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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 7 août 2011

Fukushima, début août:, la catastrophe s'aggrave de jour en jour

Dimanche 7 août

Chronique d'une catastrophe en cours...

Comme annoncé, la situation à Fukushima et dans la région ne s’arrange pas et, à en juger par les derniers développements du délabrement des réacteurs accidentés, cet accident pourrait dépasser en gravité, dans le temps et dans l’espace, celui de Tchernobyl. Car non seulement les trois réacteurs restent pratiquement hors d’atteinte pour les ouvriers et les ingénieurs, mais trois des quatre piscines endommagées ne sont toujours pratiquement pas refroidies. Seule celle liée au réacteur numéro quatre est équipée depuis la fin du mois de juillet d’un système de refroidissement de secours qui « ne donne pas entièrement satisfaction ». Traduit en langage de profane cela signifie que cette piscine relâche toujours de la radioactivité dans l’air. Ce qui est évidemment le cas des carcasses des bâtiments et de réacteurs un, deux et trois. Donc, n’en déplaise aux « docteurs tant mieux » qui s’agitent aussi bien au Japon qu’en France chez Areva, la situation des rejets et des risques à venir reste exactement la même que le 13 mars dernier, quand la fusion a commencé. Un accident dont il faut quand même rappeler, car les partisans du nucléaire sont en train d’essayer de le faire oublier à l’opinion publique internationale, qu’il n’a pas été provoqué par le tsunami mais par l’arrêt automatique des réacteurs provoqué par le tremblement de terre. Il se trouve, les experts le savent mais ne le crient jamais sur les toits, que les conséquences de l’arrêt brutal d’un réacteur nucléaire, qu’elles qu’en soient les causes, sont toujours imprévisibles : cela peut fort bien se passer normalement ou au contraire déstabiliser définitivement un réacteur sans que les spécialistes sachent vraiment pourquoi.
Pour prendre la mesure de la radioactivité toujours relâchée dans l’atmosphère, il suffit de savoir que dans le réacteur numéro deux, par exemple, les instruments de contrôle que les techniciens ont réussi à glisser le 2 août prés du réacteur numéro deux n’ont pas pu fonctionner car la radioactivité était trop forte. Elle dépassait –d’un montant ignoré- la limite de 10 sieverts/heure (10 000 millisieverts). La veille, dans le réacteur numéro un, les ingénieurs qui voulaient commencer à étudier la mise en place d’un système de refroidissement de secours, ont du renoncer à s’approcher par ce que les instruments enregistraient une radioactivité de 5 sieverts/heure. Impossible donc, toujours, de travailler dans les bâtiments et aux abords des réacteurs : la norme pour un salarié du nucléaire, limite au delà de laquelle il court des risques est de 20 millisieverts/an. Ce qui situe largement, si l’on tient compte de la durée de l’exposition de référence, la radioactivité menaçant les ingénieurs japonais à un niveau au moins 10 000 fois supérieur à ce qui est acceptable sans être irrémédiablement et gravement contaminé.
Cette permanence de la radioactivité interdit donc, tout en polluant davantage chaque jour la région, toute intervention sur les trois réacteurs accidentés. Les techniciens ne peuvent strictement rien à faire, les premiers robots expérimentés pour les suppléer ont été paralysés par la force des radiations.
La « promesse » de la Tepco, l’opérateur privé en cause, et du gouvernement japonais de « maîtriser » la situation pour le début de l’année 2012 est donc en train de voler en éclats. En fait les réactions nucléaires se poursuivent et les techniciens de disposent d’aucun moyen pour les arrêter ou les diminuer. Ils n’ont strictement pas progressé depuis le lendemain de l’explosion des réacteurs et même la décontamination des centaines de milliers de tonnes d’eau contaminée est au point mort. Dans les conditions actuelles, la preuve est faite qu’un réacteur peut échapper durablement à toute tentative de contrôles et que les spécialistes ne peuvent que constater l’aggravation d’une situation de crise. Quant à l’autre « promesse », celle de construire rapidement un grand sarcophage par réacteur ou une énorme enceinte de confinement, elle est pour des mois, sinon des années irréalisables. Ce qui condamne une partie du Japon à subir une augmentation des contaminations, y compris par du plutonium.
D’où la nécessité de continuer à expliquer ce qui se passe à Fukushima pour que personne n’oublie l’ampleur de la catastrophe.

mardi 19 juillet 2011

Fukushima quatre mois aprés: la décontamination impossible

Mardi 19 juillet


Chaque jour les journaux japonais découvrent un nouveau problème insoluble lié à la catastrophe de Fukushima et aux rejets radioactifs des trois réacteurs toujours en fusion lente et de la piscine de stockage des barres d’uranium qui continuent à polluer le pays. La question qui agite actuellement le pays est simple : comment décontaminer des milliers de kilomètres carrés. La réponse est aussi simple : c’est impossible. Autre aspect des difficultés : il faudra encore au moins un an pour que les 100 ou 150 000 tonnes d’eau radioactives qui n’ont pas réussi à refroidir les réacteurs en fusion soient totalement neutralisées. Ce qui leur laisse largement le temps de s’infiltrer dans le sol et de s’écouler vers la mer où nul ne sait comment se propage ou bien s’accumule la radioactivité. Restera, autre problème, à trouver ce qu’il est possible de faire avec les boues hautement radioactives qui ont déjà été extraites des 10 % d’eaux traitées.
Sur des surfaces de plus en plus importantes, les eaux des rivières, des étangs, des lacs, les terres, les arbres sont plus ou moins contaminés, au hasard des vents, de la neige de la fin de l’hiver et évidemment de la pluie. Il va pleuvoir une partie de cette semaine et un vent d’environ 20 kilomètres heure va encore transporter une partie de la radioactivité non fixée vers d’autres villes et vers la capitale puisqu’il souffle du Nord-Est depuis plusieurs jours. A Tokyo, il est officiellement recommandé de ne pas donner l’eau du robinet aux jeunes enfants. Car les pollutions radioactives gagnent progressivement les nappes phréatiques qu’il est évidemment impossible de dépolluer.
En surface la pollution inégalement répartie mais dont il n’existe pour l’instant aucune carte, est riche en iode, en strontium, en plutonium et césium. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les maladies à venir. Cette pollution touche également tous les animaux, y compris les oiseaux qui partent au loin. Elle concerne aussi les constructions, qu’il s’agisse d’habitations, d’écoles, de bâtiments industriels ou de fermes ; et de tout ce qu’elles contiennent Beaucoup de bétail a été abattu mais il a fallu arrêter l’incinération qui relâchait de la radioactivité dans l’air. Pour éliminer la contamination du sol, il faudrait au moins ôter une dizaine de centimètres d’épaisseur, éliminer la végétation et couper tous les arbres. Pour les bâtiments, quels qu’ils soient, ils doivent être détruits par des équipes soigneusement équipés et dotés de machines qui deviendront, comme à Tchernobyl, autant de (nouveaux) déchets nucléaires. Mais comme, éventuellement, pour les millions de tonnes de terre décapés, autre question à laquelle nul ne trouve la moindre réponse : où mettre ces monceaux de débris radioactifs ?
A Tchernobyl, la solution fut plus simplement résolue : l’Ukraine étant vaste et sa population relativement plus modeste, la zone contaminée a été sacrifiée. Tous les habitants ont été évacués et les déchets sécurisés (plus ou moins) sur place. Quand aux villages et à la grande ville de Pripiat abandonnés, leurs constructions restent sur place ; comme la centrale et ses quatre réacteurs. Pas question de démolir ce que le temps mettra à bas avant que les radioéléments cessent d’être dangereux, transformant une cité moderne de 50 000 habitants en une nouvelle Pompéi. Mais au Japon dont les 126 millions d’habitants s’entassent déjà sur 372 000 kilomètres carrés, l’espace est rare. Donc, impossible de laisser la zone contaminée se désertifier et impossible de trouver de grandes surface pour isoler des montagnes de terres et de déchets.
Le gouvernement parait s’orienter, malgré les protestations des militants anti-nucléaires de plus en plus nombreux, vers une décontamination superficielle qui lui permettrait de laisser revenir des habitants à leurs risques et péril mais sans autoriser l’élevage et l’agriculture...

mercredi 15 juin 2011

Nucléaire: URSS, USA, France, Japon, Chine...une longue histoire de secrets et de mensonges

Mercredi 15 JUIN


Après le refus massif du nucléaire exprimé par les Italiens, les responsables d’Areva se sont répandus dans les radios et les gazettes pour expliquer que cette décision populaire ne représentait pas un gros problème pour leur entreprise puisqu’ils n’avaient pas vraiment de projets avec l’Italie et qu’aucun contrat n’avait été signé. Il y a quelques mois, Areva se vantait pourtant partout de son projet de vendre quatre réacteurs EPR à l’Italie de Silvio Berlusconi et en avril 2010, le premier ministre italien et le président français avait organisé un accord sur le nucléaire entre EDF et son homologue italien Enel. Ce qui est surprenant dans cette histoire, n’était évidemment pas la frénésie de vente de l’industrie nucléaire français, mais le besoin compulsif de mensonge de ses responsables quand le scénario et la réalité leur échappent. Tout comme lorsqu’ils expliquent que l’Allemagne ayant décidé de confirmer la fin programmée de ses centrales « devra acheter de l’électricité nucléaire à la France comme elle le fait depuis longtemps ». Encore un gros mensonge que démentent les statistiques d’échanges énergétiques entre les deux pays : l’hiver dernier, c’est la France qui importait l’électricité allemande. Les menteries concernent tous les secteurs de l’activité d’Areva puisqu’elle a dissimulé, en France et en Finlande, le coût de ses réacteurs et leurs délais de construction.
L’examen de l’histoire de l’uranium, en France et dans le reste du monde, fait apparaître que le mensonge, la dissimulation et le secret sont consubstantiels au nucléaire. Comme une tare qui marque avec une telle force sa carte génétique que ses acteurs ne parviennent jamais à s’en débarrasser. Comme pour conjurer les dangers qu’ils nient depuis des décennies.
Dans l’Oural les Soviétiques ont dissimulé jusqu’au début des années 90 les conséquences de l’accident radioactif survenu en septembre 1957 prés de Kychtym. La région comporte d’ailleurs toujours des zones, notamment des lacs, vérolés par la radioactivité. Mais l’accès en est interdit et les habitants de la région qui acceptent de parler sont menacés par les autorités. De l’URSS à la Russie, le nucléaire ne change pas de nature.
En 1979, l’accident du réacteur N° 2 de Three Miles Island n’a jamais livré tous ses secrets et le pouvoir américain continue à dissimuler ses conséquences sanitaires, notamment une augmentation des cancers et de la mortalité infantile dans cette région. Et nul ne fit de publicité sur un rapport publié deux mois plus tôt par la Commission de Réglementation du nucléaire pointant les défauts ayant provoqué la catastrophe. Un travail de longue haleine qui avait inspiré le scénario du film « Le syndrome chinois » sorti quinze jours avant l’accident de Pennsylvanie sous les ricanements du lobby nucléaire et industriel...
Lors de l’accident de Tchernobyl, je tiens les détails de l’histoire de Mikhaïl Gorbatchev lui même, deux éminents académiciens convoqués d’urgence par le Bureau Politique, conseillèrent à la fois le plus grand secret et une distribution de vodka aux irradiés après avoir minimisé l’accident. Le lendemain, le président soviétique autorisa les journaux de son pays, notamment Ogoniok, à évoquer librement l’accident. Ce qui, sur place, fut assimilé à une trahison. Aujourd’hui dans la zone interdite de Tchernobyl, la plupart des ingénieurs affectés à la maintenance des réacteurs arrêtés nient les dangers et réclament le redémarrage des unités fermées. Le gène du secret et de la négation doit être contagieux : les responsables du consortium créé par Vinci et Bouygues pour construire le nouveau sarcophage, refusent toute information et que les journalistes rencontrent ses cadres.
Fin 1999, lors de la tempête qui mit à mal la centrale du Blayais, EDF décida de ne pas communiquer sur les circonstances de l’accident et sur l’accident majeur auquel les réacteurs avaient échappés. Ses responsables haussaient les épaules face aux questions. Il fallut qu’un responsable de l’Institut de Protection et de Sureté Nucléaire organise une fuite dont j’ai bénéficié pour que le Canard Enchaîné raconte dans le détail comment et pourquoi la centrale inondées avait frôlé la catastrophe.
Pour la plupart des incidents signalés sur les réacteurs français, EDF et Areva s’entendent pour minimiser, pour retarder l’information. Comme ni l’un ni l’autre n’avaient jamais accepté de communiquer sur les risques pris par les travailleurs intérimaires trop exposés. Il y a deux ans, voulant visiter la centrale de Dampierre en Burly pour les besoins d’un livre et d’un film, EDF me fit attendre 6 mois pour m’organiser une visite express au cours de laquelle il était interdit de prendre des photos et d’adresser la parole aux ingénieurs. Un « progrès » car pendant 6 ans, à la fin des années 70 et au début des années 80, j’ai été interdit (comme d’autres journalistes spécialisés) de visite dans les centrales françaises.
Les Chinois mentent sur les conditions sanitaires à l’intérieur et à l’extérieur de leurs centrales et y interdisent les études épidémiologiques. Comme les Indiens, les Ukrainiens et les Roumains et les Bulgares qui, après avoir maintenu le secret sur les deux réacteurs en piteux état de Kozlodouï, veulent désormais s’offrir une centrale russe.
Le dernier exemple tout chaud est évidemment celui de la Tepco, l’opérateur des six réacteurs en rade de Fukushima. Cette entreprise à dissimule pendant des années les incidents de ses réacteurs et a menti sur les causes de la catastrophe (le tremblement de terre et non pas le Tsunami). Avant d’oublier de signaler que les trois réacteurs sont entrés en fusion dés le premier jour et d’occulter l’intensité de la radioactivité dans et autour de la centrale, les conséquences sur les sacrifiés d’une lutte inégale contre l’accident qui se poursuit et sur l’étendue des contaminations dans la région, bien au delà de la zone d’évacuation et de la zone de confinement. Ils mentent maintenant en expliquant que la situation sera maîtrisée en janvier prochain avec l’aide de l’autre menteur pathologique, Areva.
Dernier menteur identifié : Nicolas Sarkozy en visite il y aune dizaine de jours dans la région de Cosne sur Loire, prés de la centrale de Belleville et expliquant à la presse locale attentive à recopier l’oracle : « Je ne veux pas détruire une filière qui crée de l’emploi, de la compétitivité et de l’indépendance énergétique et l’arrêt du nucléaire allemand offre un débouché à la France dans des conditions concurrentielles intéressantes ». Comprenne qui pourra mais les élus locaux ont applaudi ; les mêmes qui se battent dans la région contre les éoliennes. Je vous la fais courte, pour la liste des secrets et des mensonges qui s’accumulent depuis une bonne quarantaine d’année et aussi pour Sarkozy qui a finement remarqué : « on ne peut pas imaginer un tsunami en Bourgogne ». Rires gras...
Il semble y avoir dans l’expression industrielle et politique sur le nucléaire, comme la marque indélébile d’un gène du mensonge qui se transmet comme une maladie de plus en plus grave...Un seul remède à cette affection contagieuse: les Verts et un référendum.

lundi 6 juin 2011

Ours, rapaces, lynx ou loups: quand les chasseurs font la loi

lundi 6 juin


Avec l’annulation le 31 mai de la réintroduction dans le Béarn d’une femelle ours promise depuis des années, la faune sauvage vient de payer un nouveau tribut à la démagogie électorale. Dans cette zone des Pyrénées où ne survivent que deux mâles, l’espèce est donc promise à une disparition très rapide. Piteuse explication de la ministre de l’Ecologie, il s’agit de ne pas accroître les difficultés des éleveurs touchés par la sécheresse. Sauf que l’examen des cartes pluviométriques et de l’état des pâturages de montagne dans cette région montre que la situation des herbages est pratiquement normale. Une nouvelle fois, il s’agit de complaire au lobby des chasseurs et aux braillards de la FNSEA qui rêvent d’éliminer les quelques prédateurs survivant sur le territoire français. En oubliant qu’en 2010, chiffre communiqué par le ministère de l’écologie, 167 brebis ont été tuées (et remboursées aux bergers) par l’ours dans tout l’arc pyrénéen. Chiffre à rapprocher de deux autres : 600 000 brebis passent l’été dans les alpages des Pyrénées et dont prés de 30 000 sont mortes tuées par des chiens ou dans des accidents.
Il ne reste plus dans toutes les Pyrénées qu’une vingtaine d’ours discrètement pourchassés par les chasseurs qui ignorent volontairement la loi alors qu’il y a cinquante ans, il en restait environ 150. Empoisonnés, tués à coups de fusil ou chassés de leurs territoires par les équipements de sport d’hiver ou par l’ouverture de nouvelles pistes destinées à la sylviculture, ils ont peu à peu disparu. Aucun ministre de l’écologie, depuis les années 80 n’a réussi à obtenir que quelques dizaines de milliers d’hectares leurs soient réservés pour vivre en paix. Tout comme, à la fin des années 60, lorsque le parc national des Pyrénées fut créé, les aménageurs de la montagne et les associations de chasseurs avaient fait pression pour que les limites du parc n’englobent pas les espaces où vivaient encore de nombreux ours. Conséquence du manque de courage du législateur, le dernier ours brun aura disparu de France d’ici à une vingtaine d’années alors qu’il subsiste plus d’une centaine en Italie dans les Abruzzes ou en Espagne, animaux protégés à la fois par les pouvoirs publics et l’opinion publique. Sans compter les 700 loups italiens et les 2100 loups espagnols. Contre 180 à 200 en France.
Avec les autorisations données aux préfets de permettre aux bergers et aux chasseurs de tuer six loups en 2011, le pouvoir a également cédé à la tentation électorale alors que cet animal, venu d’Italie où il en reste plusieurs centaines, n’a tué l’année dernier qu’environ 2800 brebis (également remboursées). Par contre, selon les spécialistes et les associations d’éleveurs, le nombre des moutons tués par les chiens, errants ou fugitifs, dépasse 130 000 pour toute la France. Ce chiffre, même si l’on comprend que la vie des bergers ne soit pas facile et si l’on sait qu’ils sont en général sous-payés, relativise l’importance des dégâts commis par ce prédateur. Même remarque pour le lynx qui tente de survivre, malgré les tirs clandestins et les empoisonnements, dans le Jura et les Vosges où il a été réintroduit en 1983.
La France a de toute évidence des relations difficiles avec la nature sauvage comme l’a montré l’échec de l’année de la biodiversité et les récents tirs contre de grands rapaces dans les Alpes et le Sud de la France. La proportion d’oiseaux, les petits comme les grands, menacés de disparition sur le territoire métropolitain est de 26 % des 568 espèces répertoriées. Les chiffres viennent d’être communiqués par la Ligue pour la Protection des Oiseaux et le Muséum National d’Histoire Naturelle. Ces deux organismes rappellent dans le rapport publié que le chiffre mondial moyen est de 12 % et signalent des espèces emblématiques comme le milan royal sont systématiquement victimes d’appâts empoisonnés. En cause également : la poursuite d’un usage intensif des pesticides malgré les promesses du Grenelle de l’environnement et les drainages des zones humides pour y semer du maïs...qu’il faut arroser pour lutter contre la sécheresse. Ce qui a pour conséquence, dans de nombreuses régions, de diminuer le niveau des rivières où les céréaliers pompent souvent clandestinement de l’eau. Un ralentissement ou un tarissement du débit qui entraîne une forte mortalité des loutres, des castors et de tous les mammifères ou oiseaux inféodés à l’eau.
Pas une voix ne s’est élevée au parlement –sauf chez les Verts- pour protester contre les mesures anti-ours, anti-loups ou préjudiciables à l’avifaune. Le lobby des chasseurs fait la loi électorale. Dernière preuve : les 5 et 17 mai, à la demande de la Fédération des chasseurs, le Sénat et les députés, alors que le calendrier parlementaire est parait-il chargé, ont trouvé le temps de voter discrètement une proposition de loi sur « la modernisation du droit de chasse » qui revient à donner encore plus de droits aux chasseurs sur le milieu naturel et contre les autres usagers de la nature. Le score du scrutin laisse rêveur : 534 voix pour et 4 contre des dispositions qui remettent la vie sauvage.
Les animaux ne votent pas....

lundi 9 mai 2011

Consommateur: cela devient un métier à plein temps

Lundi 9 mai

Les autorités sont vraiment de plus en plus prévenantes pour le consommateur. Conservateur ? Colorant ? Anti-oxydant ? Antioxygène ? Epaississant ? Huile de palme ? Agent de texture ? Arome (1)? Exhausteurs de goût ? Glutamate ? Maltodextrine ? Focophérols ? E 130, E 131, E 141, E150, etc. ? Valeurs nutritionnelles ? Sucre ? Sel ? De quoi nous plaignons nous, tout est écrit sur les boites, les paquets et les emballages. Nous sommes informés ! Evidemment, c’est en général écrit jaune sur rouge, bleu sur violet et sous les boites ou les paquets, mais on nous dit tout, on ne nous cache presque rien, il suffit de savoir lire.
Même sur les yaourts, par exemple, la quantité de fruits, quand il y en a, est indiquée : en caractères aussi minuscules, en retournant le paquet de quatre, de huit ou de douze, en général de 4 à 8 % du yaourt. Ne reste plus qu’à calculer quelle fraction de fraise, de pêche ou de cerise que cela représente et d’oublier le fruit mensonger et entier qui fait de la figuration trompeuse sur le produit. De quoi nous plaindrions nous, c’est écrit dessus !
Dans un souci de transparence, répondant à la même préoccupation environnementale et des citoyens, le même gouvernement vient même de demander à des industriels de procéder une expérimentation pour nous expliquer les effets du produits sur la planètes avec un calcul des gaz à effets de serre émis par le produit ou la nourriture. Toujours sur la même et minuscule étiquette jaune sur rouge...
Il ne manque qu’un seul calcul sur ces emballages sacrifiant à la mode : le temps qu’il faut, avec de bonne lunettes, pour lire chaque étiquette et pour, ensuite, aller défricher l’étiquette voisine pour comparer. Ce qui signifie clairement qu’il faut environ une heure pour garnir un petit panier et pour s’interroger sur la signification de la mention « conforme à la législation en vigueur » puisqu’un produit « non conforme à la législation » ne peut pas être mis en vente. On peut aussi se demander ce que signifie « élaboré en France ». Souvent cela veut tout simplement que l’on a ajouté le sel ou le sucre « en France » sur un produit venu d’ailleurs. Car si l’étiquette de provenance des produits frais est exigé, rien n’est obligatoire pour les plats préparés ou les congelés. Les étiquettes ne sont que des mensonges par omission ou des écrans de fumée...Tout comme les « desserts » ou les plats de restaurants réputés « maison ». Qui, par exemple, sait que les crèmes brûlées « maison » d’origine industrielle ont droit à cette fausse appellation si le gâte-sauce ajoute un peu de sucre pour la passer au micro-onde ?
Cette transparence relative est un leurre, ce que mon grand-père appelait un attrape-couillon ? Car qui va prendre le temps de déchiffrer des notices qui se multiplient?
Ne serait-il pas plus simple, plus honnête, plus prudent surtout, de, tout simplement, interdire tous les additifs, colorants. Initiative qui éviterait au consommateur de s’user les yeux pour rien. Mais nous vivons sous le règne d’une transparence illusoire qui n’est qu’une désinformation soigneusement organisée. L’industrie agro-alimentaire nous vend n’importe quoi mais nous prévient en termes abscons. La morale commerciale est donc sauve.
Consommer, même avec modération, devient un véritable métier que 95 % des citoyens n’ont pas le temps d’exercer. Chaque lecteur pourra trouver dans sa pratique quotidienne d’autres exemples d’une information qui n’est est pas une et que pourrait remplacer un retour à une nourriture plus saine qui serait moins nocive. La preuve c’est que dans les produits bio élaborés, tous les produits qui doivent être signalés sont dans la plupart des cas absents.

(1) Le consommateur doit savoir que la mention « arome cerise » signifie tout simplement qu’il n’y a pas de cerise dans le produit.

vendredi 15 avril 2011

Nicolas Hulot, un choix raisonnable et efficace pour l'écologie

Vendredi 15 avril



La candidature de Nicolas Hulot peut être une chance, non pas pour les écologistes, mais, ce qui est beaucoup plus important, pour l’écologie.
Quels que soient les reproches qu’il est possible de lui faire sur le passé, son présent et sa claire prise de position sur le nucléaire plaident en sa faveur. Je n’en suis que plus à l’aise pour dire cela que j’ai écrit dans Libération en 2007, à quel point je ne le croyais alors pas taillé et armé pour mener une campagne politique abordant aussi les questions sociales et économiques. Il est toujours possible d’apprendre, sa récente évolution, notamment à travers son film, le prouvent amplement. Il a changé et a ajouté des analyses aux constatations qu’il filme et raconte depuis des années. Après avoir été le « journaliste » de la beauté et de la destruction de la planète, il en est désormais un commentateur et un analyste averti. Je fais partie de ceux qui auraient préféré, évidemment, que Cécile Duflot soit la porte parole de l’écologie dans cette campagne de 2012 car sa vie familiale, sa vie personnelle, son insertion dans la réalité sociale et la réalité de la vie des salariés, plaidaient en faveur de cette solution. Mais elle ne le veut pas, épuisée d’avoir à se partager entre sa vie personnelle, ses quatre enfants dont le dernier n’a que deux ans et la vie politique. On peut à la fois le comprendre et le regretter, d’autant plus qu’elle incarne une nouvelle génération d’écolos, celle qui doit prendre la relève pour une écologie plus populaire.
La candidature de Nicolas Hulot offre au moins deux avantages.
D’abord elle met en avant un homme qui n’a pas besoin d’expliquer qui il est, ni de se faire connaître ni de convaincre qu’il maîtrise parfaitement les dossiers qu’il devra évoquer. Qu’il s’agisse de l’affaiblissement de la biodiversité, de la nécessité d’une autre croissance, de l’épuisement des ressources, des pollutions, des destructions et des appauvrissements entraînés par une mondialisation sauvage. Même si cette dernière expression n’est qu’un triste pléonasme. Bien sur, il devra les relier aux questions sociales, mais il est permis de penser que son entourage saura lui rappeler et l’aider pour rendre crédible aux yeux du plus grand nombre le combat qu’il incarne. On pourra lui jeter à la figure sa collaboration avec TF1 et bien d’autres compagnonnages délicats. Mais, que ceux qui n’ont jamais pêché et mènent chaque jour une vie écologiquement irréprochable lui jettent la première pierre...
Ensuite, la candidature de Nicolas Hulot aura ou aurait, rien n’est encore joué, l’immense avantage de remettre en cause celle d’Eva Joly conçue par des professionnels de la communication et lancée l’été dernier comme une de ces savonnettes vantées par TF1 et reprochées à Hulot. Eva Joly possède toutes les qualités possibles et imaginables sauf d’être crédible, convaincante et intelligible quand elle parle d’écologie et des maux de la planète. Son succès comme magistrat pourfendant les escrocs et les artistes du CAC 40, ne vaut pas brevet d’écologiste et son intégrité alléguée ne peut pas combler cette grave lacune. Elle n’a rien à voir avec l’écologie, elle n’est que l’idée, qu’ils croient géniale, que se font des apprentis sorciers de la com' pensant que pour gagner et convaincre il faut simplement surprendre.
Et puis, soyons lucide jusqu’au bout : il ne s’agit pas (pas encore) pour les écologistes d’accéder à la présidence de la République. Mais, plus simplement et plus efficacement, d’entraîner l’adhésion à un autre développement, à un autre monde (possible), d’une partie plus importante de la population. En interpellant tous les partis politiques qui font une fois de plus semblant de s’intéresser à une thématique qui les emmerde et qu’ils comprennent rarement.
Au moment où nous déplorons la disparition du journaliste Jean Carlier, ancien directeur de l’information à RTL, qui fut l’un des pionniers de l’écologie politique au début des années 70 après avoir, lui aussi, vécu une véritable mue idéologique, la perspective de la candidature de Nicolas Hulot prouve que l’on peut changer et cesser d’être un chroniqueur d’un monde ancien pour convaincre l’opinion publique qu’il faut désormais le changer.

mardi 22 mars 2011

Japon: onze jours aprés l'accident nucléaire, le point sur les manipulations japonaises et françaises

Mardi 22 mars

Une dizaine de jours après la série d’accidents nucléaires graves qui touchent la population japonaise, il commence à être temps de faire le tri dans les manipulations, les clichés, les réalités et les chiffres. Aussi bien au Japon qu’en France. Un bilan pour lequel notre correspondant au Japon nous a apporté une aide précieuse. Même si il constate que nous en savons souvent plus en France et en Europe sur la situation et l’évolution de la catastrophe en cours que ses concitoyens.

- Il y a, largement relayée par une partie de la presse française, mais beaucoup moins en Allemagne, le « folklore » du calme et de la sérénité japonaise. Il s’agit d’une fable s’agissant de la crainte engendrée par les fuites nucléaires. Il suffit d’entendre les conversations et les inquiétudes du Japonais moyen pour constater que la peur est là. Il suffit ensuite de constater la panique et les exodes massifs de la région touchée pour mesurer la qualité du mensonge. La pagaille se poursuit sur les routes. Et les habitants de Tokyo qui en ont les moyens et qui peuvent échapper à la coercition de leurs employeurs, partent également vers le sud. Mais cela coûte une fortune et c’est très mal vu par les entreprises qui refusent souvent de laisser partir leurs salariés. Avec une remarque subsidiaire : où installer les 35 millions d’habitants de la capitale s’il fallait reconnaître clairement une menace ?

- Pour que les Japonais prennent pleinement conscience de la menace, encore faudrait-il que le gouvernement japonais, avec la complicité active d’une grande partie de la presse, ne pratique pas un art consommé de la dissimulation de l’information. Ni la NHK, la télévision officielle, ni les grands journaux ne fournissent d’information précise sur l’évolution des réacteurs hors de contrôle ni sur les taux de contamination dans la centrale de Fukushima, dans les provinces proches ni dans la région de Tokyo. Qu’il s’agisse de la contamination de l’air, ou de la teneur des retombées sur ce qui reste des villes et sur les terres agricoles. La dernière des informations fantaisistes est d’avoir diffusé dimanche le conseil ridicule de « sortir avec un parapluie en cas de pluie » pour éviter d’être contaminé ! La plupart des informations télévisées que nous pouvons voir quasi-instantanément en Europe, sont diffusées avec des heures de retard au Japon ou bien passée sous silence. Il en fut ainsi des explosions dans les réacteurs depuis celle du premier samedi de la catastrophe, un mot qui n’est pas utilisé par les médias. Elles ont presque toutes été montrées avec beaucoup de retard. Quand aux antinucléaires japonais, ils n’ont pratiquement jamais accès aux grands média.

- La Tepco, la compagnie privée qui gère les six réacteurs de Fukushima a annoncé dimanche aux Japonais, pour preuve de sa bonne foi, qu’ils ne seraient pas remis en route. Evidemment puisqu’ils sont en partie détruits, comme celui de Tchernobyl. Il ne reste plus qu’à les enfermer dans un sarcophage.

- La Tepco et le pouvoir ne donnent aucune information sur la forme, la teneur et les directions prises par les panaches de radioactivité qui continue à s’échapper des réacteurs et des piscines de refroidissement. Alors que la moitié des capteurs automatiques de la région fonctionnent toujours. Aucune information non plus sur les doses reçues par les ingénieurs, les pilotes et les pompiers qui interviennent en prenant des risques insensés et qui sont présentés comme des volontaires alors qu’ils ne sont pas clairement informés de ces risques. Et enfin, pas d’information sur ce que deviennent les eaux de refroidissement dont une partie s’enfonce dans le sol vers les nappes phréatiques tandis que l’autre s’écoule vers la mer. D’un jour à l’autre, les responsables de l’entreprise médiatisent des annonces contradictoires, annonçant, ce qui est ridicules et dangereux, qu’ils ne savent pas ce qui se passe dans leurs réacteurs et ne communiquent pas sur le contenu des fumées blanches et noires qui s’échappent alternativement de leurs réacteur. Lundi et mardi, cette désinformation, jamais contredite par le gouvernement, a atteint des sommets. Alors qu’une poignée de volontaires écolos, eux, parviennent à relever des résultats de mesures qui sont ignorées.

- La Tepco et le gouvernement japonais communiquent très peu d’informations sur la situation de la centrale et sur les contaminations en cours à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique qui n’est pourtant pas habituellement et par nature très exigeante. Les effets de la complicité entre la Tepco (qui gère 17 réacteurs dans le pays), les autres opérateurs privés et le ministère de l’Economie et le gouvernement se font sentir sur tous les aspects de information.

- Aucune nouvelle en ce qui concerne les centrales d’Ogawa et de Tokai où les réacteurs ont été également arrêtés d’urgence.

- En France, le gouvernement et tous les porte-parole du lobby nucléaire s’agitent en expliquant que la France est à l’abri d’un tsunami. Une évidence ; et aucun des sceptiques français envers le nucléaire ou le tout-nucléaire n’ont évoqué une telle éventualité. Pas plus qu’ils ne prétendent que la probabilité d’un tremblement de terre d’une magnitude 9 comme le séisme qui a touché le Japon. Mais les partisans du nucléaire ne veulent pas entendre parler de la réalité : les effets, quelles qu’en soient les raisons, de l’arrêt brutal d’un réacteur ou de la coupure soudaine de l’alimentation électrique d’une centrale.

- Le gouvernement français s’agite également énormément pour expliquer qu’il prend toutes les mesures nécessaires en cas d’arrivée d’un nuage radioactif sur le pays, alors qu’il est de notoriété publique que, vu la distance, cette éventualité est nulle. La France prend donc des précautions (on ne sait d’ailleurs pas lesquelles) contre un péril imaginaire.

- Le gouvernement français n’a donné aucune précision sur la façon dont sera (serait) mené l’audit sur les réacteurs français.

PS

Les Japonais sont si avares d’information auprès de l’AIEA et des agences nationales que c’est auprés de la CRIRAD, que l’IRSN et le ministère de l’industrie (qui dit n’importe quoi) puisent un certain nombre de données sur la situation au Japon.

jeudi 17 mars 2011

Souvenir de journaliste, il y a pire que la guerre, il y a la radioactivité, la chose inommable

jeudi 17 mars


En direct, l’envoyé spécial de France 2, Alain de Chalvron, a dit il y a deux jours son angoisse face à la radioactivité qui arrivait ou qui pouvait arriver. Dans sa voix, pour ce journaliste qui en a vu d’autres, il y avait une tension inhabituelle. D’autres journalistes ont exprimé, sans doute malgré eux, cette peur, cette crainte d’un inconnu qu’il est impossible de voir. Etrange et révélateur de ce qui se passe. Au cours de ma carrière déjà longue, j’ai cavalé sous les bombes ou guetté les obus, les balles et les explosions à Groznyï, en Irak, à Gaza, en Géorgie, au Liban, en Afghanistan, au Bangladesh. Et ailleurs. Pour raconter la guerre et ce qu’il y avait derrière les combats. Je n’étais alors ni plus courageux ni plus glorieux qu’un couvreur qui risque tous les jours l’accident du travail s’il tombe du toit. J’y allais, parce que c’était et que cela reste mon métier : en ayant peur, avant, pendant (et surtout) et après), mais avec, toujours, l’impression que j’avais ma chance, l’illusion que je pouvais, avec un peu d’habilité et d’instinct, passer entre les gouttes. Illusion bien sur car cela revient à jouer à la roulette russe. Mais, après tout, même à ce stupide jeu russe, il y a toujours une chance. Une seule et dans la tête, ça suffit ; l’homme ou la femme qui jouent ainsi à cache-cache, y croient d’autant plus que, souvent, ça tombe ailleurs, voire sur un autre. Et puis un jour, après avoir beaucoup intrigué et collectionné les signatures d’apparatchiks soviétiques, j’ai obtenu l’autorisation, trois ans après l’accident, de descendre dans le cratère de l’explosion de Tchernobyl pour voir le réacteur fondu et tordu. Avec une photographe. Au dernier moment, j’ai renoncé, je n’ai pas osé prendre le risque, invisible, impalpable, d’aller subir une forte irradiation pendant quelques minutes ; d’affronter un danger silencieux et invisible. La photographe est descendue et a rapporté des photos fantastiques qui ont fait le tour du monde et la une des magasines. Je n’ai jamais regretté mon refus et mon rédacteur en chef de l’époque ne me l’a pas reproché, ne m’a pas reproché d’avoir raté un véritable scoop. L’atome en folie ne peut pas, ne doit pas être affronté. Sauf, comme à Tchernobyl et à Fukushima, pour tenter de sauver des vies.
C’est ce qui se passe au Japon : des reporters aguerris ne supportent pas cette menace invisible que représentent les radiations. La peur, l’angoisse prennent une autre forme, une intensité inhabituelle. Pas d’adrénaline, juste une appréhension interne profonde qui n’a ni forme, ni odeur, ni saveur. Juste quelque chose qui pénètre l’âme et le corps. Quelque chose que je ressens encore quand, comme en novembre dernier, je marche au pied du sarcophage de Tchernobyl. Comme quand j’arpente les rues désertes et silencieuses de la ville de Pripiat abandonnées par 50 000 personnes, à quelques kilomètres de la centrale accidentée. A chaque fois que j’y retourne, l’angoisse est la même dans cette Pompéi des temps modernes. Une angoisse si particulière que j’ai du mal à l’expliquer ensuite à mes proches, à des amis. C’est cela l’énergie nucléaire dont la force s’échappe –forcément- un jour : la mort invisible, la mort définitive d’une ville qui disparaît peu à peu sous la végétation. C’est, au sens strict du terme, absolument in-des-crip-tible. Comme la représentation du mal absolu, de la folie technologique qui prend des paris stupides avec le diable.
C’est tout cela que ressentent confusément beaucoup des journalistes présents au Japon alors qu’ils étaient partis couvrir un fait comme un autre : une fois sur place, ils comprennent qu’il y a autre chose, indéfinissable et quasi impossible à nommer ; oui, c’est cela finalement les radiations qui se répandent représentent l’innommable.
C’est aussi ce que commencent à ressentir les Japonais qui apparaissent dans les reportages : au delà des peurs du tremblement de terre, au delà de l’horreur du tsunami, il y a la terreur qui monte de ne pas savoir quand et comment on va être plongé dans la radioactivité : nul ne la voit arriver et même les chiffres qui défilent sur un dosimètre ne parlent pas à la conscience.
C’est cela que vivent des millions de Japonais : l’arrivée d’une peur qu’ils croyaient avoir maîtrisé depuis Hiroshima. Pourtant, hier c’était la guerre alors qu’aujourd’hui, il parait que c’est la paix.

PS Pour lire la suite des événements japonais dans un papier actualisé plusieurs fois par jour, se reporter au site politis.fr sur mon blog

lundi 14 mars 2011

Nucléaire au Japon: les dernières nouvelles de la situation

Lundi 14 mars

Après les explosions survenues samedi matin et lundi matin, heure du Japon, la situation parait s’aggraver d’heure en heure dans les réacteurs numéro 1, numéro 2 et numéro 3 de la centrale de Kukushima Daiichi. Et trois réacteurs de la centrale de Kukushima Daini, un peu plus au sud ne sont toujours pas correctement refroidis ; tout comme les trois réacteurs, du même modèle, de la centrale d’Onagawa, un peu plus au Nord. En tout onze réacteurs du Nord-Est du pays, donnent toujours des soucis aux ingénieurs après avoir été arrêtés brutalement au moment du tremblement de terre. Les autorités japonaises, qui comme toujours en pareilles circonstances, ont commencé par diffuser des informations rassurantes, ne savent pas ou n’ont pas voulu préciser si les explosions qui ont soufflé les bâtiments réacteur numéro 1 samedi et lundi ont également détruit ou endommagé l’enceinte de protection du réacteur, chape de béton destinée à retenir toutes les émanations et particules radioactives. L’existence de cette énorme cloche de confinement est d’ailleurs ce qui différencie le réacteur accidenté de Tchernobyl des réacteurs japonais ou français.

L’élévation progressive de la teneur en radioactivité relevée dans la région par des journalistes et des écologistes japonais, les ordres d’évacuation (pour 230 000 personnes) donnés à la population dans une zone de 20 kilomètres qui pourrait être rapidement élargie, laisse présager qu’il existe au moins des fissures dans les enceintes, n’en déplaise aux "docteurs tant mieux" du Japon et de France. Mais la pagaille et les embouteillages qui se sont amplifiés tout le week end sur les voies menant vers le sud, la pénurie d’essence notamment liée à l’absence d’électricité, et aussi le manque de train, font hésiter les autorités japonaises : elles ne savent plus quoi faire des évacués qui courent le risque d’être rejoints sur les routes souvent coupées ou privées de ponts, par une plus forte vague de radioactivité. Des évacués qui s’ajoutent à ceux qui ont perdu leurs maisons et ont pris la route vers la capitale. Alors que la radioactivité mesurée lundi en début d’après midi (heure du Japon) par des volontaires appartenant à des organisations d’écologistes continue d’augmenter. Elle change d’ailleurs au gré du vent qui souffle du nord-ouest mais reste très faible (12 kilomètres heure). Ce qui favorise les retombées sur la région : toute la radioactivité ne s’évacue donc pas vers l’Est et le Pacifique. Une preuve : dans l’ensemble de la province de Miyagi où se trouvent les centrales, et loin vers le sud, à 100 Kms de la centrale, la radioactivité était dimanche après-midi entre 400 et 500 fois supérieure à la normale et elle a atteint des batiments militaires américains qui croisent au sud de la zone. Les pluies ou la neige prévues pour mardi et mercredi auront d’ailleurs comme résultat de fixer les pollutions au sol en le contaminant pour des années. Dans cette région agricole, les cultures risquent d’être longtemps impossibles en raison de la contamination du riz et des produits maraîchers.

Les chiffres actuellement disponibles pour l’extérieur de la centrale indiquent qu’en une journée, un habitant présent à moins de cinq kilomètres reçoit, en particules et en teneur radioactives, l’équivalent d’une dose 24 fois supérieure à celle autorisée aux travailleurs du nucléaire en un an. Ce qui confirme que un ou plusieurs coeurs de réacteurs ont commencé leur entrée en fusion et que plusieurs autres relâchent de la vapeur radioactive. Soit sous l’action des ingénieurs cherchant à faire baisser les pressions, soit en raison de fissures non maîtrisées. Tout cela faute de refroidissement après l’arrêt provoqué par le tremblement de terre. Il s’agit, comme pour les autres réacteurs en difficulté, d’un arrêt automatique. Lequel « secoue » toujours gravement l’ensemble des équipements de production et surtout de contrôle. Les conséquences en sont alors d’autant plus graves que pour ces réacteur comme pour huit autres ayant subi ce type de choc, le refroidissement n’a pas pu être assuré correctement ou pas assuré du tout. Faute d’alimentation électrique : un réacteur, lorsqu’il ne produit plus d’électricité doit être alimentée par des lignes extérieures. Lesquelles ont été coupées ou détruites par le séisme alors que les équipements de secours n’ont pas toujours fonctionné correctement.

Le refroidissement est indispensable, tout simplement parce qu’après un arrêt d’urgence un réacteur continue à dégager environ 10 % de la chaleur et de la puissance nominale qui est de 520 Mégawatts pour le modèle de Kukushima. Evaluation qui n’a plus de sens quand un réacteur, faute de refroidissement, commence à s’emballer et à échapper au contrôle : faute d’eau et de liquide réfrigérant, les barres d’uranium restent en grande partie à l’air libre, produisant notamment de l’hydrogène (radioactif) qui peut exploser d’un moment à l’autre. Au moins quatre autres réacteurs connaissent également des difficultés, de moindre ampleur, parce que les générateurs de secours n’ont pas fourni à temps la puissance électrique nécessaire au maintien du refroidissement et au fonctionnement des trois autres salle de contrôle en charge chacune, comme en France, de deux réacteurs.

La situation nucléaire au Japon, ne concerne pas onze centrales comme il a été souvent écrit ou dit depuis vendredi, mais seulement onze réacteurs répartis dans trois centrales situées sur la côte Est du Japon qui se trouve être proche de l’épicentre du tremblement de terre. Il s’agit pour l’instant de la centrale de la centrale de Kukushima Daïichi avec six réacteurs, de la centrale de Fukushima Daini avec 4 réacteurs et celle de Onagawa, un plus au nord, où fonctionnent 3 réacteurs. Il n’y a pas d’informations fiables sur la situation de la centrale de Tokai, au sud, où un seul réacteur, mis en service en 1976, était sous tension au moment du séisme. Le Japon compte actuellement 55 réacteurs en fonctionnement répartis dans 17 centrales. Ils assurent environ 35 % de l’électricité consommée dans le pays. L’essentiel du parc nucléaire est composé de 33 réacteurs à eau bouillante connu sous le sigle REB en français ou BWR en anglais car il s’agit d’une technologie américaine. Ils sont prioritairement en service aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suède, en Finlande et aussi en Russie. En France, EDF utilise exclusivement des réacteurs à eau pressurisée, mais la technologie –et donc les risques éventuels en cas d’incident ou d’accident- n’est pas fondamentalement différente.

Le combustible, de l’uranium enrichi, utilisé dans les réacteurs japonais à eau bouillante est à peu de chose le même et sous une forme identique que dans les réacteurs en service en France. Mais dans les réacteurs à eau bouillante, comme souvent pour la filière française, le combustible est ce que l’on appelle du MOX, c’est à dire un mélange d’uranium et de plutonium. Caractéristique problématique en cas d’accident et de rejet dans l’atmosphère, car à la radioactivité s’ajoute le danger d’ingérer des particules de plutonium qui induisent automatiquement des cancers à des doses infinitésimales.

Une différence importante entre les deux filières : il n’y a qu’un seul circuit primaire de circulation d’eau dans les REB, ce qui peut-être considéré comme une fragilisation supplémentaire en cas d’incident ou d’accident. Notamment parce que l’envoi en « recirculation » de l’eau et la séparation de la vapeur envoyée pour faire tourner les turbines sont plus compliquées et exigent plus de rigueur dans la surveillance du fonctionnement que dans les réacteurs français. D’où la gravité des incidents d’accès aux approvisionnements en eau froide en cas de perte de puissance électrique. Le choix entre les deux filières est induit par deux considération : la première est politique puisque les réacteur REB sont américains et la seconde est économique puisqu’ils coûtent moins cher à la construction.

Lorsque les autorités de sûreté nucléaire française expliquent qu’elles vont prendre des mesures en France, cela confine au ridicule technique : l’Europe n’est pas menacée par l’accident ou les accidents en cours au Japon. Il ne s’agit donc que d’une gesticulation politique gâchée par Eric Besson qui a perdu une occasion de se taire en niant qu’il s’agisse d’une catastrophe et en annonçant une incident de niveau 4 alors que le niveau des accidents est seulement fixé plusieurs semaines après la phase critique. Mais quand les spécialistes français signalent la grande compétence des ingénieurs nucléaires japonais, il sont dans le vrai car ils sont probablement meilleurs que les Français. Mais, dans leurs scenarii les plus pessimistes, ils n’avaient jamais envisagé une telle accumulation d’incidents. Ils s’avouent désormais dépassés par les événements et ne compte plus que sur la chance pour éviter une catastrophe majeure. Mais comme les ingénieurs et techniciens de Tchernobyl, ils prennent depuis vendredi des risques terribles, malgré les combinaisons et des courts séjours ne dépassant pas trois minutes, au cours de leurs interventions dans des bâtiments saturés de radioactivité.

Avec mes remerciements pour son aide à mon confrére japonais Hitoshi Kadowaki

Post-Scriptum

Pour ceux qui veulent comprendre exactement ce qui se passe dans un réacteur brutalement arrêté (comme si on coupait le contact sur une voiture roulant à 130 km/h ou dans le cas d’un freinage d’urgence d’un TGV), je renvoie le lecteur à mon livre de fiction "Inéluctable, le roman d’un accident nucléaire en France" qui met en scène les questions techniques et politiques, notamment sur la question de la dissimulation des informations importantes
Encadré

Mon correspondant au Japon, un journaliste spécialisé, me signale l’aggravation de la situation et aussi un autre probléme : faute d’électricité, la plupart des habitants de la zone menacée et jusqu’à 150 kilomètres vers le sud et vers le nord, ne peuvent plus être alertés par la radio et la télévision et n’ont plus accès à Internet. Ils ne peuvent plus être informés en temps réel. D’autre part il apparait que, cauchemar de tous ceux qui simulent des opérations d’évacuation, les routes sont souvent totalement paralysées par ceux qui tentent de s’enfuir vers le sud. Car les destructions de voies ferrées et le manque d’électricité ont considérablement réduit la circulation des trains. Et, en plus, il n’y a pratiquement plus d’essence dans la région....

dimanche 13 février 2011

Roses de la Saint-Valentin: bons baisers du Kenya

Dimanche 13 Février 2011

95 % des roses achetées aujourd’hui pour sacrifier à la sollicitation commerciale de la fête des amoureux proviennent du Kenya. Ou d’Equateur, de Colombie ou d’Ethiopie. Toutes produites par des ouvriers ou ouvrières payés chaque semaine d’à peine le prix d’un bouquet en France...
Toutes ces roses fraîches sont arrivées vendredi ou samedi par avion. Avant de repartir pour la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Etats Unis ou la Russie elles ont transité par l’aéroport de Schiphol aux Pays Bas. Vendredi, les avions venus des quatre coins du monde ont livrés prés de 30 millions de roses immédiatement achetées aux enchères par des mandataires les re-expédiant immédiatement par avion pour leur mise en vente.
Ce commerce entraîne évidemment un fantastique gaspillage d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre et, au passage, ruine au prix d’une aberration écologique, les rares producteurs de roses. Mais ce n’est pas tout...
Les trois quarts des exploitations de roses kenyanes se trouvent dans les environs du Lac Naivasha, où elles couvrent environ 5000 hectares. Ce lac, situé à 1 800 m d’altitude, est l’un des plus hauts de la Rift Valley. Autour de lui se concentrent les « élevages » industriels de roses. Comme beaucoup de rivières et de nappes phréatiques de la région, le lac est donc de plus en plus pollué par les pesticides, engrais et autres produits destinés à nettoyer et désinfecter les sols avant la plantation de nouveaux rosiers à la vie éphémère, mourant de surproduction. Cette pollution est encore accrue par les pompages d’eau qui font baisser le niveau du lac et y augmentent par conséquent la concentration de produits nocifs, produits s’accumulant également dans les puits des agriculteurs de la région. Quant aux pêcheurs, ils se plaignent de prendre de moins en moins de poissons et en rendent responsables les industriels de la rose : le lac est envahi de jacinthes d’eau, la plaie de l’Afrique car elles entraînent l’eutrophisation des fleuves et des lacs, manque d’oxygène qui nuit à beaucoup de poissons dont se nourrissent les populations. Souvent, après des nettoyages dont les rejets atteignent le lac en quantités importantes, des vaches laissées imprudemment près du bord du lac pollué, meurent après avoir trop bu de ces eaux empoisonnées. D’après des écologistes locaux et des organisations non gouvermentales, le lac pourrait ne plus être qu’un cloaque boueux dans une quinzaine d’années. Il est pourtant théoriquement protégé depuis 1995 par la Convention internationale Ramsar qui veille sur les plus belles zones humides du monde. Mais cela ne préoccupe guère les autorités et les industriels de l’horticulture.
Un rapport du « Conseil des Canadiens » publié en 2009 par The Ecologist, la revue environnementale créée il y a 40 ans par Teddy Goldsmith en Grande Bretagne, relate une mission entreprise par ses scientifiques autour du lac. Les conclusions apparaissent sans appel : « Les quelque 30 grandes exploitations de fleurs installées autour du lac posent un grand nombre de problèmes écologiques à cette région, à son lac et à ses rivières. Notamment en ce qui concerne la perte d’eau, l’accroissement de la population attirée par les emplois et l’utilisation intensive de pesticides et de fertilisants (...) Nous avons remarqué des canalisations qui pompent l’eau du lac vers les serres et des fossés d’écoulement qui envoient des eaux polluées vers le lac (...) Les bords du lac ont peu à peu été privatisés par les propriétaires des fermes et la population d’origine, notamment les Massaïs, est peu à peu repoussée plus loin, ne disposant plus que d’un accès restreint aux eaux du lac pour leurs troupeaux, dans un petit espace où les femmes lavent leurs linges et ou survivent des hippopotames et des flamants roses (...) La situation est simple : sans eau, plus de cultures de roses et les fermes horticoles la pompent sans la moindre restriction. En fait, explique l’un des responsables des systèmes de surveillance de l’eau de la région, Severino Maitama, comme les roses sont constituées à 90 % d’eau, c’est notre eau que ces sociétés exportent alors que nous sommes l’un des pays les plus secs de la région (...) Les eaux du lac sont déjà à un niveau inférieur de plus de trois mètres à ce qu’il était dans les années 80 (...) Avant, le lac Naivasha était l’un des dix sites mondiaux réputés pour sa richesse en oiseaux avec 350 espèces répertoriées. Il était aussi renommé pour ses eaux claires, pour les papyrus et pour les lys qui poussaient sur ses rives. La plus grande partie de la végétation a disparu. (...) Au cours des deux dernières années le nombre des hippopotames a diminué de plus d’un quart à cause de la baisse du niveau de l’eau. Leur nombre n’est plus que d’un millier. (....) David Herper, professeur à l’Université de Leicester et responsable depuis 17 ans de l’association Earthwatch dénonce cette situation : « Tous ceux qui, en Europe, ont mangé des fraises et des haricots verts du Kenya et admiré les roses de ce pays ont acheté de l’eau du Naivasha. Il se transformera en un étang boueux et nauséabond, avec des communautés humaines appauvries vivant difficilement sur ses rives dénudées. Les insupportables prélèvements d’eau pour les besoins agricoles et horticoles sont en train d’assécher ce lac. Au fur et à mesure que sa surface et sa profondeur se réduiront, il se réchauffera, entraînant la prolifération de micro-algues. Ce n’est plus qu’une question de temps pour que ce lac devienne toxique (...)
La population est passée de 7000 en 1969 à 300 000 en 2007. En attirant tant de gens, les sociétés internationales d’horticulture ont créé un fardeau écologiquement insupportable pour le lac. Les gens utilisent et polluent l’eau pour vivre, ils braconnent pour se procurer de la viande. Ils vont de plus en plus loin pour se procurer du bois et fabriquer du charbon de bois. Un arbre de cinquante ans fournit environ cinquante sacs de charbon de bois et une famille utilise quotidiennement un sac. Mais il n’y a aucun effort de reforestation et les gens vont maintenant jusque sur les bords du Lac Victoria chercher du bois, ce qui déstabilise les apports d’eau et entraîne un apport supplémentaire de sédiments dans le lac en raison de l’érosion (....) Il n’existe aucune réglementation légale pour organiser l’utilisation de l’eau du lac Naivasha. Les associations des fermes horticoles ont édicté leur propre loi basée sur une autorégulation…».
Et les mêmes remarques sur les atteintes à la santé des salariés, sur leur exploitation vaut également pour les autres pays du sud où se cultivent ces roses et bien d’autres fleurs dont l’origine n’est jamais indiquée chez les fleuristes. Ce qui est contraire à la loi...

samedi 8 janvier 2011

Bonne nouvelle, la fin de la prime à la casse

samedi 6 JANVIER 2011

Bonne année 2012 car pour 2011, cela me parait déjà compromis !

Depuis le premier janvier, la prime à la casse a enfin disparu. Comme quoi il n’y a pas que des mauvaises nouvelles en ce début de 2011. Cette prime qui a coûté au minimum un milliard d’euros à la collectivité était une aberration écologique ! C’est bien cher payé un soutien à une activité industrielle condamnée à terme.
L’idée de cette prime ne pouvait surgir que dans l’imagination tordue d’un gouvernement n’ayant rien compris à l’écologie. Je me souviens de l’avoir écrit ici même et d’avoir reçu quelques réponses courroucées me reprochant d’ignorer « les pauvres se voyant offrir une chance d’avoir une voiture neuve ». Et oubliant de surcroît les emplois ainsi sauvés...
D’abord en ces temps de crise climatique (oui, je sais, elle n’existe pas, disent les mêmes...) est-il judicieux de persuader la population qu’il n’est de salut que dans la poursuite de la glorification de la voiture individuelle. Notamment en ville ; car je ne méconnais pas les difficultés de se déplacer dans les zones rurales. Ou dans les banlieues que les urbanistes et les profiteurs immobiliers ont étendu sans se préoccuper des transports collectifs.
Mais revenons à l’essentiel : les gouvernements nous ont vendu (car la France n’est pas seule à jouer avec la fausse écologie) cette prime sous prétexte de diminuer le nombre de « vieilles voitures polluantes ». Pour cela ils ont incité les citoyens à mettre au rebus des véhicules qui pouvaient encore rouler pendant des dizaines de milliers de kilomètres. Ce qui a entraîné un gaspillage des matières premières ayant servi à les construire. En induisant donc le gaspillage (pour la France) d’autres matériaux pour la production d’au moins 600 000 véhicules supplémentaires. Les pollutions et les gaspillages entraînés par la fabrication de ces voitures ont été, les spécialistes ont fait le calcul, sans commune mesure avec le supplément d’émissions de gaz a effet de serre des bagnoles anciennes. Ecologiquement, le bilan est calamiteux ! D’autant plus que la moitié au moins des bagnoles neuves ont parcouru (comme leurs pièces détachées) des milliers de kilomètres en camion pour être livrées aux clients persuadés de « faire une bonne action » pour le climat. Même remarque, en passant pour les voitures bénéficiant d’un bonus écologique...après avoir été transportées par la route pour venir sur le territoire français.
Reste la question du chantage à l’emploi. Le même qui incite des syndicats et le gouvernement à glorifier la poursuite du nucléaire civil et la quatrième place de la France dans la production d’armes, petites ou grandes pour sauvegarder ces emplois. Une seule réponse à la question de la destruction des emplois liés à l’industrie automobile : est-il si difficile de transformer cette industrie pour lui faire produire massivement les autobus, les trams, les métros et les trains qui manquent si cruellement dans la région parisienne et autour des grandes métropoles ?
Si l’idée était vraiment de réduire la pollution, pourquoi, par exemple, a-t-on refusé de reprendre ma petite voiture qui a 23 ans en échange d’une prime me permettant de payer moins cher un scooter hybride avec lequel (car je l’ai acheté quand même) je consomme en moyenne 1, 7 litres d’essence en ville ?

dimanche 12 décembre 2010

Cancun, les pays du Sud sauvent de justesse la conférence sur le climat

Cancun, Dimanche 12 décembre


Toutes les ambiguïtés possibles et imaginables figurent dans le document adopté dans la nuit de vendredi à samedi à Cancun, qu’il s’agisse de la forêt livrée aux marchands ou bien de l’aide aux pays les plus pauvres qui sera, comme les compensations forestière, livrés à la Banque Mondiale et au « socialiste » qui gouverne le Fonds Monétaire International. Elles permettent à chacun, y compris les Etats Unis et la Chine, de lire cet accord à sa façon. Quant à la Russie, elle aura simplement réussi à se ridiculiser une fois de plus et le Canada et l’Australie se sont distingués, soumis aux mêmes multinationales, par le suivisme des Américains. On retiendra plusieurs choses du nouvel happening qui s’est déroulée au coeur d’une ville qui rassemble dans son univers touristique, tous les maux et les aberrations de la planète gaspilleuse. Difficile d’imaginer, avant d’atterrir dans cette longue zone hôtelière américanisée de 28 kilomètres et 161 hôtels, à quel point le tourisme peut être ravageur e symbole de l’évolution mortelle de la planète : de l’ancienne lagune et de la mangrove de Cancun, il ne reste pratiquement plus rien. Des discussion et du ce texte imposés avec beaucoup d’intelligence par la présidence mexicaine qui redoutait un échec émergent plusieurs certitudes.
D’abord que les pays occidentaux, à commencer par l’Europe et la France, n’ont même pas fait de la figuration intelligente tant les discours de leurs ministres ont été convenus et médiocres. Celui de la ministre de l’Ecologie française, un authentique rapport de gendarmerie de cinq minutes, fut l’un des pires. Ce n’était pas du meilleur Nathalie Kosciusko-Morizet. Il est vrai qu’après avoir accompagné le Président de la République en Inde pour y vendre des centrales nucléaires, il lui était bien difficile d’être crédible à jouer les écolos.
Ensuite que le négociateur français qui quitte son poste, Brice Lalonde, a joué personnellement un rôle important. Qu’il ait eut sur place peu de contact avec sa ministre a cruellement souligné l’absence de la France dans ce qui était encore pour elle un enjeu important il y a un an. Tout simplement, parce que comme de nombreux pays d’Occident, son responsable suprême a jugé que la bataille pour le climat ne rapportait pas assez de voix aux élections.
On retiendra également, ce fut l’analyse de Brice Lalonde en privé, que mettre les 27 pays européens sur une ligne de conduite claire et efficace, se révèle désormais impossible. Illustration de ce qui se passe pour d’autres sujets. L’Europe n’est bien qu’un zone de libre échange sans politique commune. Les nations qui le composent, comme beaucoup d’autres, ont plus ou moins fait une croix sur la bataille contre le réchauffement climatique, se résignant, avec une joie mal dissimulée, dans les couloirs comme dans les interventions publiques, a abandonner le sujet aux soi-disant « business vert », celui qui compte profiter non pas d’une résistance au réchauffement, mais d’un adaptation...Car il ne s’agit plus de freiner le réchauffement mais de s’en accommoder, ce qui sera plus facile au Nord qu’au Sud. Au pris de millions de réfugiés climatiques contre lesquels ce Nord construira des murs de béton et d’informatique...
Par contre, il faut souligner aussi à quel point des pays comme la Bolivie, Haïti ou Panama, par exemple, ont su trouver des mots et des accents de sincérité éloignés des discours convenus. Il y avait dans leurs interventions, toute l’émotion qui manquaient aux pays industrialisés. Celle qui marquait le discours d’Evo Morales, le président bolivien ou encore la prise de position du ministre häitien qui sait, lui, ce que signifient les bouleversements climatiques pour un petit pays ravagé par les ouragans, les inondations, la sécheresse et les maladies.
Ce sont donc les pays du Sud, cette fois –y compris- le Mexique, qui ont permis de sauver ce qui pouvait l’être face à l’égoïsme congénital des nations industrialisées. Si cette volonté persiste à Durban, en Afrique du Sud, l’année prochaine, cette partie du monde aura permis quelques avancées qui pourront peut-être permettre de limiter le réchauffement de la planète à 3° pour la fin du siécle, même si c’est encore trop. Loin des vantardises des pays développés qui osent encore évoquer une élévation de 1,5° auquel les scientifiques, à l’exception de quelques comiques comme Claude Allègre et des Américains, ne croient plus tant la planète perd du temps par égoïsme.
Cette conférence aura aussi illustré la volonté de rejeter, physiquement, policièrement et philosophiquement, la société civile et les Organisations Non Gouvernementales. L’affolement qui a saisi la police des Nations Unies devant la manifestation d’un vingtaine de militants qui avait réussi à se regroupe dans le centre de conférence, en fut une illustration plus que tragique. Comme si les gouvernements et les Nations Unies avaient oublié que c’est la société civile qui les a finalement amené à agir ou à faire semblant d’agir.
Enfin il faut aussi dire que l’absence des chefs d’Etat du G8 aura permis d’avoir au moins un semblant d’accord. Les Sarkozy, les Obama et beaucoup d’autres n’ayant pas éprouvé le besoin de venir à Cancun faire reluire leur ego et assurer leur communication électorales.

vendredi 10 décembre 2010

A Cancun, le dérèglement climatique, finalement, tout le monde s'en fout

Jeudi 9 décembre


L’écoute lancinante de toutes les interventions de la conférence plénière de Cancun, y compris celle de Nathalie Kosciusko-Morizet qui ressemblait à un rapport de gendarmerie de 5 minutes et 3 secondes, semble prouver que, le changement climatique, dans le fond, ici, dans cette « capitale » du tourisme clinquant, tout le monde s’en fout. Une exception notable : le discours de 12 minutes du représentant de Haïti qui a su mélanger les faits et l’émotion en sortant des formules convenues alors que notre ministre et d’autres ont tous débité les mêmes banalités.
Cette indifférence mal dissimulée face aux dangers courus par la planète que chacun se croit obligé de rappeler dans une lingua climatica obsédante, montre bien à quel point une petite partie du monde se s’intéresse pas à l’immense reste de la planète. Les Etats Unis, ne parlent même plus, le Japon savonnent toutes les planches de salut et les Russe font de la figuration même pas intelligente en répétant qu’ils sont heureux que la Sibérie puisse se réchauffer. Tout le monde s’ennuie en attendant le déluge. Il n’y a guère qu’Evo Morales pour affirmer que « ou bien le capitalisme dépérira ou Madre Tierra mourra » ; en ajoutant : « la lutte pour un environnement sain et contre la dégradation du climat devra être le socialisme du XXI éme siècle ».Ce qui n’émeut personne...
Le changement climatique, qu’il soit dérèglement ou réchauffement, presque tout le monde s’en fout. Sauf bien sur les ours blancs qui crèvent sur ce qui leur reste de banquises à la dérive, sauf les Mayas du Yucatan qui attendent de plus en plus souvent, comme d’autres peuples paysans, la pluie qui leur permettait autrefois de belles récoltes pour vivre, sauf les habitants des petites iles-Etat comme Vanuatu, Salomon, de Kiribati ou même des Maldives qui vont bientôt ne plus savoir où aller ; sauf les peuples du Tchad qui ont vu leur grand lac se réduire des deux tiers en 15 ans et perdre ses poissons, sauf les populations du Darfour qui se disputent ce qui leur reste de terres pas encore englouties par le sable du désert, sauf les habitants du Sahel qui peinent à nourrir leurs troupeaux parce que les pâturages disparaissent et sauf les peuples africains, asiatiques ou latino-américains qui migrent vers les villes parce que leurs campagnes ne peuvent plus les nourrir. Chacun à sa guise complétera la litanie des malheurs en cours ou à venir.
Qu’importe aux grands de ce monde, si les oiseaux perdent de plus en plus souvent le nord, si les forêts disparaissent ou si des rivières s’assèchent dans certains régions de la planète alors que d’autres plient sous des ouragans de pluie, qu’importe aux faiseurs de discours convenus que la biodiversité s’effondre dans de nombreux pays du monde : comme pour les forêts, on replantera, on réintroduira ou ressèmera avec les prêts de la Banque Mondiale ou les ukases du « socialiste » qui dirige le Fonds Monétaire International, l’organisme qui transforme toutes les destructions et toutes les souffrance en argent. Qu’importe aux éternels annonceurs de promesses qui ne se réalisent jamais, si le nombre des réfugiés climatiques grossit démesurément, puisqu’ils construisent des murs en béton ou en informatique pour les contenir. Passés les mots qui ne font plus recettes, ils passent l’avenir de la planète par pertes et profits pour sauver les profits des industriels du pétrole et des pays producteurs de pétrole.
L’essentiel n’est plus de mettre fin aux dégâts, de se battre pour gagner un ou deux degrés, mais de réparer ou de s’adapter. Grâce au « business vert » qui fait la quête dans les allées du centre de conférence. Il n’est plus temps de freiner la montée des températures mais d’en tirer profit en laissant des centaines de millions de vie en route.

mercredi 8 décembre 2010

Cancun la police de l'ONU panique devant 20 manifestants




Mardi 7 décembre,



Tandis que les militants de Justice pour le Climat et Via Campesina, l’organisation internationale pour une agriculture paysanne dont fait partie la Confédération paysanne manifestaient...à 38 kilomètres de la Conférence sur le climat, une poignée de membres des ONG accréditées, couverts par plus ambassadeurs latino-américains, réussissaient à tenir une réunion de presse au coeur du Moon Palace. Pour expliquer leur déception face aux premiers échecs de la négociation et leur opposition à la négociation carbone ainsi qu’aux projets consistant à faire des forêts du monde, une monnaie d’échange prenant place dans la « négociation carbone ». Ils estiment que le projet REDD (Reducing Emissions From Deforestation and Forest Degradation) aboutira en fait à déposséder les populations et les peuples autochtones de leurs espaces boisées. Au profit de la marchandisation des ces forêts, avec le danger que les espaces déforestés laissent rapidement la place à de gigantesques « cultures » d’arbres génétiquement modifiés éliminant l’essentiel de la biodiversité et de leurs terres. Comme un avertissement désespéré face à la perspective d’un accord a minima pilotée par la Banque Mondiale qui deviendrait, de fait, le plus grand propriétaire forestier virtuel de la planète en supervisant les échanges de reforestation à travers le monde. Surtout celles entreprises dans les pays du Sud, là où les espaces forestiers permettent à des populations de vivre en mettant en pratique la « souveraineté alimentaire » qui reste la demande principale des peuples les plus pauvres et des populations autochtones.
Une fois leurs raisons expliquées à la presse, une vingtaine de militants sont sortis dans les allées du Moon Palace, le centre de la conférence, avec leurs pancartes et en scandant leurs slogans. Ce qui eu pour effet d’attirer la presse et les caméras. Panique du service de Sécurité des Nations Unies qui a pour instructions de ne pas tolérer la moindre fausse note, la moindre contestation. Mené par le Capitaine Fernando Simoes, les gardes de l’ONU ont rapidement entouré les quelques militants tentant de les empêcher de continuer à circuler devant la presse et les délégués. Pendant le face à face, les contestaires qui ne menaçaient pas le moins du monde la sécurité des gens et des lieux, le capitaine Simoes s’efforçait de relever tous les noms des membres des ONG participants à la manifestation, au besoin en arrachant les badges d’accréditation du cou des militants pour les lire plus facilement.
Au bout d’une vingtaine de minutes, la plupart des noms relevés, les gardes de sécurité en civil et en uniforme, sur ordre des responsables de la Conférence et donc des Nations Unies, ont expulsé tous les militants en les contraignant à monter dans un autobus qui les a amené à une trentaine de kilomètres, dans le centre de Cancun. En vertu de l’application du principe que dans l’espace de leur conférence, les Nations Unies, bénéficient d’un privilège d’extraterritorialité et ont donc tous les droits sans avoir à en référer aux autorités locales. Les vingt et quelques personnes non-agressives et ne représentant donc aucun danger ont été non seulement expulsées mais ne pourront plus entrer dans la zone de conférence, en vertu de l’obsession sécuritaire qui plane sur les travaux des 194 pays présents.
Une obsession sécuritaire si prégnante qu’hier des soldats du Génie de l’armée mexicaine ont creusé au bout de la plage du Moon Palace, une zone de débarquement pour les forces spéciales de la marine cantonnés dans des bateaux qui croisent au large. Des fois que des méchants veuillent attaquer la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet qui arrive ici dans la journée de mercredi sans aucune consigne de fermeté de son président qui a vendu des centrales nucléaires à l’Inde.

mardi 7 décembre 2010

Une chance pour Cancun: l'absence des présidents et de leur ego...

Lundi 6 décembre,

La présidence mexicaine du sommet de Cancun a promis aux experts et aux délégations de tous les pays, que les ministres qui ont commencé à arriver dimanche au sommet n’entreprendraient pas des tractations secrètes ou de couloir. D’abord, ce serait bien la première fois et ensuite l’essentiel n’est pas là. En effet, à tort ou à raison, la presse –seulement un peu plus de 2000 journalistes- s’est faite plus discrète qu’à Copenhague. Et comme seulement une vingtaine de chefs d’Etat sont attendus ici, cette discrétion et le manque d’intérêt visible de nombreux responsables politiques, la relative indifférence qui règne autour de la réunion de Cancun est peut-être une –la- chance unique de réussite, une garantie que dans quelques jours les négociations aboutiront sur quelques avancées. Tout simplement parce que les chefs d’Etat qui avaient fait assauts d’idées, de proclamations et de mensonges l’année dernière ne sont pas venus, ce qui les dispense de faire reluire leurs ego. C’est probablement à ce jour la meilleure nouvelle discernable à ce sommet de Cancun. Les experts, dans les couloirs, ne se privent pas pour s’en dire soulagés, débarrassés qu’ils sont pour l’instant des petites phrases qui tuent et des mouvements de menton destinés aux opinions publiques et non pas à faire avancer le sauvetage de la planète.
Bien sur, comme nous l’expliquait hier Brice Lalonde, l’ambassadeur de la France pour les négociations climatiques, il faut que les politiques finissent par prendre des décisions. Mais il ajoutait redouter que ces politiques, constatant qu’ils ne sont pas d’accord sur tout, en concluent qu’ils ne peuvent donc se mettre d’accord sur rien. Remarque valant aussi selon lui pour l’Europe « qui ne peut pas avoir de position simple et claire lorsque 27 pays passent leur temps à couper les cheveux en huit dans les réunions ministérielles».
Ce qui permet hélas aussi de penser que nombre de grands pays, alors que les petits demandent plus de contraintes qui sont ou seront pour eux une garantie, ont déjà passé le réchauffement climatique par pertes et profits. On ne parle plus d’une limite de 1,5 à 2° à ne pas franchir, mais –c’est le maître mot- « d’adaptation ! De la première semaine de discussion surgit une autre certitude : les politiques ne croient plus à un sursaut de la planète et veulent pour cela rassurer leurs opinions publiques sur le thème « on trouvera toujours des solutions ». Sauf pour les pays du Sud...
En fait, en dehors des experts qui travaillent à partir de dossiers de plus en plus inquiétants, ces politiques paraissent fréquemment avoir renoncé à des actions concrètes. Souvent, comme le président Nicolas Sarkozy ou le président Barak Obama parce qu’ils sont convaincus que réussir à freiner le réchauffement climatique ne peut désormais plus leur rapporter une voix à leurs prochaines élections. Ce qui pourrait, autre opportunité, laisser les coudées franches aux véritables acteurs de la frénésie énergétiques, à savoir les grandes villes et les gouvernements locaux qui ont, comme la Région Ile de France, comme la Californie, Mexico ou Paris, des pouvoirs de maîtrise sur l’aménagement du territoire, qu’il s’agisse des transports ou des économies d’énergie. Leurs représentants estiment avoir une chance nouvelle de pouvoir se mêler officiellement et efficacement des questions climatiques.
S’ils n’y parviennent pas, ce sera le signe que, finalement, la question du climat, désormais, en dehors des écologistes et de vendeurs d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïque, tout le monde s’en fout...

dimanche 5 décembre 2010

Cancun les Indiens et les paysans s'invitent au sommet du climat


La cérémonie indienne et paysanne d'hommage à la terre nourricière



CANCUN, DIMANCHE 5 DECEMBRE,


Samedi matin, la société civile mexicaine a commencé à donner un peu de la voix. Une voix faible, un millier de personnes, que les autorités locales ont relégué à 37 kilomètres des lieux où se tient de somme. Une société civile essentiellement regroupé sous l’égide de Via Campesina, l’organisation mondiale qui rassemble depuis une vingtaine d’année les gens de la terre qui veulent rester des paysans. Une association qui est d’ailleurs née en Amérique Latine et à laquelle appartient notamment le Confédération Paysanne en France. Des gens qui se battent pour le « souveraineté alimentaire », pour le bio et pour une agriculture respectant à la fois la terre et ceux qui la cultivent
Au Mexique, les paysans de Via Campesina, ce sont essentiellement des indiens, donc des citoyens qui ont du mal à vivre face aux pouvoirs en place. Ceux qui sont arrivés à Cancun, ont parcouru le pays dans plusieurs caravanes d’autocars et de camions avant d’installer leur forum de discussion dans le stade où il leur a finalement été permis de s’installer. Pendant une semaine ils vont échanger sur la question de la pollution, sur leurs conditions de travail et aussi sur les effets du climat sur leur pays et leurs pratiques d’agriculteurs. Le réchauffement climatique se ressent déjà dans les campagne mexicaines : qu’il s’agisse des sécheresses ou des ouragans meurtriers. A Cancun ils ont été rejoints par des délégations paysannes venues des Etats Unis, du Canada, d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Europe.
Ce forum alternatif « Pour la vie, la justice environnementale et sociale », dans la grande tradition indienne, a été précédé d’une cérémonie en hommage à la terre (Madre Tierra) destinée à donner de la force à tous les participants.
Dans le document de présentation des travaux et rencontre qui vont se poursuivre jusqu’au 10 décembre dans une atmosphère festive on peut notamment lire :
« La réunion de Copenhague a démontré l’incapacité des gouvernements à s’attaquer aux causes réelles du chaos climatiques actuel. A la dernière minute, les Etats Unis ont cherche d’un manière peu démocratique à faire passer un soi-disant « Accord de Copenhague » et en essayant de sortir le débat du cadre des Nations Unies et des engagements pris à Kyoto (1997) tout en favorisant encore plus les solutions du « libre marché ».
Les négociations sur le climat ressemblent de plus en plus à un énorme marché. Les pays développés, historiquement responsable de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, inventent toutes sortes d’artifices pour éviter d’avoir à réduire leurs propres émissions. Un exemple : le Mécanisme pour une développement propre (CDM dans le langage anglais onusien) établi par le protocole de Kyoto permet aux pays industrialisés de continuer à polluer et à continuer de consommer et en payant en contre partie une faible redevance pour que les pays en développement réduisent leurs émissions ».(...) De nombreux gouvernements en développement, attirés par ces nouvelles opportunités de financement tendent à appliquer des fausses solutions plutôt que de mettre en oeuvre des solutions traitant réellement le changement climatique avec ces solutions pour soutenir une agriculture paysanne durable, orienter la production vers les marchés locaux, mettre en place des politiques d’énergie efficaces pour l’industrie, etc. » (...) nous exigeons l’application des milliers de solutions suggérées par la société civile, le renoncement aux OGM, la défense des droits de la terre et de la forêt, le renoncement à la participation de la Banque mondiale, nous avons besoin des millions et de millions de communauté paysannes et des peuples autochtones pour nourrir l’humanité et refroidir le climat de la planète....
»

jeudi 2 décembre 2010

CANCUN Puisque l'on vous dit que la mer est juste derrière la piscine


jeudi 2 décembre

Pour être certaine de ne pas décevoir bruyamment comme l’année dernière, la conférence sur le climat s’est mise depuis trois jours en mode « hors sol » et en mode « silence ». Grâce à son éloignement de la ville de Cancun dans un site isolé, grâce à un système d’accès complexe qui interdit même aux taxis de parvenir jusqu’au Moon Palace où se déroulent les débats, grâce à l’éloignement entre les halls d’exposition où sont cantonnées les ONG et le centre de conférence, grâce à l’impossibilité pour le moindre manifestant de parvenir à moins de 10 kilomètres des zones choisies par les Nations Unies et les autorités mexicaines, les travaux de la conférence peuvent se dérouler à l’écart de toute interrogation. Ce qui permet aux experts d’expertiser en paix, aux représentants des Etats de ronronner dans l’indifférence d’une assistance triée sur le volet, tous nourris de leurs solides langues de bois imprégnée de CO2 non encore consumé.
La conférence de Cancun baigne dans un curieux climat d’indifférence plus ou moins feinte qui, peut-être peut receler des surprises la semaine prochaine. En vertu d’un vieux principe : « quand les chats ne sont pas là, les souris dansent.
En attendant, comme le ridicule ne tue plus depuis longtemps, les chargés de communication ont eu l’idée d’installer des poubelles sélectives dans les couloirs du luxueux Moon Palace. Joli effet de surprise, mais soit il n’y a rien dedans soit le peu qu’elles contiennent est mélangés. Mais à la vitesse à laquelle les climatiseurs ronronnent, l’effet de serre induit ne se remarquera pas....

mercredi 1 décembre 2010

Le climat à Cancun: entre désastre écolo-touristique et armée omni-présente


Cancun, le 30 novembre

Les techno-onusiens qui ont choisi Cancun comme lieu de conférences sont soit des ignorants, soit des cyniques, soit des « militants » de l’écologie redoutablement intelligents. Chacun choisira sa version... Car autant à Copenhague l’année dernière, avec les champs d’éoliennes au loin, les boutiques bio, le tramway et les nuées de cyclistes danois parcourant les rues malgré la pluie ou la neige, il était possible d’imaginer ce que peut être une ville ou un pays s’efforçant d’écologiser la vie quotidienne de ces citoyens, autant Cancun ressemble à un cauchemar d’écolo. Cancun, la petite bourgade d’origine, est réduite à la portion congrue alors que le tourisme a ravagé 21 kilomètres de littoral y compris, ce qui compte double, la mince bande de terre de 600 mètres qui sépare la mer des Caraïbes d’une lagune dont les anciens pêcheurs et habitants expliquent qu’elle fut belle et poissonneuse avec des mangroves d’une rare richesse. C’était seulement il y a 30 ans, la grande vague de construction datant d’une quinzaine d’années.
Toute la vie naturelle, la vie des habitants, le paysage, la végétation ont été engloutis sous 120 hôtels qui se livrent avec acharnement à un concours de laideur et de gigantisme, tous alignés au plus prés de l’eau, mangeant les rares plages qui ont résisté. Ils offrent, presque tout au long de l’année, à des touristes dont 70 % déferlent des Etats-Unis et du Canada et 30 % d’Europe, au moins 40 000 chambres dont les occupants sont les seuls à apercevoir la mer...quand ils sont du bon côté. Dans les rares espaces libres se sont incrustés des magasins qui sont si laids et écologiquement désastreux qu’ils seraient même retoqués à la construction dans une banlieue française alignant ses « But », ses « Monsieur Meuble » et ses « Leclerc ».
Et, sans doute pour ne pas être en reste, la conférence sur le climat s’est installée à 30 kilomètres de la ville, dans le Moon Palace, un énorme gâteau en marbre et en béton qui squatte des dizaines d’hectares au sud de ce qu’il est convenu de nommer ici la « zone hôtelière » tant les Mexicains qui en vivent, ont honte de cet espace qui concentre tous les défauts dont les participants à la conférence égrène consciencieusement chaque heure les effets pernicieux sur le climat. Tous les jours que dieu fait des centaines de milliers de climatiseurs dévorent des milliers de kilowatts alors qu’il ne fait jamais plus de 30°. Et dans le gigantesque parc qui entoure le Moon Palace, des tondeuses passent et repassent pour que l’herbe ait bien l’air d’une moquette malgré l’arrosage. Mais que les protecteurs de la nature se rassurent : sur les routes qui parcourent ce Disney Land du tourisme... et de la lutte climatique, des panneaux recommandent en anglais et en espagnol, de ralentir pour ne pas écraser les iguanes...
Cancun apparaît donc comme la caricature du monde déboussolé qui mène la planète à sa perte ou tout au moins à son réchauffement. Une sorte de rêve américain et capitaliste dans lequel les investisseurs des Etats Unis, de Grande-Bretagne et d’Europe se bousculent pour attirer puis pressurer des touristes volontaires pour venir « apercevoir la mer ». Lorsqu’ils découvrent (je parle de certains européens, pas des Américains qui ne redemandent) dans quel enfer ils se sont fourrés, il est trop tard pour repartir.
Les onusiens et leur complices experts n’auraient pas pu choisir un univers plus fou pour que soit démontré à quel point nous marchons sur la tête tout en expliquant sur le comptoir d’un zinc à quel point le dérèglement climatique est inquiétant. Et, sans doute pour que la démonstration soit plus parfaite, le gouvernement mexicain, à la demande des Nations Unies, a dépêché sur place des milliers de policiers et de militaires. Ces derniers campent aux carrefours et devant les différents lieux de la conférence avec des blindés dont les mitrailleuses sont en permanence braquées sur les rues. De peur sans doute que les caravanes de militants et de paysans qui convergent vers Cancun ne s’approchent trop des gens sérieux. Une répétition peut-être, de ce que feront beaucoup de pays pour, un jour, repousser les réfugiés climatiques....

lundi 1 novembre 2010

Ne plus acheter des fraises et de tomates en hiver: les absurdités des la mondialisation




(éditions Delachaux et Niestlé)



Fraises d’Espagne, haricots verts du Kenya, kiwis de Nouvelle-Zélande, pommes du Chili... Les fruits et les légumes perdent le Nord et confondent les saisons. Avec beaucoup de produits non-alimentaires, ils parcourent le monde après que la grande distribution a trouvé des travailleurs contraints d’accepter des salaires et des conditions de travail de misère. La recherche du profit maximum a progressivement conduit à des voyages improbables aux conséquences écologiques désastreuses.
Ces mauvaises habitudes de la mondialisation ne correspondent pourtant pas à une « demande » des consommateurs, mais bien au concept marketing du hors-saison et de la délocalisation. Tous les exemples fournis dans ce livre montrent comment des besoins ont été créés et exploités. Comment, par exemple, voyage une pomme de terre récoltée en Belgique, épluchée au Maroc, transformée en chips en Turquie avant d’être vendue aux Pays Bas et dans le reste de l’Europe où elle est ensachée.
Ces voyages, ces gaspillages et l’exploitation des pays du Sud, le consommateur peut les refuser en décidant de consommer local. L’auteur nous donne en effet les recettes simples d’un retour à des assiettes ne croulant plus sous des milliers de kilomètres inutiles – voyages dont nous supportons tout et tous les coûts.