Qui êtes-vous ?

Ma photo
Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 25 octobre 2009

L'heure d'hiver racontée à mon chat

Dimanche 25 octobre

Dimanche matin, Elliot mon chat des Chartreux, si l’on croit les éternels ronchons du changement d’heure, aura été gravement traumatisé d’attendre ses croquettes une heure de plus. Ce qui m’a contraint, comme je ne veux pas vivre avec un greffier, il a trois mois, gravement perturbé, à lui expliquer pourquoi il y a une heure d’hiver et une heure d’été depuis une trentaine d’années et pourquoi, de toutes façons, pour lui plus que pour d’autres, la nuit, tous les chats sont gris. Donc on arrête les montres.
Pas pour faire tourner le lait des vaches attendant angoissées l’arrivée tardive d’un agriculteur déjà fortement déstabilisé et retardé par la mise au point de son dossier de Rmiste pour remplacer l’argent du lait qu’il ne vend plus qu’en perdant l’argent que gagnent les grandes surfaces.
Pas pour affamer de estomacs qui ne supporteraient pas d’attendre les croissants matinaux une heure de plus. Ce qui n’est pas bien grave car ils sont de plus en plus industriels et dégueulasses, aux limites de l’immangeable.
Pas pour désorienter les mésanges et les chardonnerets de mon jardin largement plus traumatisés par le réchauffement climatique.
Pas pour emmerder les canards sauvages qui se prennent pour les enfants du bon dieu crucifiés depuis que les chasseurs les réveillent à l’aube en tirant dans tous les coins. Ils ont failli croire, l’espace d’une heure durant, que la chasse venait d’être fermée par un Borloo ayant fait honneur une heure de plus à son apéritif vespéral.
Pas pour perturber la lune qui s’est couchée toute seule après avoir regardé l’horloge des églises, ne sachant pas encore qu’il ne faut jamais leur faire confiance.
Pas pour plomber les finances des municipalités qui s’obstinent, aux dépends des insectes et des rapaces nocturnes, à éclairer au coeur de la nuit les rues où il n’y a plus personne pour lire sous les réverbères.
Pas pour embêter les parents qui racontent des sanglots dans la voix que leurs enfants vont être déstabilisés pendant des jours et des jours simplement parce qu’ils leurs communiquent leur angoisse sur ce que des scientifiques en mal de notoriété facile appellent la chrono-rupture.
Pas pour donner une chance à la France d’augmenter sa natalité. Encore que...
Pas pour faire de la peine aux vaches insomniaques qui vont désespérément attendre le passage d’un train de nuit arrêté dans une gare.
Pas pour que l’émission de Ruquier dure plus longtemps car il ne faut pas abuser de la patience des Français ; notamment en invitant Madame Balkany, la VRP de Levallois commise à la défense de monsieur fils.
Pas non plus, donc et enfin, pour donner une heure de plus à Jean Sarkozy pour réviser ses cours de droit. Puisque pour le théâtre, il est parfaitement au point.
Juste pour faire râler la France des conservateurs qui se sont assoupis dans leur conformisme juste avant la guerre. Au point que le Sénat, qui les représente à merveille, avait estimé nécessaire et urgent de consacrer un rapport de 40 pages à ce grave sujet en 1996. Depuis, ils se sont rendormis après avoir gravement examiné une question quasi transcendantale : « Faut-il conserver l’heure d’hiver pendant l’été ? ». Relisez, c’est profond.
Juste pour favoriser la prise de parole annuelle de Madame Eléonore Gabarin, présidente et membre quasiment unique depuis 20 ans de la folklorique Association française contre l’heure d’été double, encore moins connue sous le nom d’ACHED.
Mais aussi parce que l’on peut bien changer de temps en temps un rythme quotidien qui n’a de toute façon pas grand chose à voir avec le rythme solaire dont les nostalgiques d’on ont ne sait trop quoi nous rebattent les oreilles.
Mais pour économiser ne serait-ce que quelques dizaines de millions de tonnes de pétrole car les ricaneurs grincheux, lorsqu’ils évoquent le contenu d’un seul tanker épargné en France, oublient que les 27 pays de l’Europe en font autant. Imités par d’autres grands pays du monde qui ont commencé avant nous. Ce qui tendrait à prouver que l’idée n’est pas aussi ridicule que le prétendent les atrabilaires jamais disposés à accepter un minuscule changement de leurs habitudes. Surtout lorsque l’on sait que le stock de pétrole disponible n’est pas inépuisable.
Et aussi, avouons le, parce que je suis fasciné de voir mon ordinateur changer l’heure tout seul pendant que je tourne les aiguilles d’une vieille pendule.
Mais revenons à l’essentiel : si, dimanche matin, Elliot ne s’est pas réveillé, c’est parce qu’il n’a pas entendu Nicolas Demorand qui, d’ordinaire lui sert (vraiment) de réveille-matin et l’oriente du lit où il fait la danse du ventre vers sa gamelle. Ce jeune chaton qui a une horloge dans le ventre mais pas de montre à la patte, ne sait pas encore que Demorand n’a pas encore lancé une OPA sur la matinale dominicale. Il me reste à lui conseiller la patience.
Et pour les caresses, il n’y a pas d’heure...

samedi 10 octobre 2009

Le film "Syndrome du Titanic" de Nicolas Hulot: vaut le détour et fait oublier la production ringarde d'Arthus-Bertrand

Samedi 10 octobre

Au début de son film, Nicolas Hulot explique « Je ne suis pas né écolo, je le suis devenu ». Une phrase qui efface les quelques maladresses du texte qui suit, texte qui s’appuie sur des images saisissantes et parfois terrifiantes. Comme celles de Lagos, la capitale du Nigeria, où une partie de la ville vit dans un mélange d’ordures et de voitures. Un télescopage de la plus extrême pauvreté et de la copie du modèle occidental. Le même modèle pour tous, hélas, appuie le commentaire en expliquant qu’il existe pourtant des voies différentes pour atteindre le bien être. A condition que l’éducation soit privilégiée. Avec cette interrogation constamment répétée et surtout illustrée, de Hong-Kong à Detroit en passant par Paris ou Los Angeles : « où est le progrès quand tout est marchandise ?». Comme le montre une séquence saisissante, entre tourisme et consommation, filmée en Namibie.
Le film n’apporte pas la réponse. Peut-être parce que l’auteur explique presque dés le début : « Je ne suis pas optimiste, je maintiens un espoir ». Il est vrai que les images sont souvent désespérantes. On est loin de la ringardise esthétisante de Yann Arthus-Bertrand qui ne regarde jamais les hommes ; on est loin aussi, même si elle fut plus efficace, de la lourde pédagogie du film d’Al Gore conjuguant jusqu’à la nausée le thème « moi et le climat ». Yann Arthus-Bertrand, dans un mode encore plus mineur, fait de même en contemplant son nombril et celui de la planète.
Pas étonnant que l’escrologiste du consortium Pinault ait reçu tant de louanges pour sa jolie bluette et que beaucoup de confrères fassent la moue sur le film de Hulot. Le premier présente le monde comme nous voulons absolument encore croire qu’il est, comme si les beautés des paysages « vues du ciel » pouvaient masquer les horreurs des destructions, des pénuries, des gaspillages et des pauvretés. Le second, ce qui peut paraître désespérant et sans analyse toujours directement perceptible, nous montre la terre telle qu’elle est. Ce qui devrait nous inciter à l’action et à la réaction plutôt qu’à nous barricader derrière des murs longuement décrits : celui qui isole les Palestiniens comme celui qui sépare le Mexique des Etats Unis.
Insister sur la misère du monde plutôt que ce qui lui reste de beauté, a pour avantage, d’autant plus que c’est clairement expliqué, de rappeler, de marteler que les combat pour l’écologie ne peuvent pas être séparée des combats contre les inégalités ; et que pour préserver, il faut partager. Résultat : même quand on sait tout cela, et encore plus quand on ne le sait pas ou que l’on veut l’oublier ou encore qu’on ne veut pas le savoir, on encaisse des coups de poings salutaires. Rien à voir avec les caresses dans le sens du poil prodiguées par Yann Arthus-Bertrand : le monde il est beau il est gentil et si vous faites un petit effort, on va s’en tirer.
Rien de tel dans le Syndrome du Titanic. Hulot, même si le propos est parfois trop elliptique, nous demande d’arrêter la musique et de regarder, de réfléchir. Avec cet avertissement tiré des images : « si nous ne changeons pas, la nature va procéder elle même à des ajustements et se seront les plus pauvres, au nord comme au sud, qui en souffriront les premiers ».
Avec une conclusion sur notre modèle qui mérite réflexion : « Peut-être avons nous trop bien réussi ».
Clairement, Nicolas Hulot n’est pas seulement devenu écolo, il est devenu politique et on se demande bien ce que lui répondent Jean-Louis Borloo ou Nicolas Sarkozy quand il leur raconte sa vision du monde...