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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

lundi 6 août 2012

José Bové, le loup et les naturalistes....

Ceux qui critiquent aujourd’hui José Bové pour ces déclarations sur le loup n’ont pas de mémoire, car ce n’est pas la première fois qu’il exprime cette opinion qui a toujours été la sienne. Celle de l’éleveur du Larzac qu’il a été de 1975 à 2009. Un point de vue qu’il faut entendre avant de crier au loup. Car, bien qu’ardent défenseur du loup et auteur d’un livre condamnant les siècles de diabolisation de cet animal magnifique, je fais partie de ceux qui veulent aussi entendre les bergers de bonne foi. Voici ce que disait Bové en 2009, pendant la campagne électorale européenne dans un livre d’entretien que j’ai publié avec lui chez Delachaux et Niestlé. Extraits non modifiés Des écologistes vont te rappeler que tu es contre les loups, que tu as un jour dit « si j’en vois un s’approcher de mon troupeau, je tire »... Je l’ai dit, mais je ne vois pas pourquoi je laisserais un loup s’attaquer à mon troupeau, à mon gagne-pain ! Bové n’est pas contre les loups. Mais Bové est d’abord paysan, éleveur, et pour lui effectivement – pour moi – la question de l’élevage est essentielle. Je ne reproche à personne de vouloir sauver les loups, mais que les gens ne me reprochent pas de vouloir sauver mes brebis. Nous sommes aujourd’hui dans cette situation particulière d’antagonisme, de conflit par rapport aux loups parce ce que nous vivons une désertification qui s’accentue partout chaque année. Comme je l’ai souvent dit, le danger principal, pour un troupeau, ce n’est pas tellement le loup mais le ministre de l’agriculture, ou la politique agricole européenne, ce qui revient au même. L’élevage ovin est réduit a néant, dans le secteur agricole cette activité a le plus mauvais revenu de tous. Donc, c’est vrai que le loup représente un problème qui s’ajoute aux difficultés. La diminution du nombre d’éleveurs et de la présence humaine dans la montagne, entraîne un retour des animaux sauvages ; pas seulement le loup, mais d’autres comme le lynx par exemple. Cette présence provoque des tensions dans de plus en plus nombreuses régions. Mais cette tension ne constitue pas une nouveauté, elle a été permanente depuis des siècles dans l’histoire humaine des campagnes, mettant le loup face aux éleveurs. Des problèmes, des affrontements il n’en pas existé que sur le Gévaudan, mais aussi dans le centre ou dans l’est de la France. Cette confrontation entre l’éleveur, le paysan et les aléas de vie au sein du milieu naturelle n’a jamais été simple, comme ne sont jamais simples tous les conflits qui surviennent sur un territoire. Pour les uns comme pour les autres il y a la volonté d’éliminer l’autre. Normal, je n’élève pas des brebis pour nourrir le loup qui a lui-même tendance à aller au plus facile pour se nourrir ; je dirais presque que...c’est humain de sa part, car la brebis court moins vite qu’un chevreuil ou un chamois. Donc, la première réaction est que c’est lui ou mes brebis ! Ensuite une autre question se pose : est il est possible de parvenir à une nouvelle harmonie entre les concurrents que sont les hommes et certaines espèces sauvages qui occupent le même territoire ? Je ne sais pas ? J’ai des doutes dans un sens comme dans l’autre. Répondre par l’affirmative, ce serait oublier une situation à peu prés semblable dans tous les pays européens, a savoir que tous les territoires ruraux et agricoles, qu’on le veuille ou non, ne sont plus constitués que d’espaces occupés et donc intégralement façonnés par l’homme. Nos montagnes ont été transformées par les hommes, qu’il s’agisse de la coupe des forêts, de l’agriculture ou de l’élevage. Ces montagnes ne sont même plus sauvages dans leurs parties les plus hautes, sur les sommets, puisque pour les escalader des hommes ont équipé des voies d’escalade, planté des pitons partout, voire laissé des échelles. A mon avis, s’obstiner à croire à un espace naturel mythique ou idyllique, sans présence humaine relève d’une grave erreur d’appréciation de la réalité. Il faut renoncer à considérer la campagne, plaine ou montagne, comme un simple espace de jeu ; ou comme une agréable nature sauvage dans laquelle il ferait simplement bon vivre. Un espèce de mythe plus ou moins rousseauiste avec des lions végétariens qui mangeraient à côté des antilopes ou des loups qui lècheraient les agneaux égarés pour les ramener ensuite à leur mère. Non seulement il ne faut pas se tromper de siécle, mais en plus il ne faut pas oublier que l’équilibre de la nature se bâtit sur une chaîne alimentaire avec de très nombreux prédateurs. L’élevage s’ajoute à cette logique et trouble encore davantage l’espace soi-disant naturel, car à partir du moment où des hommes ont commencé à domestiquer des animaux, où il leur a aménagé des espaces pour nourrir une famille, pour obtenir des produits, cela a remis en cause les rapports entre les animaux sauvages et l’homme, puisque qu’un immense partie du territoire se retrouve lui aussi domestiqué. L’espace naturel du XXI ème siécle n’a plus rien à voir avec celui du Moyen Age, ne serait-ce que parce que nous sommes bien plus nombreux ! Reste un vrai débat entre une domestication, construite sur des milliers d’années par les chasseurs qui sont devenus éleveurs ou agriculteurs, et ceux qui gardent cette vision un peu fausse ou dépassée d’un espace naturel vierge. Reste aussi, je ne le nie pas, la question, de la sauvegarde, sur un territoire marqué par une pratique agricole et une présence humaine, d’une certaine harmonie et d’une biodiversité dont nous avons tous besoin, les paysans comme les autres. Ce qui revient à se demander comment un territoire peut-être préservé. Malgré tout, je ne pense pas que les tensions que j’évoquais soient vraiment une mauvaise chose. Il faut faire avec, elles sont inévitables et on décide au cas par cas, par une accumulation de textes qui ne satisfont personne. Le problème, dans le fond réside dans une réalité difficile : les éleveurs se sentent acculés parce qu’ils ont l’impression d’être la dernière roue de la charrette par rapport, à la fois, à l’image que les gens se font d’eux et par rapport à la politique européenne. Ils vivent dans une situation où ils sont considérés comme les derniers des Mohicans par rapport au modèle dominant et également face à des gens, les naturalistes par exemple, qui les critiquent avec de très bonnes intentions mais qui ont beaucoup de mal à prendre en compte la vision paysanne et à intégrer cette culture paysanne ; et donc une autre vision des animaux, sauvages ou domestiques. Mais bon, je ne vais pas prétendre que certaines pratiques des éleveurs ne sont pas critiquables. Parce qu’effectivement, si un éleveur laisse 500 ou 1 000 brebis gambader toutes seules dans la montagne et qu’il se contente d’aller leur rendre visite de temps en temps, cela peut entraîner de gros risques. Mais, le berger, dans un système qui ne nourrit plus son homme, il est tout seul, il n’a pas de personnel. Lorsque la transhumance existait encore, que les troupeaux de la Crau montaient dans les Alpes, ou de l’Hérault vers les Cévennes, les grands troupeaux qui se déplaçaient étaient accompagnés de nombreux bergers ; et les troupeaux qui restaient en estive étaient très importants, parfois un millier de bêtes avec beaucoup de gens pour les garder. Il n’y avait pas beaucoup de petits troupeaux de 50 ou 100 brebis gardées par un berger. Evidemment, avec des troupeaux dispersés un peu partout dans la montagne, le risque de prédation est beaucoup plus grand et la vision du berger est complètement différente. De plus, les naturalistes doivent comprendre que ce berger ne considère pas sa brebis de façon isolée. Il a une vision globale des brebis, il considère son troupeau comme une entité ; et toute agression contre son troupeau est une atteinte à sa raison de vivre, il la ressent personnellement, au delà du préjudice financier éventuel ; personne ne peut rembourser ce qu’il ressent lors d’un attaque, qu’elle soit le fait de chiens sauvages ou de loups. C’est un sentiment, une réalité qu’il faut prendre en compte et que les naturalistes peuvent d’ailleurs retrouver chez Giono de manière tout à fait extraordinaire. Tu veux dire que la coexistence est possible à condition que l’espace dit naturel soit réoccupé par les paysans. Oui, mais pas seulement car il faut mener à son terme le débat sur l’utilisation du foncier, sur l’usage de la terre. Donc nous ne devons pas décalquer dans les campagnes un modèle productiviste qui découpe tous les territoires en tranches spécialisées. Il ne doit pas subsister un territoire pour l’agriculture, un territoire pour l’élevage, un territoire pour la chasse, un territoire urbain ou péri-urbain pour dormir, un territoire pour le loisir, un territoire pour les animaux sauvages et encore un autre enfin pour le travail. Il faut revenir sur le modèle industriel de segmentation. Il faut que tous les espaces se croisent, s’interpénètrent. Il faut désormais travailler non plus dans des espaces antagonistes, qui se font face, mais envisager une occupation du territoire permettant à tous les usagers de discuter globalement de la gestion de l’espace, d’établir la légitimité de chacun des besoins et des aspirations, pour que toutes les légitimités puissent être assemblées dans le même espace. Ce qui conduit à toutes les cohabitations possibles et imaginables. Il faut résoudre les conflits d’usage puisque chacun exprime une légitimité, mais pas dans des logiques d’exclusivité, d’exclusion ou de propriété.

Les requins disparaissent beaucoup plus rapidement que les surfeurs...

Sur les 460 espèces de requins de toutes tailles recensées par les scientifiques dans toutes les mers du monde et même dans quelques grands fleuves et estuaires africains ou latino-américains, seulement cinq seraient susceptibles de s’en prendre à l’homme : le requin-bouledogue, le requin-mako, le requin-longimane, le requin-blanc et le requin-tigre considéré comme l’un des plus gros puisqu’il peut dépasser les six mètres et atteindre 600 kilogrammes. L’hystérie entretenue, comme chaque année à cette époque, à l’égard des requins qui peuvent être dangereux, comme envers tous les autres, éternel remake de ce film stupide qu’a été « Les Dents de la Mer », masque une réalité affligeante : moins d’une centaine d’attaques sont recensées chaque année, alors qu’au moins cent millions de requins sont exterminés chaque année pour la pêche, par la pêche et pour le plaisir. La balance n’est pas vraiment égale. D’autant moins égale que parmi les requins massacrés, 40 à 50 millions le sont chaque année pour fournir les industries alimentaires qui mitonnent la célèbre soupe d’ailerons de requins. La recette est simple, au moins au départ : des bateaux usines pêchent ces poissons, gros ou petits, coupent leurs ailerons puis rejettent les requins à la mer, dans laquelle chacun comprendra qu’ils ne peuvent plus vraiment surfer... Il ne faudrait évidemment pas en déduire que les requins se vengent de temps en temps sur les surfeurs. Simplement, estiment les spécialistes de ces animaux, il est fort probable que les requins confondent les surfeurs avec une proie croisant sur la surface de l’eau. Et comme les surfeurs, au contraire des requins, sont de plus en plus nombreux... les accidents risquent un jour de se multiplier. Risquent... puisque depuis le début du millénaire, le maximum par an été de 81. Par contre de nombreuses espèces risquent de disparaître puisque 75 % d’entre elles sont déjà menacées : pour la pêche déjà mentionnée, pour fabriquer des cosmétiques, pour faire des abrasifs spéciaux avec la peau, pour confectionner des bottes et chaussures de luxe, pour distraire des touristes-pêcheurs amateurs de trophées ou de photos souvenirs. Ils sont également tués par hasard lors d’autres pêches au chalut. La majorité des médias, les offices touristiques, les municipalités concernées sonnent donc le tocsin contre les requins et déplorent (ce qui est humainement normal) chaque victime. Et ils déclarent la guerre aux requins dans des territoires où les accidents de voiture font chaque mois plus de blessés et de morts que les requins en une année. Mais personne ne songe aux requins, les inoffensifs comme les autres, alors que ces poissons prédateurs sont indispensables à l’équilibre écologique des mers et des océans.