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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mardi 22 mars 2011

Japon: onze jours aprés l'accident nucléaire, le point sur les manipulations japonaises et françaises

Mardi 22 mars

Une dizaine de jours après la série d’accidents nucléaires graves qui touchent la population japonaise, il commence à être temps de faire le tri dans les manipulations, les clichés, les réalités et les chiffres. Aussi bien au Japon qu’en France. Un bilan pour lequel notre correspondant au Japon nous a apporté une aide précieuse. Même si il constate que nous en savons souvent plus en France et en Europe sur la situation et l’évolution de la catastrophe en cours que ses concitoyens.

- Il y a, largement relayée par une partie de la presse française, mais beaucoup moins en Allemagne, le « folklore » du calme et de la sérénité japonaise. Il s’agit d’une fable s’agissant de la crainte engendrée par les fuites nucléaires. Il suffit d’entendre les conversations et les inquiétudes du Japonais moyen pour constater que la peur est là. Il suffit ensuite de constater la panique et les exodes massifs de la région touchée pour mesurer la qualité du mensonge. La pagaille se poursuit sur les routes. Et les habitants de Tokyo qui en ont les moyens et qui peuvent échapper à la coercition de leurs employeurs, partent également vers le sud. Mais cela coûte une fortune et c’est très mal vu par les entreprises qui refusent souvent de laisser partir leurs salariés. Avec une remarque subsidiaire : où installer les 35 millions d’habitants de la capitale s’il fallait reconnaître clairement une menace ?

- Pour que les Japonais prennent pleinement conscience de la menace, encore faudrait-il que le gouvernement japonais, avec la complicité active d’une grande partie de la presse, ne pratique pas un art consommé de la dissimulation de l’information. Ni la NHK, la télévision officielle, ni les grands journaux ne fournissent d’information précise sur l’évolution des réacteurs hors de contrôle ni sur les taux de contamination dans la centrale de Fukushima, dans les provinces proches ni dans la région de Tokyo. Qu’il s’agisse de la contamination de l’air, ou de la teneur des retombées sur ce qui reste des villes et sur les terres agricoles. La dernière des informations fantaisistes est d’avoir diffusé dimanche le conseil ridicule de « sortir avec un parapluie en cas de pluie » pour éviter d’être contaminé ! La plupart des informations télévisées que nous pouvons voir quasi-instantanément en Europe, sont diffusées avec des heures de retard au Japon ou bien passée sous silence. Il en fut ainsi des explosions dans les réacteurs depuis celle du premier samedi de la catastrophe, un mot qui n’est pas utilisé par les médias. Elles ont presque toutes été montrées avec beaucoup de retard. Quand aux antinucléaires japonais, ils n’ont pratiquement jamais accès aux grands média.

- La Tepco, la compagnie privée qui gère les six réacteurs de Fukushima a annoncé dimanche aux Japonais, pour preuve de sa bonne foi, qu’ils ne seraient pas remis en route. Evidemment puisqu’ils sont en partie détruits, comme celui de Tchernobyl. Il ne reste plus qu’à les enfermer dans un sarcophage.

- La Tepco et le pouvoir ne donnent aucune information sur la forme, la teneur et les directions prises par les panaches de radioactivité qui continue à s’échapper des réacteurs et des piscines de refroidissement. Alors que la moitié des capteurs automatiques de la région fonctionnent toujours. Aucune information non plus sur les doses reçues par les ingénieurs, les pilotes et les pompiers qui interviennent en prenant des risques insensés et qui sont présentés comme des volontaires alors qu’ils ne sont pas clairement informés de ces risques. Et enfin, pas d’information sur ce que deviennent les eaux de refroidissement dont une partie s’enfonce dans le sol vers les nappes phréatiques tandis que l’autre s’écoule vers la mer. D’un jour à l’autre, les responsables de l’entreprise médiatisent des annonces contradictoires, annonçant, ce qui est ridicules et dangereux, qu’ils ne savent pas ce qui se passe dans leurs réacteurs et ne communiquent pas sur le contenu des fumées blanches et noires qui s’échappent alternativement de leurs réacteur. Lundi et mardi, cette désinformation, jamais contredite par le gouvernement, a atteint des sommets. Alors qu’une poignée de volontaires écolos, eux, parviennent à relever des résultats de mesures qui sont ignorées.

- La Tepco et le gouvernement japonais communiquent très peu d’informations sur la situation de la centrale et sur les contaminations en cours à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique qui n’est pourtant pas habituellement et par nature très exigeante. Les effets de la complicité entre la Tepco (qui gère 17 réacteurs dans le pays), les autres opérateurs privés et le ministère de l’Economie et le gouvernement se font sentir sur tous les aspects de information.

- Aucune nouvelle en ce qui concerne les centrales d’Ogawa et de Tokai où les réacteurs ont été également arrêtés d’urgence.

- En France, le gouvernement et tous les porte-parole du lobby nucléaire s’agitent en expliquant que la France est à l’abri d’un tsunami. Une évidence ; et aucun des sceptiques français envers le nucléaire ou le tout-nucléaire n’ont évoqué une telle éventualité. Pas plus qu’ils ne prétendent que la probabilité d’un tremblement de terre d’une magnitude 9 comme le séisme qui a touché le Japon. Mais les partisans du nucléaire ne veulent pas entendre parler de la réalité : les effets, quelles qu’en soient les raisons, de l’arrêt brutal d’un réacteur ou de la coupure soudaine de l’alimentation électrique d’une centrale.

- Le gouvernement français s’agite également énormément pour expliquer qu’il prend toutes les mesures nécessaires en cas d’arrivée d’un nuage radioactif sur le pays, alors qu’il est de notoriété publique que, vu la distance, cette éventualité est nulle. La France prend donc des précautions (on ne sait d’ailleurs pas lesquelles) contre un péril imaginaire.

- Le gouvernement français n’a donné aucune précision sur la façon dont sera (serait) mené l’audit sur les réacteurs français.

PS

Les Japonais sont si avares d’information auprès de l’AIEA et des agences nationales que c’est auprés de la CRIRAD, que l’IRSN et le ministère de l’industrie (qui dit n’importe quoi) puisent un certain nombre de données sur la situation au Japon.

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