Jeudi 12 février, parce qu’il a aperçu au loin un loup en train de déguster un chamois, un chasseur du Petit Bornand, non loin de La Clusaz en Haute- Savoie, a tiré et tué ce loup. Sans avoir été le moins du monde menacé. Heu-reux ! Sans qu’un troupeau de moutons soit en cause, puisqu’en cette saison de neige, ces animaux ne sont évidemment pas sur les pentes de la montagne. Comme ses amis chasseurs, ce jeune Nemrod, s’étonne d’avoir été placé en garde à vue et d’être ensuite mis en examen pour destruction d’une espèce protégée. Et toute la communauté chasseuse de la région, fait chorus avec lui, évoquant, ne craignant pas l’outrance et de ridicule, l’esprit de résistance du Plateau des Glières tout proche comme symbole de refus du « loup relâche par les écologistes ». En oubliant que ce sont les naturalistes qui ont permis et organisé dans les Alpes le retour des chamois et des bouquetins qui furent au bord de l’extinction...
Outre qu’il faudrait se demander ce que ce chasseur faisait avec un fusil dans la montagne alors que la chasse est fermée depuis la fin du mois de janvier et que la traque du chamois est très réglementée, reste la question de l’obstination des chasseurs contre le retour progressif du loup dans l’arc alpin. Depuis qu’en 1992, dans le parc national du Mercantour, des gardes moniteurs ont aperçu pour la première fois des loups en patrouille. Des loups qu’une loi de 1882 avait décidé d’éradiquer définitivement du territoire français, la République prenant le relais de l’Eglise catholique qui, depuis le début du Moyen Age, avait décidé de le diaboliser. Au sens strict du mot : haro sur un animal qui s’attaquait à l’ « agneau innocent ». Une chasse au « diable-loup » dont l’Eglise organisait les jugements et la pendaison pour assurer son pouvoir sur les âmes des manants.
Depuis que le loup est revenu naturellement en France, depuis le massif de Abruzzes italien où il est normalement accepté comme un prédateur utile, les chasseurs fous de France, les bergers du Mercantour qui ne vont voir leurs troupeaux qu’une fois par semaine, et les politiques de l’UMP menés par Christian Estrosi, Ladislas Poniatowski et quelques autres, reprennent l’antienne du loup prêt à manger les chamois, les bouquetins, les enfants et les touristes. Sans le moindre respect pour la loi française, la réglementation européenne et la Convention de Berne qui assurent la protection de cet animal qui a, fort heureusement, décidé de revenir sur le territoire français. Etant bien entendu qu’il n’est pas question de négliger les difficultés, et la dureté du travail, des bergers et des éleveurs de brebis. Ce qui n’empêche pas de rappeler que si en 2008, leurs revenus ont été proches de zéro, ce n’est pas la faute des prédateurs sauvages, mais celle d’un fameux accord conclu avec la Nouvelle-Zélande permettrant, après l’attentat contre le Rainbow Warrior en 1985 à Auckland, à ce pays (à titre de réparation morale) d’exporter librement des carcasses de moutons congelés qui inondent aujourd’hui 80 % du marché français. Mais les chasseurs obsédés par les loups ne réfléchissent pas si loin. Pas plus qu’ils ne se posent de questions sur les 700 000 sangliers qu’ils ne sont pas fichus d’éliminer alors qu’ils ont contribué à les multiplier en relâchant ce que les spécialistes appellent des « cochongliers » qui dévorent les cultures et envahissent les routes et les villages.
Le chasseur du Petit Bornand n’est pas le premier à s’affranchir de la loi, à tuer ou empoisonner plus ou moins discrètement des loups et à ignorer leur utilité lorsqu’ils s’attaquent aux autres animaux sauvages les plus faibles, ou malades, contribuant ainsi à l’amélioration de la santé des troupeaux de chamois ou de bouquetins. Les mêmes Tartarins s’attaquent aux ours dans les Pyrénées. Des ours auxquels les Espagnols, qui en comptent une bonne centaine foutent la paix. Comme ils laissent tranquilles les quelques 2000 loups qui vivent en Espagne.
Extraordinaire exception française que cette chasse aux dernières espèces sauvages à laquelle se livre une part, heureusement minoritaire mais malheureusement efficace, des chasseurs français que les membres de la majorité soutiennent depuis des années. Ils ont fait du loup, de l’ours et du lynx des « objets politiques » qu’ils utilisent un peu contre la gauche (pas toujours bien nette sur ce thème) et surtout contre les écologistes. Dans le seul espoir de récupérer les voix des fachos- ruralistes de « Chasse pêche nature et tradition ».
N’en déplaise à cette minorité de cons (un faible pourcentage des 1, 2 millions de chasseurs français), le loup n’a pas été « réintroduit » en France et il est utile. Quoi qu’ils en pensent et quoi qu’ils fassent, ce superbe animal dont il faut quand même rappeler qu’il s’attaque jamais à l’homme, est en train de reconquérir le territoire français. Il a franchit de puis des années, malgré les difficultés, le couloir rhodanien. Il vit librement et tranquillement, ce loup d’origine italienne, aussi bien dans les Pyrénées que dans le Massif central et même la Lozère dans les environs de laquelle il aurait conquis le Gévaudan. Là où, à la fin du XVII éme siécle, on confondit ses agissements avec ceux de l’un des premiers serial killers français.
Déjà, tout ce que la majorité compte d’imbéciles n’ayant rien compris à la protection de la nature et à l’écologie, se dresse pour défendre le chasseur de Haute Savoie conditionné par ses amis chasseurs au point d’avoir flingué pour sa gloire un loup qui n’avait pas commis d’autres crimes de croquer un chamois. On est loin, à des années lumières, du Grenelle de l’Environnement dans un pays qui n’est pas capable de supporter quelques animaux sauvages.
Heureusement le loup est malin et fait de la résistance : il en existe probablement prés de 150 sur le territoire français.
Longue vie au loup, à l’ours, au lynx et à toutes les espèces sauvages dont, il y a quelques jours, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature a déploré la disparition prochaine et probable.