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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 14 décembre 2014

A la conférence de Lima, les diplomates condamnent la planète au réchauffement



                Bien que prolongées d’une trentaine d’heures alors que de nombreux délégués étaient déjà partis ou trainaient leurs valises dans les couloirs,  les négociations de Lima ont finalement abouti à un vague accord ; plus par lassitude que par convictions politiques partagées. Et parce que le gouvernement français ne souhaitait pas que tout reste à faire lors de la rencontre de Paris dans un an. Le ministre des affaires étrangères français a d’ailleurs prolongé son séjour dans la capitale péruvienne pour éviter la catastrophe –pas d’accord du tout- qui se profilait depuis vendredi matin. Mais la communauté internationale, dominée par le G20 et l’Union européenne, n’a quand même rien fait pour transformer les beaux discours en promesses d’un monde moins perturbé par les dérèglements climatiques.  Qu’elles étaient belles, quelques jours auparavant, les envolées lyriques des uns et des autres s’efforçant de s’auto-persuader que « la situation est grave et qu’il faut agir vite ». Ce qui ne les a pas empêchés de remettre l’essentiel à plus tard et peut-être à jamais. En lisant les détails du texte final  laborieusement élaboré, on retire l’impression que les diplomates et les ministres n’ont pas lu ou bien ont parcouru distraitement le dernier rapport du GIEC. Et qu’ils n’ont pas écouté les dizaines de milliers de participants à la marche des peuples qui a parcouru les rues de Lima le 10 décembre. En repartant les diplomates auraient pu faire leur la célèbre phrase : « Nous étions au bord de l’abime mais nous avons fait un grand pas en avant… »
                Aucune mesure contraignante, aucun engagement précis ne figure dans un texte adopté parce qu’il fallait avoir l’air de faire quelque chose tout en « obéissant » aux injonctions des milieux économiques, industriels et pétroliers qui ne veulent ni abandonner l’économie des énergies fossiles –y compris les plus polluantes- ni infléchir les processus de fabrication. Tout est renvoyé, et sans la moindre contrainte d’objectifs, aux contributions que les 195 pays participants devront faire parvenir à la co-présidence française et péruvienne avant le mois de juin 2015 pour préparer le mythique Accord de Paris. Lequel devra (disons « devrait ») être signé à l’issue de la conférence organisée par la France au mois de décembre prochain. Comme l’expliquent  dans leur conclusions les responsables d’Oxfam « les négociateurs ont évité le naufrage sur les côtes péruviennes, mais un avis de gros temps est annoncé sur la route de Paris-climat en 2015 » ; et ils ajoutent « on attend des pays les plus vulnérables qu’ils signent dans un an un nouvel accord à Paris alors même qu’ils n’ont aucune garantie sur la tenue des engagements pris à Copenhague il y a déjà cinq ans ».
                Sans le moindre engagement pour 2020, il est devenu évident à Lima que l’hypothèse d’une augmentation moyenne de la température du globe de 3 degrés est désormais probable, étant clair qu’il ne s’agit là que de la perspective la plus « optimiste » ; alors que l’objectif officiel des 2 degrés représente déjà une menace pour des centaines de millions de terriens, à commencer par les plus pauvres. Les pays les plus faibles, les plus démunis n’ont pas su, n’ont pas eu la force ou n’ont pas voulu, s’opposer à la logique des pays industrialisés. La Chine, les Etats-Unis ont réussi à maintenir leur diktat en se dissimulant, aidés par l’Inde et l’Australie, derrière des engagements pris il y a quelques semaines pour faire illusion auprès des opinions publiques, engagements que le texte de Lima ne les contraint même pas à tenir. Ce n’est pas par hasard que cet « accord  a été intitulé « Appel de Lima pour une action climatique ». Il s’agit d’une simple pétition de principe qui aurait pu être publié auparavant lors des conférences tenue au Qatar, à Cancún ou à Varsovie. L’envoyée spéciale des Nations Unies, Marie Robinson dont le dépit était évident dans les couloirs de la conférence a d’ailleurs fort justement expliqué dimanche matin : « les gouvernements ont fait le strict minimum pour garder le processus de négociations multilatéral en vie, mais ils n’en ont pas fait assez pour convaincre que le monde était prêt à adopter un accord sur le climat ambitieux et équitable l’an prochain à Paris ». Cette Irlandaise qui fut Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme entre 1997 et 2002 sait de quoi elle parle quand elle évoque le sort des habitants des pays du Sud qui sont les plus immédiatement menacés par les dérèglements climatiques. Mais comme le Secrétaire général de l’ONU elle s’est révélée incapable de convaincre les pays riches de faire un effort pour sauver la planète.
                Quelques heures après le regrettable renoncement politique et économique que représente le pseudo accord de Lima, se posent au moins trois questions : les conférences climatiques servent-elles à quelque chose ? Les associations nationales ou internationales « agréées » par les Nations Unies pour porter plus ou moins gentiment la contestation ont-elles un poids suffisant ou crédible ? Et la société civile qui manifeste dans les rues et qui sera plus offensive que jamais à Paris, peut-elle espérer remettre en cause les égoïsmes des Etats et les intérêts des industriels ou de la finance ?
                Sur le premier point, j’ose penser qu’elles servent au moins à maintenir la vigilance des populations secouées par les événements climatiques graves qui se multiplient. Sur le second point, je crois de plus en plus, après avoir participé à nombre des réunions de l’ONU, qu’elles se font des illusions sur leur efficacité dans la mesure où elles se « technocratisent » de plus en plus. Et pour ce qui concerne la société civile qui manifeste, je crains qu’il ne lui reste que la véhémence ou la violence pour empêcher le pire.
                Reste enfin la crainte que l’échec de Lima ne renforce l’action de ceux que l’on nomme les anti-réchauffistes. Ceux qui prennent appuis sur la désinformation répandue par les milieux les plus conservateurs. Pas seulement aux Etats-Unis où ils surfent sur leurs récentes victoires électorales généreusement financées par les milieux industriels…