et la

transparence des mécanismes de décisions que nous pourrons valoriser cet intérêt des

citoyens pour le débat. C’est aussi en imposant aux décideurs d’expliciter leur décision et de

rendre compte que nous redonnerons tout son sens à la démocratie.

Pensez vous pouvoir garantir la pérennité et la préservation, sous le contrôle de l’Etat, des

réserves naturelles, des parcs nationaux, des espèces protégées, de la loi littoral et de la loi

montagne ?

Je veux faire de la France le pays de l’excellence environnementale. Ceci implique une

exemplarité de l’état pour tout ce qui concerne le respect des lois de protection de

l’environnement et leur mise en oeuvre rigoureuse. Ceci signifie que nos administrations

devront faire les efforts nécessaires pour contrôler cette mise en oeuvre en toute

indépendance des pouvoirs locaux qui trop souvent souhaiteraient une application assouplie

de certains textes.

Il est également nécessaire de veiller au respect de l’intégrité des lois protégeant

l’environnement. Je suis par exemple choquée de l’amendement voté en février 2005 par

l’UMP et l’UDF pour modifier certaines dispositions de la loi littorale concernant les lacs de

montagne.

Je suis très attachée à la préservation des écosystèmes particuliers qui font la richesse de

notre pays. J’ai, dans la région que je préside, oeuvré avec les acteurs locaux, les

départements et la Région voisine des Pays de Loire pour redonner au marais poitevin le

statut de Parc naturel régional qu’il avait perdu du fait de l’extension mal contrôlée de la

culture intensive du maïs. Aussi je proposerai, en coordination avec les collectivités locales

et les associations de protection de l’environnement, la création d’un réseau écologique

national, s’appuyant sur les espaces protégés existants (parcs nationaux, réserves

naturelles, sites Natura 2000), mettant en avant l’approche par écosystème, en m’assurant

que ce réseau préserve des espaces suffisamment larges pour protéger efficacement la

biodiversité sur notre territoire.

Je veux impulser du plus haut de l’Etat une éthique de la protection de l’environnement et du

respect de nos territoires. Je serais très ferme sur ce sujet.

Rétablirez-vous, par la loi, un équilibre entre les chasseurs et les protecteurs de la nature ?

Non, je ne souhaite pas proposer une nouvelle loi sur la chasse car je considère que la loi du

26 juillet 2000 défini de manière correcte les grands principes de gestion et d’organisation de

cette activité. Je demanderai aux ministres concernés de dresser le bilan des dispositions

réglementaires existantes. Je leur demanderai, si besoin est, de proposer en concertation

avec tous les acteurs concernés par la gestion de l’espace rural, notamment les fédérations

de chasseurs et les associations de protection de l’environnement, les aménagements

nécessaires pour protéger la biodiversité de notre territoire et préserver cette activité de

loisir. Je souhaite que le débat soit privilégié entre ces acteurs pour définir les conditions

d’évaluation et de gestion des ressources cynégétiques dans la plus grande transparence en

s’appuyant notamment sur les données de l’Observatoire national de la faune sauvage et de

ses habitats.

Mettrez-vous en oeuvre, et comment, un véritable plan de sauvetage des cours d’eau

français tous menacés par la pollution.

La qualité de nos eaux de surface est effectivement préoccupante. La loi sur l’eau adoptée

en décembre 2006 a mis presque 10 ans pour voir le jour et pourtant elle est insuffisante sur

bien des aspects en particulier pour ce qui concerne le principe pollueur payeur. Je ne suis

pas sure qu’il soit nécessaire d’engager une nouvelle réforme de cette loi sur l’eau. Peut être

pourrons-nous corriger ses faiblesses en travaillant sur ses modalités de mise en oeuvre. Je

souhaite en tout état de cause une application stricte du principe pollueur payeur, et je veux

donner la priorité à la prévention des pollutions.

Ainsi je propose un programme national de réduction de l’utilisation des produits

phytosanitaires. Ce plan interdira définitivement les substances les plus dangereuses (CMR

– cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). Il engagera des actions concrètes pour une

réduction de 25% de la consommation de principe actif d’ici 2012 (par rapport à 2007).

Plus généralement c’est en renforçant les contrôles, en veillant à une application stricte des

lois et règlements et en sanctionnant sévèrement les manquements que nous pourrons

progressivement améliorer la situation de nos cours d’eau mais aussi de nos nappes

phréatiques.

Ne pensez vous pas que l’utilisation généralisée de l’expression « développement durable »

est un moyen commode de dissimuler la plupart des problèmes d’environnement et de

protection de la nature.

Il est certain que l’expression « développement durable » est très galvaudée. Il n’en demeure

pas moins que c’est un concept fort. Le projet que je propose pour la France est un véritable

projet de développement durable liant la relance de l’économie, la reconstruction du dialogue

social, l’excellence environnementale et la réforme de la démocratie pour favoriser la

participation et la responsabilisation de tous les acteurs de la société. Cet engagement ne

relève pas d’une réponse circonstancielle à un effet de mode. Il est une conviction profonde.

J’ai prouvé en Poitou Charente qu’il est possible d’engager une dynamique territoriale

mettant en avant l’impératif de développement durable mettant à égale importance

l’économie, le social, l’environnement et la dynamique démocratique.

Quelle sera la première mesure de votre futur gouvernement dans le domaine de

l’environnement ?

Je veillerai à la constitution d’un gouvernement intégrant un vice-premier ministre chargé du

développement durable et de l’aménagement du territoire et un ministre de l’environnement.

J’engagerai le débat public que j’ai promis pour définir la politique énergétique que notre

pays devra adopter pour lutter efficacement contre le changement climatique, une politique

fondée sur les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et le développement des

énergies renouvelables.

Enfin j’instaurerai un moratoire sur la culture d’OGM en plein champs pour permettre un

débat serein, transparent, approfondi afin de définir ce que doit être notre politique en la

matière sur le long terme.

Comment la France peut-elle donner des leçons aux pays du sud sur la préservation de la

faune et des ressources alors qu’elle ne parvient même pas à sauver ses ours et ses plus

beaux espaces forestiers ?

C’est vrai que nous devons redoubler d’effort pour protéger les milieux fragiles en France et

dans les DOM TOM. Nous devons aussi engager avec nos partenaires européens une

révision des politiques de pêche et d’exploitation forestière en Europe et dans le monde.

Nous gagnerons en efficacité en mettant en cohérence nos politiques de coopération avec

les pays en développement avec nos ambitions en matière d’excellence environnementale.

Pour renforcer cette cohérence je propose de réformer le code des marchés publics pour

imposer comme clause préférentielle la performance environnementale, en intégrant des

critères de provenance des ressources naturelles.

La France ne devrait-elle pas prendre la tête d’un mouvement international pour mettre fin ou

limiter les conséquences des guerres et des guérillas sur la nature et l’environnement ?

Faire de la France le pays de l’excellence environnementale c’est aussi promouvoir des

politiques ambitieuses de protection de l’environnement et de promotion du développement

durable en Europe et dans le monde. Nous devons être exemplaires en matière

d’environnement sur notre territoire et dans nos relations diplomatiques et commerciales

avec le reste du monde. Pour cela nous devrons rattraper le retard pris en matière de

ratification des conventions et accords internationaux sur l’environnement, et de transcription

des directives et règlements européens.

Nous devons aussi promouvoir une nouvelle gouvernance internationale plaçant en priorité

le respect de normes sociales et environnementales.

Je propose que la France continue à promouvoir la création d’une Organisation Mondiale de

l’Environnement ayant prééminence, en matière de règles environnementales, sur les

décisions de l’OMC, dotée d’un réel pouvoir de sanction en étant équipée d’un organisme de

règlement des différends, et capable de soutenir des projets spécifiques dans les pays en

développement.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mais que va nous asséner Mr Hulot pour justifier la poursuite de son fameux "non-choix" entre les deux finalistes?
Après avoir banalisé l'écologie entre tous les signataires (y compris ce grand écolo devant l'éternel qu'est Mr Sarkozy!) et envoyé à la trappe la pauvre Dominique, il ne lui reste plus qu'à porter l'estocade finale. Pour le plus grand bonheur du petit Nicolas S.Et notre grand désespoir...

Blog de Claude-Marie Vadrot a dit…

J'ai bien peur que Nicolas Hulot soit contraint de choisir entre TF 1 et Ségolène Royal.

CMV