Au secours, je suis cerné par les robots téléphoniques et ai l'impression d'être seul au monde
Mercredi 17 février
Après une succession de « mésaventures » avec des robots téléphoniques, ceux qui m’appellent ou ceux qui prétendent me répondre, ceux qui sont décrits comme devant me simplifier la vie, je finis par me demander si je ne suis pas seul au monde et si je n’ai pas pénétré insidieusement dans un monde virtuel d’où l’homme et la femme sont en train de disparaître. Exemples en série...
Il y a quelques jours, la voix métallique issue d’un serveur EDF m’explique, alors que je suis à des milliers de kilomètres de Paris, que je n’ai pas encore réglé ma facture d’électricité. Des choix multiples connus de tous (tapez un, tapez deux, puis tapez trois, etc.) me sont proposés mais aucun ne m’offre l’occasion d’expliquer tranquillement et en deux mots que je suis à l’étranger et que le chèque libérateur de ma dette a été posté deux semaines plus tôt. Le robot a zappé l’existence de l’être humain et je comprends rapidement qu’il n’existe aucun numéro pour recevoir mes trop humaines et banales explications.
Lorsque mon fils appelle l’ANPE, non pardon «Paul emploi », il se trouve lui aussi affronté à un QCM robotique auquel il manque toujours la bonne réponse et surtout une façon humaine de s’expliquer. Le plus étonnant : dans les agences de Monsieur Paul, à quelques mètres des employés un téléphone (gratuit, quelle aubaine) permet de jouer à ce même jeu déshumanisé sans que les multiples choix offerts ne prévoient une conversation brève avec un être humain, sympa ou pas. Jusqu’au jour où, pour le chômeur, s’annonce, toujours par une voix enregistrée, la perspective de perdre de maigres indemnités : il n’a qu’à savoir causer avec les robots !
Toujours à l’étranger, France Télécom (prononcez orange) m’informe que mon mobile va être mis en « restriction d’appel » avant d’autres sanctions plus lourdes parce que l’ordinateur qui me passe un coup de fil n’a pas encore enregistré mon chèque également parti depuis longtemps à l’intention d’une mystérieuse adresse à Limoges ou à Lille, je ne sais plus trop. Faute d’expliquer, je fais un autre numéro ou après une longue attente suivant une série de choix multiples multipliés à l’infini, une autre voix me guide pour un règlement par carte de crédit. Ce qui, au passage permettra à France Télécom d’encaisser et mon chèque et mon règlement informatique. Encore de l’étranger, avec un numéro spécial, il existe la même variante aussi passionnante que coûteuse lorsque l’on veut résoudre un problème de mot de passe d’Internet dont le serveur ne veut plus.
En délicatesse (de livraison) avec une entreprise de vente par correspondance (bien fait pour moi, je n’ai qu’à acheter dans une boutique, on ne m’y reprendra plus) me propose également une litanie fascinante d’hypothèses dans laquelle je ne me retrouve pas. D’autant plus que le robot ne réagit qu’à des mots clés et finit par me dire « nous n’avons pas compris votre demande ». Je recommence en tentant d’imiter la voix du robot qui ne me comprend pas, mais c’est peine perdue et il finit par raccrocher. Preuve qu’un robot doit pouvoir lui aussi se lasser. La même expérience peut être faite encore avec la SNCF dont le serveur vocal se vante de reconnaître la moindre destination ferroviaire de France, ce qui donne lieu à de savoureuses et fantaisistes informations.
Après un vol de chéquier dans le circuit postal, j’ai du faire face à une petite avalanche de factures de téléphones portables achetés avec les chèques volés. Je ne les ai évidemment pas payé, le vol ayant été déclaré puis copie de la plainte envoyée aux opérateurs. Pourtant, la dette a continué de courir et à grossir jusqu’à une société de recouvrement lyonnaise à laquelle j’ai répondu en expliquant la situation. Peine perdue les menaces de saisie de ma maison, de ma voiture ou de mes comptes bancaires ont continué : j’ai répondu naïvement à nouveau et à plusieurs reprises jusqu’au moment où je me suis rendu compte qu’à chacune de mes lettres, c’était un ordinateur qui « éditait » automatiquement les réponses, évidemment sans les lire, encore handicapé par sa condition d’ordinateur. J’ai donc interrompu ce dialogue de sourd avec la machine. Même dialogue épistolaire surréaliste avec la Lyonnaise de Eaux qui s’obstine à me réclamer une dette imaginaire : j’écris, l’explique et en retour je reçois un courrier issu d’un ordinateur qui bégaie interminablement les mêmes réponses stéréotypées.
La même fascinante expérience de dialogues de sourds peut être expérimentée avec la plupart des serveurs vocaux des petites et grandes entreprises et des services supposés publics qui ont décidé de remplacer les salariés par des machines ; lesquelles ne réclament jamais d’augmentation de salaires et se mettent très rarement en grève. Parfois, variante passionnante, je suis interpellé par des messages écrits auxquels il est impossible de répondre Il en est même qui me demandent mon numéro de téléphone...pour me rappeler ensuite par le biais d’un autre serveur vocal. Il ne s’agit pas de dialogue mais de sommation à obtempérer sans discussion. Il y a même des messages qui fournissent gentiment un numéro de téléphone pour rappeler, numéro qui se révèle être branché...sur des serveurs vocaux. Boucle bouclée, la Société devient autiste et sourde et tout le monde (ou presque) est content d’avoir l’impression de payer moins cher.
Alors il existe deux hypothèses : ou bien je suis seul au monde et le seul à l’ignorer ou bien je suis un vieux con qui ne comprend rien à la modernité.
Avec une question subsidiaire: Nicolas Sarkozy ne serait il pas un robot qui répète sans cesse la même chose pour fatiguer le client-électeur ?