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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 16 décembre 2012

Bonne chance à Nicolas Hulot !!!

dimanche 16 décembre




            Comme j’adore que les militants du Front de gauche et quelques paléo-gauchistes enfermés dans leurs tours d’ivoire et leur vocabulaire ancien, me fassent la morale, je vais une fois de plus dire tout le bien que je pense de plus en plus de Nicolas Hulot, le nouvel ambassadeur-planète de François Hollande. Ceci alors qu’il y a quelques années je polémiquais avec lui par journaux interposés, écrivant notamment qu’il n’avait aucune culture politique. Il est en train de prouver le contraire.

            Ce qu’il a expliqué depuis quelques jours, notamment sur l’antenne de France inter mercredi matin pour justifier sa « mission », me semble largement plus passionnant que les contorsions et les palinodies des Verts qui, en s’agitant le cul sur au moins trois chaises, courent le risque de se casser définitivement la figure. Et de déconsidérer la réflexion et l’action écologiques.

            Quand on revient de Doha, que l’on y a été le témoin de la cécité de la plupart des délégations à la conférence climatique, quand on a pu mesurer la gravité de la schizophrénie dont ils sont tous plus ou moins atteints, quand on y a écouté la ministre de l’écologie Delphine Batho ânonner des fiches techniques auxquelles elle ne croit pas vraiment et dont surtout elle parait mal saisir la portée humaine et écologique, on se dit que le discours militant de Nicolas Hulot à la mérité de la clarté et surtout de la passion qui veut et peut convaincre. 

            Car son analyse n’est pas, elle, marquée par la schizophrénie des diplomates du climat : celle qui consiste à faire pleurer Margot sur les ravages du dérèglement climatique avant de refuser d’adopter la moindre mesure contraignante de sauvegarde de la planète. Parodiant la célèbre phrase des adversaires de l’abolition de la peine de mort au XIX ème siécle, « Que messieurs les assassins commencent », la plupart des pays, expliquent qu’ils accepteront de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre...quand les autres le feront. Mais nul ne se précipite vraiment pour faire, voire simplement pour financer, le premier pas de ceux qui n’ont pas les moyens de leurs angoisses...

            Ce n’est pas parce que Nicolas Hulot a découvert la terre en avion ou en hélicoptère à une époque où tout le monde se moquait des avertissements sur le réchauffement de la planète, ce n’est pas non plus parce qu’il a travaillé pour TF1, ni encore parce que sa Fondation a accepté des mécénats contestables quand on estime que l’argent a une odeur, qu’il n’est pas légitime. D’abord parce qu’il dit des choses passionnantes, parce que de toute évidence il y croit et enfin parce que tout individu a le droit de changer, d’évoluer, de trouver son chemin de Damas.

            Je ne sais pas si Nicolas Hulot réussira à convaincre les Grands de ce monde, d’être moins stupides, moins repliés sur les intérêts à court terme de leurs pays, mais je crois qu’il réussira au moins à repassionner les opinions publiques, à commencer par celle de la France, pour la cause de la planète. Comme lorsqu’il explique que la transition écologique représente aussi une transition sociale, qu’il est idiot et pervers d’opposer les risques grandissants du chômage et de la pauvreté à l’urgence de sauver notre environnement, de maintenir la biodiversité et d’écarter un jour la menace des catastrophes naturelles. Quant un pays choisit résolument, par exemple, de lancer d’immenses chantiers pour l’isolation, il crée des emplois, il réduit la fracture énergétique entre les citoyens et il contribue à la sauvegarde de la terre.

            Donc, Nicolas Hulot, écarté (peut-être pour son bien en fin de compte...) de la course à la présidentielle par les apparatchiks d’Europe-Ecologie-Les Verts manipulant des nouveaux adhérents et des gauchistes antédiluviens, peut être utile. A la fois aux socialistes empêtrés dans leur héritage productiviste et à la cause de ceux qui rêvent d’une authentique transition écologique débarrassée de projets aussi ringards que l’aéroport de Notre Dame des Landes et d’une énergie nucléaire qu’il a logiquement qualifier d’énergie du passé.

            Mais il y a du boulot...Et Hulot a eu raison de regretter à France Inter que personne ne descende dans la rue pour manifester contre l’immobilisme en matière de lutte contre les responsables du dérèglement climatique.

vendredi 7 décembre 2012

Fin en demie-teinte d'une conférence climatique trop virtuelle pour être honnête

Vendredi 7 décembre, 20 h, heure locale





            Jusqu’au bout les couloirs de la conférence climatique de Doha, ont bruissé de rumeurs et d’informations plus ou moins vérifiables. Ce n’est évidemment pas une première pour une conférence internationale de cette ampleur. Mais cette année, une grande nouveauté : les textes imprimés ont totalement disparu ! Les Nations Unies et les responsables Qataris ont formellement interdit toute distribution de communiqués, de textes et de brochures. Les délégations ou les (rares) ONG présentes qui avaient outrepassé cet ukase le premier jour ont été menacées de représailles voire de retrait de leurs accréditations.  Pierre Radanne, ancien directeur de l’Ademe et aujourd’hui responsable de l’agence Facteur 4 qui conseille de nombreux pays africains émergents, a ainsi été interpellé par deux policiers des Nations Unies parce qu’il glissait dans les boites à lettres des délégations une « note de décryptage » présentant en 90 pages les enjeux de Doha. Un document en anglais ou en français qu’il distribue depuis des années et est très apprécié par les scientifiques et des politiques du climat. Il a fallu l’intervention d’un haut responsable des Nations Unies pour qu’il soit exceptionnellement autorisé à distribuer une centaine d’exemplaire de son étude.

            Plus de papiers, donc, sur les tables, sur les comptoirs ou dans les présentoirs. Les prises de position, les discours, les communiqués, les explications, les lieux de réunion, les annonces de conférence de presse, les appels, les protestations ont disparu dans le gouffre insondable d’Internet. Explication avancée par les organisateurs : économie de papier. Inutile de leur rappeler que le papier est recyclable et que cette « économie » parait dérisoire dans l’énorme palais des congrès dont les milliers de mètres carrés sont en permanence climatisés. Manifestement les services de communication des Nations Unies sont enchantés par leur idée et râlent si on leur parle de Green Washing.

            Donc, pour les délégations, pour les participants, pour la presse, pour les représentants de la société civile, il ne reste plus que la rumeur ou d’erratiques messages Internet. Plus invérifiable que les papiers distribués et facilement censurable. Les responsables de l’ONU se récrient : « mais tout se trouve sur Internet ! Vous nous faites un procès moyenâgeux, il faut vivre avec notre temps ». Certes... Mais le moindre écrit, offert aux passants de cette agora climatique, avait ses chances d’être lu, de produire ses effets. Le discours du plus méconnu des chefs d’Etat ou de gouvernement pouvait, à tête reposée, intéresser, offrir une idée originale ou une solution. Les communiqués pouvaient faire réfléchir. Tous ces messages gisent désormais dans un puits sans fond dans lequel les recherches d’informations sont soit épuisantes, soit vouées à l’échec.

            Le fonctionnement d’une conférence sur le climat est donc devenu virtuel et les textes se croisent sur la Toile pratiquement sans se rencontrer. D’abord parce que personne ne sait vraiment où les trouver et aussi parce que nul ne sait à qui les envoyer. La COP 18, puisque tel est son nom, est à la fois sourde et quasiment muette. Penser qu’il puisse s’agir d’une bonne solution pour écarter toutes les opinions divergentes, relève évidemment de la mauvaise foi journaliste. Pourtant, depuis qu’ils sont arrivés ici, les journalistes et les participants naviguent dans le noir. Quand aux ONG, en dehors des grands noms associatifs « embedded » dans la grande machine onusienne qui les réduit au rôle de courroies de transmission des idées reçues et des pressions diplomatiques, elles sont également sourdes et muettes. Elles sont d’ailleurs fort peu nombreuses à Doha. Pour la première fois depuis Kyoto, la société civile est quasiment absente. Et les négociations sérieuses qui ont commencé lundi dernier et se sont peu à peu intensifié intensifier à partir de mardi avec l’arrivée des ministres et des chefs de gouvernement se sont déroulées à l’abri des regards et de la contestation. Non plus au rythme des textes qui circulent mais à celui des rumeurs. Et ces dernières sont encore nombreuses vendredi soir au moment où il semble apparaître que le Protocole de Kyoto sera prolongée, y compris avec l’Australie, mais que le Fonds Vert destiné à aider les pays les plus pauvres sera remis à plus tard...

            Il n’aura pas été question non plus, malgré les demandes pressantes des rares ONG présentes, d’évoquer longuement la très rapide fonte des glaces de l’Arctique qui a pourtant été confirmée il y a quelques jours par l’étude de 47 experts réunis par la NASA et le professeur Andrew Shepered de l’université anglaise de Leeds. Elle établi pourtant une relation entre cette fonte accélérée et l’occurrence d’ouragan comme celui qui a récemment ravagé New York et la Côte est des Etats Unis. Explication simple : les USA, la Canada et la Russie se réjouissent de l’ouverture, une grande partie de l’année désormais, du passage du Nord-Ouest pour leurs navires. Et pour leurs recherches pétrolières off shore dans les eaux glaciales de ces régions.

            L’Europe, pour sa part, n’a jamais pu ni s’exprimer d’une seule voix ni disposer d’une marge de discussion cette semaine, en raison de l’attitude de la Pologne qui a décidé de bloquer toutes les avancées possibles pour conserver le droit d’utiliser sans restriction ses réserves de charbon sans encourir la moindre sanction.

            Il n’aura pas été question d’évoquer publiquement  la reconnaissance par le HCR, le Haut Comité des Nations Unies pour les Réfugiés, la question des « réfugiés climatiques » déjà évalués à une cinquantaine de millions. Chiffre qui pourrait atteindre 300 millions au cours des vingt prochaines années affirment les experts du GIEC, le Groupement International pour l’Etude du Climat.

            Des experts qui, comme le Français Jean Jouzel arrivé ici dimanche, n’auront pas eu la possibilité de faire distribuer dans la Centre de conférence, leurs plus récentes analyses pour inciter à la société civile à faire pression sur les politiques. Sous couvert de « modernité » et d’écologie, la décision de l’ONU et du Qatar de supprimer le papier, s’apparente donc bien à une censure...

 




mercredi 5 décembre 2012

Mercredi 5 décembre, Doha, conférence climatique






            Au cours de leur premier point presse, mercredi 5 décembre,  Delphine Batho, Pascal Canfin et Serge Lepeltier, ambassadeur du Climat du gouvernement français se sont affirmés relativement optimistes sur les résultats de la réunion, alors que de la conférence se termine vendredi soir avec possible prolongation dans la nuit. C’est évidemment leur métier d’être confiants. Bien que ni la question du renouvellement du protocole de Kyoto, le seul outil contraignant pour les pays industrialisés, ni la question du Fond Vert destiné à aider les pays les plus pauvres et les plus vulnérables ne sont pas résolus. 

            En privé, des membres de la délégation française se montrent beaucoup moins optimistes, regrettant que tous les points soulevés dans les discussions se trouvent immédiatement englués dans d’autres discussions et des agendas qui consistent à renvoyer les solutions à d’autres conférences. Notamment à celle de 2015 qualifiée de définitive et décisionnelle par les deux ministres qui ont rappelé que la France était candidate à son organisation. L’Europe ne s’y opposant pas, la décision de principe pourrait être prise rapidement. Ce qui est certain, c’est qu’un tel événement à Paris permettrait de réunir plus d’associations environnementales. Lesquelles brillent par leur absence à Doha où la « manifestation » organisée il y a deux jours dans le centre ville a réuni quelques centaines de personnes.

            Le lieu français de cette réunion mondiale n’a pas encore été fixé mais un participant à ce point presse a suggéré que le bâtiment nécessaire à sa tenue pourrait avantageusement se substituer au  futur aéroport de Notre Dame des Landes. Un projet dont le sénateur vert Ronan Dantec, également présent à Doha, pense qu’il pourrait être reporté aux Calendes Grecques faute d’argent et de consensus : « à chaque fois que les Bretons se sont mobilisés en masse, le pouvoir a finalement reculé. François Mitterrand et Lionel Jospin en ont donné à plusieurs reprises l’exemple ».

            Au cours de ces explications  en petit comité, Pascal Canfin a également déclaré que la France donnait l’exemple en matière d’aide à la lutte climatique aux pays les plus pauvres : six milliards d’euros pour les énergies renouvelables. En prenant comme exemple le typhon qui est en train de ravager les Philippines il a  aussi ajouté: « devant les manifestations récentes du réchauffement de la planète, personne ne comprendrait qu’il ne se passe rien ici. Nous n’avons par le droit d’être pessimiste et il  nous faut agir ». Tout en précisant que la seule décision de l’Europe qui ne représente que 13% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ne serait pas suffisante et qu’il fallait que d’autres pays respectent leurs engagements. Pour sa part, la ministre de l’écologie, fidèle à son langage technocratique, a surtout évoqué le détail, souvent incompréhensible et éloigné des réalités, des négociations de marchands de tapis qui se déroulent depuis deux jours. Et Pascal Canfin a ajouté à propos des engagements de la France et de l’Europe: « le problème n’est pas d’être le premier de la classe mais d’augmenter le niveau moyen de la classe ».

            Il ne reste de cette rencontre qu’une seule certitude : la France renouvelle son engagement dans le Protocole de Kyoto, la ministre de l’écologie a été claire sur ce point. Mais la perspective d’une prochaine réunion en Pologne en 2013, le pays qui paralyse actuellement les décisions de l’Europe sur le climat, n’est pas plus encourageante que les réunions de Cancun et de Doha, deux villes donnant l’exemple d’un gaspillage énergétique insupportable quand on pense aux centaines de victimes de déplorent actuellement les Philippines.
 

lundi 26 novembre 2012

Lundi 26 novembre


Climat et gaz à effet de serre au Qatar




La 18 éme conférence sur le climat commence ce lundi 26 novembre et pour 12 jours au Qatar. Deux millions d’habitants dont 15 % sont des Qataris, les autres étant des Pakistanais, de Indiens, des Sri Lankais, des Philippins et des Chinois qui font fonctionner le pays, notamment le bâtiment et les services, au profit des premiers. Autrefois, c’est à dire il y a une vingtaine d’années, ce pays de 11 000 kilomètres carrés (un tiers de la superficie de la Belgique)  bordé par le Golfe persique, vivait de la pêche, des perles et de l’élevage ou du commerce des dromadaires.

            Si sa capitale Doha, dépasse le million d’habitants, c’est que le Qatar vit désormais de pétrole et surtout d’un gaz dont il possèderait des réserves pour une soixantaine d’années. Ce qui lui permet, entre autre, d’offrir de l’essence à 15 centimes d’euros aux gros véhicules qui congestionnent la ville en dépit de plusieurs autoroutes qui encerclent la capitale et longent une corniche de bord de mer de sept kilomètres. Les hydrocarbures représentent 75 % des recettes du budget. Lequel est notamment complété par la redevance versée pour le maintien d’une énorme base militaire américaine. Ce  qui peut expliquer que Doha soit une ville hyper surveillée par la police et des caméras automatiques.

            En dehors de la capitale que ce blog et le blog Politis.fr feront découvrir en même temps que la chronique de la conférence du climat, c’est le désert...
            Il est permis de se demander pourquoi les Nations Unies ont choisi de faire une escale climatique dans un pays qui s’offre le plus fort rejet du monde par habitant en gaz carbonique à effet de serre, soit trois plus que les Etats Unis.

            La réponse est probablement la même que celle qui a incité la Fédération Internationale de Football à y organiser la coupe mondiale de foot en 2020, ce qui n’a pas empêché le pays à se porter candidat à l’organisation des Jeux olympiques de l’année 2020 : le Qatar est riche, très riche même. Ce qui lui permet notamment de s’offrir le PSG, des immeubles et des hôtels à Paris et de financer la première chaîne de télévision d’information en continue du monde arabe, Al Jazeera créée en 1998 et disposant d’environ 40 millions de téléspectateurs dans le monde.

            Bienvenue dans une capitale à l’urbanisme fou et parfois superbe, mais qui n’a rien pour inciter à la sagesse les 193 pays qui assurent, sans illusion, vouloir participer à lutte contre le dérèglement climatique...
           

dimanche 25 novembre 2012

Dimanche 25 novembre

  Les dernières nouvelles de la conférence sur le climat

 Quelques nouveaux éléments sur la conférence. D’abord Jean Jouzel, vice président du Groupement International sur l’Etude du Climat, créé en 1988, sera reçu par le Président de la République le vendredi 30 novembre avant de partir pour Doha où il tentera avec d’autres scientifiques, de convaincre les responsables français et européens, ainsi que tous les autres participants, de prendre conscience de l’urgence des mesures à prendre pour limiter les conséquences de modifications climatiques sur l’avenir de la planète. Une tache qui ne sera pas facile comme en témoigne les extraits de la dernière prise de position de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales) créé et dirigé par Laurence Tubiana qui sera présente au Qatar pendant le conférence.

 Alors que la 18ème Conférence des Parties (CdP) de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) s’ouvre ce lundi 26 Novembre à Doha (Qatar), Laurence Tubiana, directrice de l’Iddri estime que « l’urgence d’agir n’a jamais été aussi grande ». L’ouragan Sandy, s’il ne peut pas être (1) directement relié à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, a rappelé, tragiquement, le coût humain et économique des évènements climatiques extrêmes, y compris dans les pays les plus développés. Le rapport du Potsdam Institute for Climate Impact Research pour la Banque Mondiale [1]a lui aussi rappelé un fait bien connu : en l’absence d’efforts de réduction d’émissions supplémentaires, la hausse moyenne des températures atteindrait 4°C, entrainant une augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces évènements climatiques catastrophiques. Mais, fait nouveau et important pour Emmanuel Guérin, directeur du programme Energie et Climat à l’Iddri, « le rapport insiste sur l’incertitude irréductible autour des impacts de cette hausse de 4°C, et les nouveaux risques qui menacent donc notre capacité même à anticiper et à nous adapter aux effets de ces changements climatiques si rien n’est fait ». Et pourtant, le sentiment d’urgence ne semble pas atteindre les négociations internationales.
 Laurence Tubiana rappelle que « ces négociations ont connu, ces trois dernières années, trois moments forts consécutifs : à Copenhague en 2009, l’accord obtenu à l’arrachée et dans la douleur, avait permis d’obtenir pour la première fois des engagements chiffrés de réduction d’émissions en 2020 de la part des Etats-Unis et des grands pays émergents ; à Cancun en 2010, peu de progrès substantiels avait été faits, mais le processus multilatéral onusien, malmené à Copenhague, avait été remis sur les rails ; à Durban l’an dernier, le Fonds Vert pour le Climat avait officiellement vu le jour, et un processus, devant se conclure en 2015, par un accord juridiquement contraignant pour tous après 2020 était lancé. » Cette année à Doha, peu d’avancées majeures sont attendues. La Conférence aurait pu tourner au psychodrame, en l’absence d’accord sur la deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto. (...) Protocole de Kyoto (AWG-KP). L’Europe devrait donc, avec quelques autres pays, s’engager pour une deuxième période dans le Protocole de Kyoto. Emmanuel Guérin souligne que « cette décision n’entrainerait pas des obligations nouvelles ou des efforts supplémentaires pour l’Europe, qui a déjà inscrit dans sa propre législation son objectif de réduction d’émission de 20% ». Mais il précise que « ce geste symbolique fort devrait permettre de satisfaire les revendications des pays en développement ». La négociation devra cependant répondre à certaines questions techniques, mais importantes : Quelle sera la durée de cette seconde période d’engagement (ce qui aura un impact sur la négociation de l’accord juridiquement contraignant pour tous après 2020) ? Comment faire pour gérer le vide juridique entre le 31 Décembre 2012, date de la fin de la première période d’engagement, et la date de ratification par les pays signataires ? Comment dans ces conditions assurer la continuité des mécanismes de flexibilité (Mécanisme de Développement Propre, Mise en Œuvre Conjointe) ?

Action Coopérative de Long Terme (AWG-LCA). La voie de négociation sur l’Action Coopérative de Long Terme, ouverte à Bali en 2007, devra être fermée à Doha. Il reste pourtant beaucoup de questions brûlantes ouvertes, auxquelles les négociations devront apporter des éléments de réponse. Sur le financement d’abord, car les engagements de financement précoce (30 milliards de dollar entre 2009 et 2012) pris à Copenhague prennent fin cette année, et le plus grand flou règne toujours pour atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars en 2020. Sur la vérification des actions et des engagements de réduction d’émissions ensuite, car si Copenhague puis Cancun et Durban ont fixé les grandes lignes du mécanisme de Consultation et d’Analyse Internationale (ICA), les modalités pratiques restent à définir, et la transparence reste à garantir. Plateforme de Duban (ADP). La principale avancée de Durban fût le lancement d’un processus de négociation, devant se conclure en 2015, pour un accord juridiquement contraignant pour tous après 2020. A Doha, les négociations devraient se concentrer sur la façon d’organiser ce processus, plutôt que traiter le fond des sujets. Mais elles porteront aussi certainement sur le sens précis à donner au caractère juridiquement contraignant du futur accord, étant donné l’ambiguïté de l’accord obtenu à Durban sur ce point. Elles porteront aussi nécessairement sur la façon de traiter la question d’équité dans le cadre du futur accord, car si le principe de Responsabilité Commune et Différenciée (CBDR) a disparu de l’accord de Durban, les revendications, et les désaccords, sur cette question n’ont eux pas disparus. Enfin, à l’initiative des Européens essentiellement, l’accroissement de l’effort de réduction d’émission d’ici 2020 devrait lui aussi faire partie des négociations. (...)

 Enfin, selon Laurence Tubiana « au delà des enjeux de la négociation elle-même, la CdP à Doha sera intéressante, car elle sera l’occasion d’observer d’éventuels changements géopolitiques ». Même s’il sera sans doute trop tôt pour observer un réel changement et en tirer des conclusions définitives, nul doute que les prises de positions des Etats-Unis et de la Chine, qui ont tous les deux récemment changé de chef d’Etat, seront scrutées à la loupe. Le sens de la nomination des sept nouveaux membres du Comité Central du Politburo du Parti Communiste Chinois (PCC), sur ce sujet comme sur les autres, est incertain, même si, comme le rappel Laurence Tubiana, « Li Keqiang, le nouveau premier Ministre, est connu pour ses prises de paroles et de position en faveur d’un développement soutenable sur le plan environnemental ». La réélection d’Obama suscite elle de plus grands espoirs encore quant à un réengagement américain dans les négociations internationales. Mais la situation intérieure américaine, aussi bien sur le plan énergétique (les gaz de schiste) que politique (les Républicains conservant la majorité à la Chambre des Représentants, et les Démocrates étant bien loin de la majorité des deux tiers nécessaire à la ratification d’un traité international au Sénat) appellent à la retenue.

 (1) ndlr Affirmation qui se discute.....

samedi 17 novembre 2012

Notre Dame des Landes: le productivisme du Premier ministre face à une contestation disparatre...

Samedi 17 novembre François Mitterrand avait tous les défauts du monde. Mais il avait une authentique sensibilité pour tout ce qui touchait à la nature et l’environnement. Je n’ai eu qu’une seule longue conversation avec lui, lors d’une entrevue fortuite à Baïkonour, tandis que nous attendions le départ d’un fusée lançant des cosmonautes russes parmi lesquels se trouvait, si ma mémoire est bonne, l’astronaute Jean-Louis Chrétien ; et pendant une vingtaine de minutes, sous le regard jaloux de quelques confrères qui pensaient que le Président était en train de me faire des confidences politiques, nous avons parlé nature, ours, forêts et arbres. Ceux de la forêt de Latché et ceux du Morvan bien sur. Il connaissait le nom latin de chacun des arbres. Son ton était passionné et ses remarques passionnantes... C’est peut-être pour cela, au nom du respect de la nature et du travail de la terre, qu’il avait conclu, après sa première élection, la longue bataille des paysans du Larzac contre la droite, par l’annulation du projet qui depuis 1970, ambitionnait de transformer le plateau et ses terres en terrain d’exercices militaires. Il était également très attentif aux rapports de force et c’est probablement pour cette raison, après toutes les manifestations monstres et bretonnes qui s’apposèrent au projet, que le président ordonna qu’EDF renonce à la construction de la centrale nucléaire de Plogoff. Jean-Marc Ayrault, tout comme d’ailleurs François Hollande qui n’a jamais contemplé la nature autrement qu’à travers la fenêtre d’un train filant vers la Corrèze, est d’une autre nature. Il appartient à cette gauche productiviste et froide qui ne raisonne qu’en termes d’équipements et de grands travaux. Ce n’est pas par hasard que son projet délirant et ruineux est soutenu par l’UMP. Qui de ressemble, s’assemble. Ayrault ne peut tomber amoureux que des taux de croissance et des « progrès » industriels. Passions qu’il partage avec Arnaud Montebourg. Avant de tomber à gauche et de verdir son discours, Jean-Luc Mélenchon communiait pleinement avec cette église qui vénère les grands projets alimentant les profits de Bouygues, de Vinci et de quelques bâtisseurs d’autoroutes en les dissimulant derrière la « compétitivité » et le « redressement productif ». Ce qui explique au moins en partie son alliance avec un parti communiste qui défend le projet nouvel aéroport de Nantes et le nucléaire. Sur le Larzac, la centaine de paysans opposés aux militaires et à la droite, avait su s’attirer le soutien de centaines de milliers de personnes de toutes origines impressionnés par leur volonté de « vivre et travailler au pays », comme on le disait alors. Depuis leur plateau battu par les vents et saisi par le froid chaque hiver, ils ont organisé, à pied ou en tracteurs, avec ou sans leurs moutons broutant sous la Tour Eiffel, d’immenses manifestations. Ils ont réuni des dizaines de milliers de personnes et ralliés aussi bien les intellectuels que, par exemple, les universitaires, étudiants et enseignants réunis, de Paris 8 qui les accueillirent au terme de l’une de leurs longues marches de la fin des années 70, au coeur du bois de Vincennes. Ces paysans, qui firent aussi bien leur jonction avec les salariés en autogestion de Lip qu’avec les Paysans-Travailleurs bretons et toutes les organisations et association de gauche, avaient réussi à rester unis, à former un bloc au delà de leurs origines idéologiques. A rester maîtres de leur revendication. Ils formaient un groupe politiquement soudé. Ils s’offrirent même le luxe, une année, de chahuter François Mitterrand (pas encore élu) qui ne leur en tint pas rigueur bien qu’il ait du un jour, quitter les lieux juché sur un tracteur. Où sont aujourd’hui les intellectuels, ceux qui ne se rendent à Nantes qu’en avion pour assister aux fêtes du maire devenu Premier ministre ? Ces paysans du Larzac avaient su créer un consensus autour de leur combat. Il ne semble pas qu’il en soit de même pour la défense pourtant essentielle des terres de Notre Dame des Landes. Il s’en faut de beaucoup. Ce n’est pas en additionnant des carottes et des choux qu’il est possible de susciter un mouvement national cohérent. Les anarchistes (que je respecte), les éco-guerriers, les écolos gouvernementaux empêtrés dans leurs contradictions, des rescapés du Modem, quelques socialistes honteux, des militants sympas mais à court d’arguments politiques solides, ne peuvent pas constituer ou reconstituer un mouvement de masse susceptible de ranger une partie de la France derrière eux. Surtout quand on constaté que les paysans et les naturalistes de la région menacée ne sont pas vraiment aux commandes du mouvement. La mayonnaise peut difficilement prendre. Surtout en ce temps nouveaux d’individualisme et de grande faiblesse idéologique. Il ne suffit pas, hélas, de proclamer qu’on est « contre », que le projet est « contre-nature » et qu’il s’inscrit dans une idéologie industrielle du passé, pour convaincre que l’on à raison. Alors, « un nouveau Larzac ? ». Pas vraiment ou, au mieux, pas encore. Surtout en une sombre journée qui a vu les militants contre le mariage gay réunir plus de manifestants que les militants de Notre Dame des Landes...

lundi 6 août 2012

José Bové, le loup et les naturalistes....

Ceux qui critiquent aujourd’hui José Bové pour ces déclarations sur le loup n’ont pas de mémoire, car ce n’est pas la première fois qu’il exprime cette opinion qui a toujours été la sienne. Celle de l’éleveur du Larzac qu’il a été de 1975 à 2009. Un point de vue qu’il faut entendre avant de crier au loup. Car, bien qu’ardent défenseur du loup et auteur d’un livre condamnant les siècles de diabolisation de cet animal magnifique, je fais partie de ceux qui veulent aussi entendre les bergers de bonne foi. Voici ce que disait Bové en 2009, pendant la campagne électorale européenne dans un livre d’entretien que j’ai publié avec lui chez Delachaux et Niestlé. Extraits non modifiés Des écologistes vont te rappeler que tu es contre les loups, que tu as un jour dit « si j’en vois un s’approcher de mon troupeau, je tire »... Je l’ai dit, mais je ne vois pas pourquoi je laisserais un loup s’attaquer à mon troupeau, à mon gagne-pain ! Bové n’est pas contre les loups. Mais Bové est d’abord paysan, éleveur, et pour lui effectivement – pour moi – la question de l’élevage est essentielle. Je ne reproche à personne de vouloir sauver les loups, mais que les gens ne me reprochent pas de vouloir sauver mes brebis. Nous sommes aujourd’hui dans cette situation particulière d’antagonisme, de conflit par rapport aux loups parce ce que nous vivons une désertification qui s’accentue partout chaque année. Comme je l’ai souvent dit, le danger principal, pour un troupeau, ce n’est pas tellement le loup mais le ministre de l’agriculture, ou la politique agricole européenne, ce qui revient au même. L’élevage ovin est réduit a néant, dans le secteur agricole cette activité a le plus mauvais revenu de tous. Donc, c’est vrai que le loup représente un problème qui s’ajoute aux difficultés. La diminution du nombre d’éleveurs et de la présence humaine dans la montagne, entraîne un retour des animaux sauvages ; pas seulement le loup, mais d’autres comme le lynx par exemple. Cette présence provoque des tensions dans de plus en plus nombreuses régions. Mais cette tension ne constitue pas une nouveauté, elle a été permanente depuis des siècles dans l’histoire humaine des campagnes, mettant le loup face aux éleveurs. Des problèmes, des affrontements il n’en pas existé que sur le Gévaudan, mais aussi dans le centre ou dans l’est de la France. Cette confrontation entre l’éleveur, le paysan et les aléas de vie au sein du milieu naturelle n’a jamais été simple, comme ne sont jamais simples tous les conflits qui surviennent sur un territoire. Pour les uns comme pour les autres il y a la volonté d’éliminer l’autre. Normal, je n’élève pas des brebis pour nourrir le loup qui a lui-même tendance à aller au plus facile pour se nourrir ; je dirais presque que...c’est humain de sa part, car la brebis court moins vite qu’un chevreuil ou un chamois. Donc, la première réaction est que c’est lui ou mes brebis ! Ensuite une autre question se pose : est il est possible de parvenir à une nouvelle harmonie entre les concurrents que sont les hommes et certaines espèces sauvages qui occupent le même territoire ? Je ne sais pas ? J’ai des doutes dans un sens comme dans l’autre. Répondre par l’affirmative, ce serait oublier une situation à peu prés semblable dans tous les pays européens, a savoir que tous les territoires ruraux et agricoles, qu’on le veuille ou non, ne sont plus constitués que d’espaces occupés et donc intégralement façonnés par l’homme. Nos montagnes ont été transformées par les hommes, qu’il s’agisse de la coupe des forêts, de l’agriculture ou de l’élevage. Ces montagnes ne sont même plus sauvages dans leurs parties les plus hautes, sur les sommets, puisque pour les escalader des hommes ont équipé des voies d’escalade, planté des pitons partout, voire laissé des échelles. A mon avis, s’obstiner à croire à un espace naturel mythique ou idyllique, sans présence humaine relève d’une grave erreur d’appréciation de la réalité. Il faut renoncer à considérer la campagne, plaine ou montagne, comme un simple espace de jeu ; ou comme une agréable nature sauvage dans laquelle il ferait simplement bon vivre. Un espèce de mythe plus ou moins rousseauiste avec des lions végétariens qui mangeraient à côté des antilopes ou des loups qui lècheraient les agneaux égarés pour les ramener ensuite à leur mère. Non seulement il ne faut pas se tromper de siécle, mais en plus il ne faut pas oublier que l’équilibre de la nature se bâtit sur une chaîne alimentaire avec de très nombreux prédateurs. L’élevage s’ajoute à cette logique et trouble encore davantage l’espace soi-disant naturel, car à partir du moment où des hommes ont commencé à domestiquer des animaux, où il leur a aménagé des espaces pour nourrir une famille, pour obtenir des produits, cela a remis en cause les rapports entre les animaux sauvages et l’homme, puisque qu’un immense partie du territoire se retrouve lui aussi domestiqué. L’espace naturel du XXI ème siécle n’a plus rien à voir avec celui du Moyen Age, ne serait-ce que parce que nous sommes bien plus nombreux ! Reste un vrai débat entre une domestication, construite sur des milliers d’années par les chasseurs qui sont devenus éleveurs ou agriculteurs, et ceux qui gardent cette vision un peu fausse ou dépassée d’un espace naturel vierge. Reste aussi, je ne le nie pas, la question, de la sauvegarde, sur un territoire marqué par une pratique agricole et une présence humaine, d’une certaine harmonie et d’une biodiversité dont nous avons tous besoin, les paysans comme les autres. Ce qui revient à se demander comment un territoire peut-être préservé. Malgré tout, je ne pense pas que les tensions que j’évoquais soient vraiment une mauvaise chose. Il faut faire avec, elles sont inévitables et on décide au cas par cas, par une accumulation de textes qui ne satisfont personne. Le problème, dans le fond réside dans une réalité difficile : les éleveurs se sentent acculés parce qu’ils ont l’impression d’être la dernière roue de la charrette par rapport, à la fois, à l’image que les gens se font d’eux et par rapport à la politique européenne. Ils vivent dans une situation où ils sont considérés comme les derniers des Mohicans par rapport au modèle dominant et également face à des gens, les naturalistes par exemple, qui les critiquent avec de très bonnes intentions mais qui ont beaucoup de mal à prendre en compte la vision paysanne et à intégrer cette culture paysanne ; et donc une autre vision des animaux, sauvages ou domestiques. Mais bon, je ne vais pas prétendre que certaines pratiques des éleveurs ne sont pas critiquables. Parce qu’effectivement, si un éleveur laisse 500 ou 1 000 brebis gambader toutes seules dans la montagne et qu’il se contente d’aller leur rendre visite de temps en temps, cela peut entraîner de gros risques. Mais, le berger, dans un système qui ne nourrit plus son homme, il est tout seul, il n’a pas de personnel. Lorsque la transhumance existait encore, que les troupeaux de la Crau montaient dans les Alpes, ou de l’Hérault vers les Cévennes, les grands troupeaux qui se déplaçaient étaient accompagnés de nombreux bergers ; et les troupeaux qui restaient en estive étaient très importants, parfois un millier de bêtes avec beaucoup de gens pour les garder. Il n’y avait pas beaucoup de petits troupeaux de 50 ou 100 brebis gardées par un berger. Evidemment, avec des troupeaux dispersés un peu partout dans la montagne, le risque de prédation est beaucoup plus grand et la vision du berger est complètement différente. De plus, les naturalistes doivent comprendre que ce berger ne considère pas sa brebis de façon isolée. Il a une vision globale des brebis, il considère son troupeau comme une entité ; et toute agression contre son troupeau est une atteinte à sa raison de vivre, il la ressent personnellement, au delà du préjudice financier éventuel ; personne ne peut rembourser ce qu’il ressent lors d’un attaque, qu’elle soit le fait de chiens sauvages ou de loups. C’est un sentiment, une réalité qu’il faut prendre en compte et que les naturalistes peuvent d’ailleurs retrouver chez Giono de manière tout à fait extraordinaire. Tu veux dire que la coexistence est possible à condition que l’espace dit naturel soit réoccupé par les paysans. Oui, mais pas seulement car il faut mener à son terme le débat sur l’utilisation du foncier, sur l’usage de la terre. Donc nous ne devons pas décalquer dans les campagnes un modèle productiviste qui découpe tous les territoires en tranches spécialisées. Il ne doit pas subsister un territoire pour l’agriculture, un territoire pour l’élevage, un territoire pour la chasse, un territoire urbain ou péri-urbain pour dormir, un territoire pour le loisir, un territoire pour les animaux sauvages et encore un autre enfin pour le travail. Il faut revenir sur le modèle industriel de segmentation. Il faut que tous les espaces se croisent, s’interpénètrent. Il faut désormais travailler non plus dans des espaces antagonistes, qui se font face, mais envisager une occupation du territoire permettant à tous les usagers de discuter globalement de la gestion de l’espace, d’établir la légitimité de chacun des besoins et des aspirations, pour que toutes les légitimités puissent être assemblées dans le même espace. Ce qui conduit à toutes les cohabitations possibles et imaginables. Il faut résoudre les conflits d’usage puisque chacun exprime une légitimité, mais pas dans des logiques d’exclusivité, d’exclusion ou de propriété.

Les requins disparaissent beaucoup plus rapidement que les surfeurs...

Sur les 460 espèces de requins de toutes tailles recensées par les scientifiques dans toutes les mers du monde et même dans quelques grands fleuves et estuaires africains ou latino-américains, seulement cinq seraient susceptibles de s’en prendre à l’homme : le requin-bouledogue, le requin-mako, le requin-longimane, le requin-blanc et le requin-tigre considéré comme l’un des plus gros puisqu’il peut dépasser les six mètres et atteindre 600 kilogrammes. L’hystérie entretenue, comme chaque année à cette époque, à l’égard des requins qui peuvent être dangereux, comme envers tous les autres, éternel remake de ce film stupide qu’a été « Les Dents de la Mer », masque une réalité affligeante : moins d’une centaine d’attaques sont recensées chaque année, alors qu’au moins cent millions de requins sont exterminés chaque année pour la pêche, par la pêche et pour le plaisir. La balance n’est pas vraiment égale. D’autant moins égale que parmi les requins massacrés, 40 à 50 millions le sont chaque année pour fournir les industries alimentaires qui mitonnent la célèbre soupe d’ailerons de requins. La recette est simple, au moins au départ : des bateaux usines pêchent ces poissons, gros ou petits, coupent leurs ailerons puis rejettent les requins à la mer, dans laquelle chacun comprendra qu’ils ne peuvent plus vraiment surfer... Il ne faudrait évidemment pas en déduire que les requins se vengent de temps en temps sur les surfeurs. Simplement, estiment les spécialistes de ces animaux, il est fort probable que les requins confondent les surfeurs avec une proie croisant sur la surface de l’eau. Et comme les surfeurs, au contraire des requins, sont de plus en plus nombreux... les accidents risquent un jour de se multiplier. Risquent... puisque depuis le début du millénaire, le maximum par an été de 81. Par contre de nombreuses espèces risquent de disparaître puisque 75 % d’entre elles sont déjà menacées : pour la pêche déjà mentionnée, pour fabriquer des cosmétiques, pour faire des abrasifs spéciaux avec la peau, pour confectionner des bottes et chaussures de luxe, pour distraire des touristes-pêcheurs amateurs de trophées ou de photos souvenirs. Ils sont également tués par hasard lors d’autres pêches au chalut. La majorité des médias, les offices touristiques, les municipalités concernées sonnent donc le tocsin contre les requins et déplorent (ce qui est humainement normal) chaque victime. Et ils déclarent la guerre aux requins dans des territoires où les accidents de voiture font chaque mois plus de blessés et de morts que les requins en une année. Mais personne ne songe aux requins, les inoffensifs comme les autres, alors que ces poissons prédateurs sont indispensables à l’équilibre écologique des mers et des océans.

samedi 28 juillet 2012

Bonus pour voiture "verte": l'escroquerie sociale et écologique d'Arnaud Montebourg

Ainsi donc, pour que nous adoptions une attitude plus responsable, à condition que l’on considère qu’à terme les véhicules électriques méritent le qualificatif d’« écologiques », l’Etat va payer encore plus les automobilistes pour qu’ils adoptent une attitude considérée comme socio-écologique. En prélevant plus d’un demi milliard d’euros (par an) sur le budget de pays. C’est cela le bonus : continuer à nous persuader que sans voiture, point de salut. Je sais, lecteurs grincheux habituels, vous m’objecterez que dans les zones rurales et les banlieues lointaines, la bagnole est le seul recours possible. Oui, sans aucun doute, mais, sur 38 millions de voitures, le total de celles qui sont utilisées par les citadins, ceux des grandes agglomérations, est largement supérieur à celui des véhicules ruraux imposés par les prix des terrains qui éloignent des centre-ville, par la défaillance des transports publics et par les urbanisations anarchiques des grandes banlieues. Quand aux véhicules électriques, si par hasard leurs achats augmentaient par miracle de 200% l’année prochaine, cela aboutira au chiffre mirifique de 10 400 voitures par an. Appliqué au même raisonnement miraculeux, pour les véhicules hybrides, le nombre de modèles, toutes marques confondues, le nombre de voitures écologiques, selon Montebourg, vendues serait à peine de 50 000 à l’année. Donc, sans oublier que même avec le « bonus » ces bagnoles sont plus chères à l’achat, le « plan » mirifique concernerait 60 000 engins sur les 2, 8 millions immatriculés en France chaque année. Pas de quoi sauver Peugeot ou Renault, d’autant plus que les deux tiers de ces voitures électriques ou hybrides sont fabriquées hors de France. Pour une fois, les écolos et les syndicalistes sont d’accord pour crier à l’escroquerie politique, écologique et sociale. Donc le bonus ne profitera qu’à une minorité de Français plutôt fortunés, les autres ne s’intéressant pas, pour des raisons économiques ou des raisons psychologiques de résistance au changement, aux nouvelles technologies. Un exemple révélateur : un constructeur italien commercialise des scooters MP3 hybrides de 125 cm3, mais en dépit d’un résultat de consommation qui se situe autour de 1, 6 litres au 100 kilomètres (donc au minimum une moindre pollution), il n’en a vendu que 120 en France en trois ans. Donc le fameux plan d’Arnaud Montebourg n’est qu’une coûteuse poudre aux yeux et les automobilistes français, qui ne font pas le calcul de l’économie illusoire dont ils croient bénéficier, continueront à acheter des véhicules diesel qui représentent 78 % des bagnoles immatriculées en 2011. Economie bidon et pollution, notamment aux particules fines dangereuses pour les poumons, garanties. Mais il n’est pourtant pas question se supprimer la petite détaxation sur ce carburant nocif. Le calcul du ludion du Redressement Productif vient de nous offrir un tour de passe-passe politico-économique qui n’est qu’une illusion partant du principe que pour encourager à la transition écologique il ne faut pas compter sur le civisme des citoyens et qu’il ne faut qu’encourager ceux qui n’ont pas de souci économique en leur offrant l’argent des contribuables. Le problème de la mévente des voitures fabriquées en France (comme les autres) n’est en aucun cas résolu puisque le gouvernement n’a pas choisi la solution qui consiste à remettre en cause la suprématie de la voiture individuelles en milieu urbain au profit du développement des transports collectifs et du deux roues, avec ou sans moteur.

lundi 25 juin 2012

Conférences sur l'environnement: de Stockholm en 1972 à Rio en 2012

Le Sommet des peuples et de la société civile a ouvert ses stands et ses réunions le 15 juin alors que la conférence des ministres et des chefs d’Etat attendra le 20 pour se terminer au bout de trois jours, sauf si les dernières négociations qui commencent lundi se révèlent difficiles. Ces rencontres officieuses et officielles sont curieusement présentés par les associations et les Nations Unies sous l’appellation Rio + 20. Comme si la Conférence mondiale de Johannesburg de 2002 au cours de laquelle Jacques Chirac s’illustra avec sa célèbre phrase « La maison brûle et nous regardons ailleurs » moins guindée que la suivante en 1992 à Rio, n’avait jamais existé. Comme s’il fallait aussi oublier que tout a commencé en 1972 à Stockholm avec la premier Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Comme lors des réunions mondiales précédentes consacrées à l’état environnementale de la planète, les discours et les proposition faites à Rio vont donc illustrer, les fossés de plus en plus profonds qui se creusent entre les aspirations de la société civile, les revendications des Peuples Premiers, les égoïsmes des Etat et les convoitises des grandes entreprises rêvant de « marchandiser » la nature et les ressources naturelles Si il existe une différence essentielle entre la conférence de Stockholm et celle de Rio de Janeiro de cette année, elle réside d’abord dans la nature des rapports entre les participants officiels et la société civile. En 1972, la distance pour aller du centre de conférence des chefs d’Etat et les forums et rencontres des associations n’était que de quelques centaines de mètres à parcourir à pied, et nulle mesure policière ou sécuritaire ne séparait les uns des autres. En 2012, il faut prés d’une heure d’autobus pour aller de l’une à l’autre puis monter patte blanche et accréditations longuement vérifiées. Evolution qui en dit long sur l’altération de la qualité des échanges entre les politiques et ceux qui contestent leurs inactions. D’autant plus, autre caractéristique fondamentale de ce qui s’est passé à Stockholm, que les uns pouvaient aller s’exprimer chez les autres et réciproquement. Un ministre, voire un chef d’Etat ou de gouvernement, n’hésitant pas à venir affronter les contestataires et discuter pied à pied avec eux. Ce qui, par exemple donna un splendide dialogue entre Indira Gandhi, première ministre de l’Inde, et une salle parfois houleuse de militants. Au delà des décisions prises ou repoussées à plus tard, Stockholm fut donc une fête de la parole, un véritable festival de révélations et d’échanges sur l’état du monde, sur les pollutions, sur les destructions, sur la démographie, sur les famines, sur l’agriculture, sur la baisse déjà constatée de la biodiversité, sur le mauvais état des mers, sur la régression de la forêt amazonienne, sur le sous développement ou sur le (mauvais) sort trop souvent réservé aux Peuples Premiers. Toutes les questions qui motivent aujourd’hui la mouvance environnementalistes, y compris celle du réchauffement climatique étaient déjà posées. Et tous les jours, un quotidien associatif (il y en eu d’autres) financé par les Suédois sans aucune contrepartie ni censure, et sous-titré « L’environnement c’est de la politique », rendait compte des affrontements verbaux et idéologiques au sein de la société civile et entre les officiels. Peut-être, il ne faut pas écarter cette hypothèse, parce que le mouvement environnementaliste et écologique n’était pas encore professionnalisé, la conviction et la connaissance des dossiers tenant alors lieu d’une force de frappe que nombre d’apparatchiks de l’environnement n’ont peut être plus toujours. L’écologie politique restait balbutiante en France, ce qui peut expliquer que les associations françaises aient été si peu représentées dans une conférence largement dominé par les Anglo-Saxons et, aspect plus surprenant, par des militants et des délégations de ce que l’on appelait encore le tiers-monde. Le 14 juin, à l’issue d’une conférence qui ne dura pas trois jours comme en 2012 mais une dizaine, un cortége bariolé de milliers de jeunes a parcouru la ville. Sans escorte policière, même lorsque les premiers rangs, plutôt dénudés, parvinrent au pied des marches de la conférence officielle. Ils apportaient une résolution demandant « un moratoire arrêtant pendant dix ans le meurtre de tout être humain » et que « reconnaissent que l’Homo sapiens est une espèce en danger et proclament dans l’allégresse les Etats proclament un moratoire de dix ans à la chasse, au massacre et à l’empoisonnement de l’environnement des êtres humains ». Ils furent accueillis, sans présence policière par le patron » de la conférence, LE Canadien Maurice Strong qu’il il était entièrement d’accord avec le contenu de la résolution. Il faut évidemment, la part de la récupération dans cette étonnante rencontre mais quelles qu’aient été les arrière-pensées des uns et des autres, la scène illustrait parfaitement l’atmosphère d’une conférence qui vit les militants et la jeunesse faire pression sur les gouvernements et être sinon écoutés, au moins entendus. Pour le reste, malgré l’opposition, soulignée par les leaders du tiers- monde, entre les pays développés inquiets des destructions et pollutions et les pays du Sud en besoin de développement contre la misère, la Conférence adopta des mesures ou des résolutions qui seraient encore aujourd’hui considérées comme novatrices ou révolutionnaires. Qu’il s’agisse des ressources naturelles, des rejets toxiques, de la préservation de la flore et de la faune sauvage, de la pollution des mers, de la surpêche, des catastrophes naturelles, de la stabilité des prix agricoles et des matières premières, de l’action de organismes internationaux, de l’indemnisation des victimes de pollution ou de la fin de l’impérialisme des nantis. Tous ces points étant précisés et développés dans une déclaration en 25 articles dont la négociation dura plusieurs jours et plusieurs nuits car, on contraire de ce qui se passe désormais, elle n’avait pas été rédigée à l’avance par des technocrates internationaux. Une déclaration qui aboutit à la création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement qui reste hélas valable. Un organisme dont Maurice Strong devint le directeur et qui me déclara notamment au cours de l’été 1974 au Kenya où s’installe le PNUE: « Le premier objectif est d’amener les pays à parler de ce problème qui gêne tout le monde. Il était important de regarder les situations en face, de rappeler qu’il était un peu trop facile –ce que font les grandes puissances dans ce domaine comme dans d’autres- de ne blâmer que les pays en voie de développement. Il y a des prises de position politiques officielles fort justifiées... et la réalité. La Chine en est un exemple. Seule une attitude réaliste dans ce domaine comme dans les autres, nous permettra de faire face aux questions posées par la dégradation de notre environnement, il ne faut pas se le cacher. Il ne s’agit plus de rêver de l’abondance mais d’organiser la survie, de lutter –sur tous les plans- pour empêcher des centaines de millions de gens de mourir. Sans oublier que ces menaces et les pollutions, avant d’être des agressions physiques, engendreront des tensions sociales et politiques insupportables ». Les écrits confidentiels et très pessimistes de Brice Lalonde, directeur exécutif des Nations Unies pour Rio + 20 montre que si la prise de conscience de l’opinion publique a progressé, celle des chefs d’Etat a beaucoup régressé...

Conférence de Rio: le rideau vient de tomber sur une trés mauvaise pièce

Rio de Janeiro le 24 juin 193 pays réunis pour ne rien dire Quelques heures après la clôture du sommet de la Terre, il faut rendre hommage aux chef des délégations qui ont pris la parole jeudi et vendredi en séance plénière dans une parfaite indifférence tandis que le public officiel clairsemé vaquait à ses occupations sans les écouter, tout en téléphonant ou en engloutissant des cafés et de (mauvais) sandwiches. La médaille du courage doit être décernée aux orateurs qui s’exprimaient encore dans la séance nocturne de jeudi devant quelques délégués présents pour une seule et unique raison : ils devaient encore attendre pour délivrer leur message national. Avant le « délégué inconnu » qui s’est exprimé en dernier vers minuit devant les seuls membres de sa délégation accablés d’ennui et de fatigue d’avoir fait un si long voyage inutile depuis leur île-Etat. Cette litanie des déclarations inutiles qui ne pouvaient plus changer le fade contenu de la déclaration finale de 60 pages adoptée sans enthousiasme après avoir été « fermé » depuis plusieurs jours à tout amendement par le gouvernement brésilien, résume parfaitement la tonalité d’une conférence qui n’a rien résolu des malheurs écologiques de la planète parce qu’il ne fallait braquer personne. Vendredi soir, de nombreux délégués avouaient leurs déceptions et leurs frustrations en traînant leurs valises à roulettes dans les couloirs du Rio Centro. En oubliant que beaucoup d’entre eux sont responsables, à des degrés divers et au nom de leurs pays, de l’échec d’une conférence dont l’enfer n’a été pavé que de quelques bonnes intentions dont il ne reste pas grand chose en dehors de la promesse...de continuer. Certes, l’économie verte a été remise in extremis à sa juste place, certes le Programme des Nations Unies pour l’Environnement sera renforcé (un jour...) ; et évidement, l’écrire ne coûte rien, le rapport final affirme vouloir lutter contre la pauvreté, pour l’eau et l’assainissement accessible à tout le monde ; bien sur la question sociale est évoquée et les objectifs de développement durables ont été précisés et...confiés à une groupe de travail. Mais le bilan des avancées ou des reculs par rapport à la première conférence de Rio de 1992 n’a pas été fait, parce qu’il pouvait fâcher. Notamment sur le question de la biodiversité passée à la trappe. Et les « financements innovants », donc les moyens financiers pour aider au développement et à la défense de l’environnement, sont remis à plus tard, à une autre conférence peut-être. La montagne onusienne a accouché d’une souris qui n’est même pas verte ; aboutissant à ce que la députée européenne des Verts, Sandrine Belier a appelé un « sommet de la déception ». Un sommet pendant lequel les négociateurs évidemment mandatés pour un service minimum se sont payés de mots comme, par exemple, dans le paragraphe dix du document final qui mérite le détour tant il exprime et symbolise la vacuité du texte adopté. « Nous reconnaissons que la démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit,au niveau national et au niveau international, ainsi qu’un environnement favorable,sont des conditions sine qua non du développement durable, notamment d’une croissance économique durable et profitant à tous, du développement social, de la protection de l’environnement et de l’élimination de la faim et de la pauvreté. Nous réaffirmons que pour atteindre nos objectifs en matière de développement durable, nous devons nous donner, à tous les échelons, des institutions efficaces, transparentes, responsables et démocratiques. » L’expression « développement durable » le mot valise dont les délégués et diplomates usent et abusent autant que l’ont fait les négociateurs masque un triste déni de la réalité. Même si tous peinent malgré tout à en expliquer le sens et la portée. Cela n’empêche pas ce « mot miraculeux » de ponctuer la déclaration adoptée de façon incantatoire, comme un refrain que l’on reprend machinalement. Il apparaît à peu prés une dizaine de fois par page, accommodé à tous les sens et situations possibles ou imaginables. Une sorte de gimmick diplomatique masquant plus ou moins habilement les mots nature, pollution, biodiversité ou ressources naturelles. Car si la question climatique est rapidement abordée, elle l’est aussi sous le déguisement du développement durable et les négociateurs dont le travail aurait pu aboutir à faire l’économie du déplacement d’une cinquantaine de milliers de personnes, n’ont même pas réussi à donner un statut aux réfugiés climatiques qui, dans le fond, n’existent toujours pas pour la communauté internationale. Il faut être aveugle, sourd ou définitivement persuadé que les égoïsmes nationaux doivent triompher pour trouver un quelconque intérêt au texte adopté dans la résignation de nombreux pays et la jubilation de nations comme les Etats-Unis, le Canada, la Chine ou la Russie. Ces pays, en instrumentalisant les pays les plus pauvres, ont finalement obtenu que les questions environnementales, du climat à la préservation de la biodiversité au sens le plus large du terme, passent à la trappe. Ce qui ne peut que conforter les opinions publiques et le monde industriel dans la croyance rassurante qu’il n’y a pas vraiment péril et que le sauvetage collectif de la planète peut attendre. Le sommet de Rio marque une victoire de la diplomatie prudente et éloignée des réalités humaines et écologistes sur les environnementalistes. Le sommet de Rio + 20 n’est pas un échec puisque les nations occidentales, avec la complicité active du Brésil n’ont jamais essayé, ni probablement jamais eu l’intention, de réussir la quatrième conférence mondiale sur l’environnement organisée depuis le début des années 70. .

vendredi 8 juin 2012

Vendredi 8 juin LANCEMENT DE LA CONFERENCE DE RIO A LA VILLETTE François Hollande craint l’échec et Nicolas Hulot se dit lassé et pessimiste Pour lancer son débat sur les enjeux de la prochaine conférence sur l’environnent, le club Rio + 20, initié par le Comité 21, avait reçu vendredi matin dans la grande Halle de La Villette, un renfort de poids : François Hollande. Normal, il ne s’était pas encore vraiment exprimé sur l’écologie et sur les conférences qui se tiendront au Brésil à partir du 15 juin alors que la ministre de l’écologie reste étrangement muette. D’abord le sommet des peuples qui devrait réunir de nombreux acteurs de la société civile et ensuite du 20 au 23 la conférence des chefs d’Etat dont les « sherpas » peinent depuis des mois à établir un accord sur les décisions à prendre ; au point de désespérer Brice Lalonde, le directeur exécutif de l’ONU chargé de préparer la conférence. Ce qui n’a pas échappé au président de la République qui a commencé par expliquer que « les conditions de la réussite ne sont pas encore réunies ». Puis il a ajouté que le « Développement durable ne doit pas être seulement une protection mais surtout une croissante différente ». Avant d’énumérer, « au delà des enjeux économiques » les priorités de la France « la nécessité de s’attacher à l’éradication de la précarité énergétique, la prise en compte du réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité ». Après avoir expliqué qu’en France il fallait envisager «des tarifs progressifs de l’électricité lié à la consommation » et « une montée de puissance des énergies renouvelables qui devraient devenir un enjeu au niveau de l’Europe ». Pour François Hollande, dont le discours a été applaudi, les trois urgences environnementales qui seront appuyés par la France à Rio sont « l’accès de tous les pays aux énergies renouvelables, la sécurité alimentaire, un mécanisme freinant le rachat des terres dans les pays du Sud et un soutien marqué à l’économie verte et à une économie sociale et solidaire ». En rappelant que le PIB, indicateur aux variations de toute façon incertaines, ne devait pas rester le seul indicateur mais « qu’il fallait prendre en compte le qualité de l’environnement et la diminution de inégalités ». Le président a également souhaité, en France, une évolution de l’épargne réglementée vers le développement durable. Dans sa conclusion, il a souhaité la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement, évoquée depuis 20 ans, qui serait basée à Nairobi puis a prévenu : « Rio va être difficile, avec un risque de division et des paroles non suivies d’actes car la perspective de l’échec existe. D’autant plus que l’échec peut être aussi celui de la désinvolture, de l’ignorance et du refus de la réalité alors que tous les signaux d’alarme sont visibles ». Une intervention qui contrastait avec les discours béats qui ont précédé ou suivi son allocution, discours présentant Rio comme un nouveau départ et la continuation de la conférence de Rio en 1992, oubliant au passage que la prise de conscience date de la conférence mondiale de Stockholm en 1972, conférence au cours de laquelle tous les avertissement planétaires avaient été énoncés. Un ronronnement d’autosatisfaction qui fut cassé par l’intervention de Nicolas Hulot expliquant, heureusement très applaudi, qu’en 20 ans, depuis la première conférence de Rio, « on est passé de l’indifférence à l’impuissance. L’heure n’est plus aux constats mille fois faits, mais à l’action ». Pour lui « la prochaine conjonction entre la crise économique et la crise écologique sera très grave pour la planète et à Rio nous risquons de trahir nos enfants. Nous fonctionnons toujours à l’antique et nous risquons d’être prochainement, dans tous les domaines, contraints de gérer la pénurie. Il ne faut pas se contenter d’aménager à la marge et obtenir que l’OME souhaitée par certains ait la primauté sur les décisions du FMI et de l’OMC (...) Rio doit sonner le glas de la cupidité, la fin d’un monde qui spécule sur les ressources naturelles et sur la faillite des Etats ». Nicolas Hulot a conclu, en prenant à revers tous les optimistes présents et satisfaits d’eux-mêmes, qu’il était à la fois « lassé et sceptique ». Probablement parce que les discours d’autosatisfaction des acteurs du Club Rio + 20 annoncent le ton qui risque de dominer les débats officiels de la conférence brésilienne. D’ailleurs que ce club soit appuyé par Publicis est en soi une indication inquiétante. D’autant que cette agence de communication voisine avec de nombreux industriels A la société civile qui animera le Sommet des peuples de réussir à infléchir la tendance à des congratulations environnementalistes...qui se borneraient à préparer l’organisation d’une nouvelle conférence !

samedi 2 juin 2012

"Gastronomie": est-il écologiquement correct de sauver les mauvais poulets Doux

Peut-être faut-il de temps à autre être politiquement incorrect. Au risque de choquer, la question que je me pose et que je pose aux lecteurs est la suivante : faut-il que la collectivité vole, d’une façon ou d’une autre au secours d’un industriel du poulet qui organise depuis 1955, la production d’une viande de basse (euphémisme...) qualité et tient sous sa coupe, en les exploitant, prés de 4000 éleveurs de poulets de batterie dont les... « activités quotidiennes » empoisonnent (en nitrate, notamment) les rivières et les nappes phréatiques de Bretagne ? Je sais, il y a plusieurs centaines d’emplois en jeu : peut-être même 3400 si l’industriel de la malbouffe met la clé sous la porte dans tous ses centres de production français (il n’existe pas d’autre mot qui convienne mieux). Mais peut-on laisser fabriquer n’importe quoi dans n’importe quelles conditions ? Monsieur Charles Doux qui joue les martyr depuis Châteaulin dont il est le roi redouté, est un producteur français et mondialisé de poulets, de filets bas de gamme et de viandes enrobées et panés sous plastique dont les condiments masquent mal la médiocrité. Il est propriétaire de 80 % des actions d’un groupe fondé dans les années 50 et serait en déficit alors qu’il perçoit chaque année de 50 à 65 millions d’euros de subventions à l’exportation grâce à l’application de la Politique Agricole commune. Cela lui permet, par exemple, de vendre ses poulets congelés moins chers que les poulets locaux sur de nombreux marchés africains. Ce qui entraîne la ruine des petits éleveurs des pays concernés. L’inventeur du « Père Dodu » et autres cochonneries de cet acabit emploie donc 3400 personnes en France et 6000 au Brésil où il a délocalisé une partie de la production de ses 253 millions de poulets chimiquement et artificiellement nourris pour être maintenu en vie, notamment grâce à l’emploi d’antibiotiques, jusqu’au jour de l’abattage, six semaines au plus après la remise des poussins de quelques jours aux paysans éleveurs du début de cette chaîne de la bouffe. Donc, faut-il sauver le « volailler » Doux qui non seulement écoule partout dans le monde des produits qui offensent le goût mais traite ses salariés comme des esclaves : chasse aux syndicalistes, harcèlement et mise à pied de ceux qui se rebellent, paiement au SMIC et travail (par 5°) dans des conditions si difficiles que l’on n’y compte plus dans ses usines, les accidents du travail et les arrêts maladie. Sans oublier les intérimaires et les CDD encore plus mal traités et plus mal payés. Ce qui peut faire passer son appel au secours et sa demande d’une aide de 20 millions avant la fin du mois de juin comme une astuce pour faire oublier les mauvais poulets et l’esclavage des salariés ; ou une prétexte pour délocaliser encore plus sa production, notamment vers des pays où les salaires versés seront encore inférieurs à ceux qu’ils versent à ses employé brésiliens. Faut-il vraiment sauver les poulets de monsieur Doux et des requins de l’alimentaire qui guettent sa vraie ou sa fausse chute sous l’oeil intéressé de la banque BNP Paribas ? Il n’est pas seul gâteur de égout de l’agro-alimentaire mais mettre un terme à ce genre de production relève d’une entreprise de salut public. Il serait tout à fait « normal » que cette forme d’aliments commence à disparaître des rayons des supermarchés et que le ministre de l’Agriculture se penche sur ce type de production. Comme l'explique Yannick Jadot, député européen des Verts, le poulet de monsieur Doux a decidement une goût bien amer...

mardi 24 avril 2012

Jean Ferrat, la démocratie, le Front national et l'écologie

MARDI 24 AVRIL

C’était après une élection, il y a quelques années. Bavardant pour un interview qui s’égarait comme à l’ordinaire bien loin des chansons et de la musique, Jean Ferrat me montra d’un geste Antraigues-sur-Volane, 580 habitants au coeur de l’Ardèche où il fut un temps l’adjoint du maire communiste, en commentant un récent score du Front National qui venait de rassembler 8% des voix dans son village : « Tu vois, je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe, ce pourcentage me dépasse. Ici, on n’a pas vu un étranger depuis des années, il n’y a pas de délinquance en dehors de quelques braconnages qui font sourire tout le monde. Alors pourquoi certains des gens que je croise tous les jours, peut-être un de ceux avec qui je joue aux boules, votent pour ces gens ? Maintenant, dans la rue, quand je vais au bistrot, je me surprends à me demander si la personne que je rencontre a voté pour le FN ». Au delà de son incompréhension perçait une sorte de chagrin. Dimanche dernier, à Antraigues où il n’y a toujours ni étranger, ni « assisté » ni délinquant, la candidate du Front National a recueilli 14, 32% des suffrages. Que Mélenchon y ait réuni 33 % des voix ne change pas cette donnée...
A Gien, la ville de 15 000 habitants du Loiret, où je passe trois jours par semaine, le FN a bondit jusqu’à 24 % des suffrages. Dix points de plus qu’en 2007. Dans les rues je regarde les passants en me demandant qui, parmi tous ceux que je connais, a voté pour Marine Le Pen. Peut-être ceux qui, tous les ans, à cette période, dénoncent le rassemblement de quelques milliers de Tziganes évangélistes dans leur immense propriété voisine cernée par les gendarmes mobiles dont les cars stationnent le long de la Loire. Quinze jours de suspicion envers les méfaits supposés des « voleurs de poules » alors que les statistiques de la gendarmerie n’enregistrent pas plus de délits à cette période de l’année que pendant les autres mois. Mais l’explication est un peu courte. Dans les conversations, les mêmes que celles que Ferrat entendait à Antraigues, revient une autre justification : « avec tout ce que l’on voit à la télé... ». Comme si une partie de la France avait voté contre les images du miroir déformant de la télévision. Mais cela ne suffit toujours pas comme analyse...
Comme si, au delà de toutes les savantes explications, la France était bel et bien touchée par une peste brune qui s’étend dans les terra incognita de la ruralité et des banlieues pavillonnaires cernées par des supermarchés ayant effacé les centres des petites villes et des bourgades, conduit à la faillite les derniers commerçants. Les savants politologues et sociologues du cirque médiatique, évoquent les « souffrances », le « sentiment d’insécurité », la « désertification », la « disparition des services publics » pour justifier cette désespérante poussée vers l’extrême droite, vers le refus des autres, le refus des différences. Par des gens qui exhalent leurs haines aux comptoirs des bistrots en colportant les pires insanités sur ceux « qui ne veulent pas travailler ». Dans une cité qui compte officiellement 9 % de chômeurs et un nombre mal défini de salariés à temps partiel. Ceux qui viennent, une fois par semaine, s’approvisionner au Jardin du Coeur, par exemple, après avoir suivi de dernier épisode des « Feux de l’Amour » sur TF1.
L’impression que le mal n’est plus curable, qu’il n’existe pas de bonnes solutions pour montrer à un quart des habitants que le glissement vers le fascisme populaire ne sera jamais un véritable remède. Et je pense de nouveau à l’amertume de Jean Ferrat face au mal qui rongeait déjà Antraigues il y a quelques années.
J’entends aussi tous ceux qui expliquent qu’il ne faut pas « stigmatiser » les électeurs du Front national qui rejoignent ceux de Nicolas Sarkozy dans la dénonciation de l’ « assistanat » et de l’ « insécurité ». Comme si la fascisation de la société n’était pas un mal profond qui nous menace tous et que l’on pourrait parait-il guérir par des patrouilles de gendarmerie. Que dire ou que faire quand des jeunes expliquent dans le centre ville désert ou au pied des immeubles qu’ils ne font aucune différence entre la droite et la gauche ? Sinon désespérer. Que dire ou que faire quand les clients du seul magasin bio de la commune, se précipitent vers les rayons bio des grandes surface ? Sinon désespérer, sinon commencer à se poser des questions sur l’exercice de la démocratie ?
Les deux candidats restant en compétition se précipitent au devant des récriminations de la part fascisante de la population française. L’un ouvertement parce qu’il s’agit de son fond de commerce depuis des années et qu’il a contribué à fasciser des esprits, l’autre hypocritement parce qu’il y a là quelques voix de secours à glaner. Comme dans une lettre de solidarité et de soutien que François Hollande a adressé quatre jours avant le premier tour à la Fédération nationale des chasseurs.
Pas un seul des candidats rescapés ne s’alarme de l’échec des écologistes à cette élection présidentielle. Certes leur candidate a été la pire depuis 1974 et n’a jamais été capable d’expliquer les périls courus par la planète face aux dégradations et aux pollutions ni les bienfaits d’une transition vers une société plus respectueuse des équilibres naturels, plus soucieuse des ressources naturelles et de la biodiversité. Mais cela n’explique pas tout, il s’en faut de beaucoup. Alors qu’il parait plus urgent de sauver notre environnement, en France et ailleurs, que de cavaler après la part grandissante de la population tentée par le fascisme et un régime fort à la hongroise. De quoi encore avoir des doutes sur l’exercice d’une démocratie qui privilégie le court terme.
François Hollande sera probablement élu et j’y contribuerais faute de mieux. Mais que pourra-t-il faire ensuite face aux aspirations d’un corps social flatté dans ces rejets fascisants et xénophobes tout comme dans son ignorance soigneusement organisée de l’urgence écologique ?
Nicolas Sarkozy aura réussi, au delà d’un échec probable à fasciser un pays.
Désespérant...

mardi 10 avril 2012

Les écolosceptiques aux pouvoirs

Mardi 10 avril



Il est de bon ton d’imputer à Eva Joly et aux errements d’Europe-Ecologie-les Verts, la disparition des préoccupations écologiques du discours des présidentiables et des soucis de l’opinion publique. Certes, le choix de la candidate verte n’a pas été le meilleur car même une excellente magistrate n’apprend pas l’écologie en quelques mois. Mais cela ne suffit pas, il s’en faut de beaucoup, à expliquer ce retour en arrière qui ne présage rien de bon pour la France, pour l’Europe et pour la planète. Il est donc plus que jamais nécessaire d’y voir le résultat des efforts des écolosceptiques pour pousser la poussière écologique sous le tapis : en profitant évidemment des inquiétudes d’une partie grandissant de la population qui se retrouve sous le seuil de pauvreté, se battant quotidiennement pour survivre tout en craignant le chômage et le déclassement.
A ceux-là comme à tous les autres français, les Claude Allègre, les Pascal Bruckner, Christian Gérondeau ou Jean de Kervasdoué (et j’en oublie...) ont expliqué depuis deux ans, sans trouver beaucoup de contradicteurs dans les médias que l’écologie était un luxe et un leurre. Ils ont conjugué à tous les temps et sur tous les tons leurs refrains rassurants répétant que l’agriculture bio n’était qu’une fantaisie de bobos, que les angoisses climatiques se rimaient à rien, que les pollutions ne comportaient guère de danger, que la banquise ne fondait pas tant que cela, que l’alimentation était plus saine qu’autrefois, que les OGM constituaient une chance pour l’Humanité, qu’il n’existait pas d’alternative au nucléaire, que les éoliennes hachaient menu les oiseaux ou faisaient tourner le lait des vaches, que la baisse de la biodiversité était une invention ou que les sols ne se dégradaient pas. Un vrai festival d’imprécations, de mensonges et de négations qui a fini par produire ses effets. Auprès d’une opinion publique toujours prompte à brûler ce qu’elle a adoré et à se rassure de ne pas avoir à changer ses modes de consommation, auprès de la presse soucieuse de faire de beaux titres grâce à ces nouveaux imprécateurs du « tout va bien » ; et évidemment auprès des politiques heureux de trouver de bonnes et nouvelles raisons de ne rien dire, surtout de ne rien faire et de ne pas changer les termes de l’économie et de la consommation.
Les nouveaux imprécateurs ont répété sur tous les tons, comme leurs semblables américains auprès desquels ils puisent leur inspiration sponsorisée par les lobbies industriels, que se préoccuper de l’écologie revenait à s’opposer à la science, au modernisme et à la nécessaire marche du monde vers le progrès. Avec les mêmes arguments que les scientistes de la fin du XIX éme siécle. Une antienne reprise depuis des années par Jacques Attali mettant son aura de premier de la classe au service de ce nouveau « négationnisme » depuis qu’il a réclamé au président de la République la suppression de la constitution du « Principe de Précaution ». Un président qui a relayé cette offensive avec sa célèbre affirmation devant les agriculteurs : « L’environnement, cela suffit » ou en renvoyant aux écologistes partisans d’une sortie progressive du nucléaire le spectre d’une société s’éclairant à la bougie. Les parlementaires de droite, aux prises avec le mouvement associatif qui réclame au contraire de plus en plus de précautions, l’a suivi en détricotant patiemment le peu qui restait du Grenelle de l’Environnement. Sans susciter autre chose que des protestation polies de la gauche.
Tous font semblant de croire que l’écologie s’oppose à la science, alors qu’il s’agit évidemment du contraire. Tous font semblant de ne pas comprendre que les écologistes et les naturalistes se sont battus et se battent encore contre les bateleurs de l’écoloscepticisme pour améliorer notre vie quotidienne et notre santé ; tout en se préoccupant de la beauté et de la (bio)diversité du territoire et de la planète. Les écologistes refusent notre égoïsme de nantis.
Si toutes les préoccupations écologiques avaient disparu de la conscience des Français, comment expliquer qu’en dépit des obstacles, ils soient de plus en plus nombreux à se jeter sur leurs potagers et les jardin partagés tout comme sur les moyens, comme les AMAP, qui leur permettent, riche ou pauvres, de se nourrir autrement ? Comme s’ils réalisaient confusément que l’écologie était une nouvelle forme de la lutte des classes.
Mais dans les coulisses des pouvoirs et les cercles des prophètes de l’économie, les écolosceptiques veillent depuis des années pour railler toutes ces nouvelles aspirations. Il est grave qu’ils aient en partie réussi à pousser les politiques et une part de l’opinion publique à repousser les urgences écologiques à plus tard.

vendredi 27 janvier 2012

L'écologie selon Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012

Vendredi 27 janvier

En 2007, à l’orée de la campagne électorale, le Président de la République avait caressé les écologistes et les protecteurs de la nature dans le sens du poil en signant comme tous les autres candidats le pacte proposé par Nicolas Hulot. Et pensant avoir une fois pour toutes enrôlé le mouvement environnementaliste sous sa bannière, a organisé le désormais célèbre Grenelle de l’environnement. Ce fut pour lui l’occasion de se livrer à des proclamations écologistes qui surprirent ses auditeurs les plus sceptiques. Mais comme les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, il n’est pas inutile de les relire pour les comparer avec tout ce qu’il a déclaré par le suite, quand il a compris, lui et ses conseillers, que sa posture verte n’était qu’une poudre aux yeux ne rapportant pas de voix, comme l’a prouvé le patient détricotage des quelques mesures annoncées par les parlementaire de l’UMP auxquels cette tache avait été dévolue lors de plusieurs petits déjeunes élyséens.
Le 25 octobre 2007, clôturant les travaux du Grenelle de l’environnement avec une ode vibrante à l’écologie et au principe de précaution, le président de la République Nicolas Sarkozy déclarait : « Ma première pensée va à tous ceux qui ont œuvré pour la réussite de ce Grenelle de l’Environnement qui restera comme un moment important dans la prise de conscience par notre société qu’elle ne peut plus vivre dans le gaspillage, qu’elle ne peut plus négliger les conséquences sur l’avenir de la planète de sa façon de vivre, de produire, de consommer ». Il ajoutait devant les représentants de associations émus aux larmes et quasiment disposés à le nommer Vert d’honneur sous l’oeil réjoui de Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat pour l’écologie réputé lui avoir montré son nouveau Chemin de Damas: « Les changements climatiques, nos concitoyens ne doivent pas les réduire à la fonte des neiges sur les pistes de ski. Les changements climatiques, ce sont plusieurs centaines de millions de réfugiés climatiques. Les changements climatiques, c’est une accélération des grandes catastrophes, des sécheresses, des inondations ou des cyclones. Les changements climatiques, ce sont des épidémies nouvelles. Les changements climatiques, ce sont des conflits exacerbés pour accéder à l’eau et à la nourriture». Enveloppé du brouillard vert qui esbaudissait les fidèles croyant écouter une adresse apocryphe de Nicolas Hulot, l’autre Nicolas rajouta une autre louche d’analyses et de promesses imaginées par son service de communication engluant méticuleusement le piège à voix installé lors de son élection quelques mois plus tôt.
« Et je voudrais revenir sur la question du principe de précaution. Proposer sa suppression au motif qu’il bride l’action repose sur une profonde incompréhension. Le principe de précaution n’est pas un principe d’inaction. Au contraire, c’est un principe d’action et d’expertise pour réduire l’incertitude. Le principe de précaution n’est pas un principe d’interdiction. Au contraire, c’est un principe de vigilance et de transparence. Il doit être interprété comme un principe de responsabilité ».
« Nous avons une nouvelle ambition, une ambition pour une agriculture plus durable. Et cela ne peut pas passer par l’épuisement des sols ou l’utilisation croissante des produits chimiques dangereux. Ce message, je le porterai dès le début de la présidence française de l’Union européenne, c'est-à-dire au second semestre 2008, à l’occasion d’un grand débat d’orientation sur les principes fondateurs de la politique agricole commune de 2013. Les débats du Grenelle ont montré que de grands progrès sont possibles pour développer une agriculture et une pêche de haute qualité environnementale ».
Le 6 mars 2010, c’est à dire quelques pressions du lobby agricole et de l’industrie chimique plus tard, en visitant le Salon de l’Agriculture, le Président de la République a expliqué aux ténors de la Fédération Nationale des Syndicats d’exploitants agricoles dirigée par les grands céréaliers « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement, parce que là aussi ça commence à bien faire. Je crois à une agriculture durable. Mais il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture ».
Au début de 2011, à l’occasion de ses voeux, le ministre de l’Agriculture en a remis une couche dénuée de toute équivoque : « Il faudra adapter un certain nombre d'objectifs qui ne sont plus atteignables, une pause en matière de règles environnementales est nécessaire afin de ne pas freiner le redémarrage d'un secteur durement touché ». De quoi faire plaisir au président qui a expliqué au salon de l’agriculture du printemps suivant après la campagne d’affiches de France-Nature-Environnement sur les pollueurs : « Je ne laisserais pas insulter les agriculteurs, cette campagne est particulièrement déplacée, blessante et humiliantes ». Ensuite il a comparé le radicalisme des protecteurs de la nature au radicalisme des islamistes.
Le 7 juillet suivant, au cours d’une visite sur une plage bretonne envahie par les algues il a précisé sa pensée: « Opposer agriculture et environnement, ça n’a pas de sens, parce que les agriculteurs sont les premières victimes du non-respect des règles environnementales. Sur cette affaire d’algues vertes, il serait absurde de désigner des coupables, de montrer du doigt les agriculteurs qui font d’énormes progrès en la matière. Les agriculteurs ne sont pas coupables de choix économiques qui ont été faits il y a longtemps. Il y aura toujours les intégristes qui vont protester et on n’entend qu’eux. Plus c’est excessif, plus on leur donne la parole. »
Le 17 janvier dernier, le Président a remis le couvert au cours de ses « voeux au monde rural » en expliquant notamment aux agriculteurs rassemblés pour la cérémonie : « J’ai conscience que l’aspect tatillon de certains règlements administratifs vous insupportent. La préservation de l’environnement ce n’est pas empêcher quiconque de faire quoi que ce soit. Il faut absolument lever le pied de ce point de vue, notamment dans le domaine de la protection de l’eau ».
Ce jour là, Nicolas Sarkozy a complété son numéro d’anti-écolo qui depuis des mois flatte le lobby des chasseurs en regrettant que le Conseil d’Etat qui a exigé au mois de décembre que la chasse aux oies sauvages ne soit pas prolongée et qu’il ne fallait pas « priver les chasseurs d’un petit bonheur ». De quoi faire plaisir au candidat de Chasse Nature Pêche et Tradition, Frédéric Nihous qui, tout en poursuivant sa chasse aux signatures, a désormais ses entrées à l’Elysée. Au début du mois de janvier, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, a rendu visite à une fédération départementale de chasseurs pour expliquer à quel point son gouvernement se préoccupe de préserver cette espèce en voie de disparition. Normal, faut bien protéger un maximum de voix pour 2012. Ce qui l’est moins c’est que la ministre ait choisi de passer l’après midi avec la Fédération de l’Oise : laquelle est présidée par Guy Harlé d’Ophove ancien membre et élu du Front National au Conseil régional de Picardie. Un personnage qui se vante notamment dans son invitation d’ « éveiller les scolaires à la nature et de développer des actions de communication ». Ce dernier point n’est pas surprenant puisque ce personnage est responsable d’une boite de com, Marketing Publicité 2000, dont l’une des activités consiste à contribuer à améliorer l’image de la Fédération Nationale des chasseurs, lui-même étant le conseiller personnel de son président.
Nul n’a entendu, à chaque fois, la gauche s’élever contre les propos et les attitudes de la majorité, même lorsque le Président a évoqué « un cataclysme » à propos de la sortie du nucléaire retrouvant les outrances des années 70 et prophétisé le célèbre « retour à la bougie » et ajouté : « Il n'est pas le temps de revenir à l'époque du Moyen Age, des peurs moyenâgeuses où l'on se méfiait du progrès, où l'innovation et la recherche étaient comme frappées comme d'un procès en sorcellerie ».
Malheureusement, Eva Joly, la candidate en perte de vitesse annoncée dans les sondages, au risque de décrédibiliser les Verts pour la prochaine législature, n’a jamais trouvé ni les arguments ni la vigueur nécessaire pour fustiger tous les dénis de l’environnement accumulés par celui qui n’est pas encore candidat et qui devrait récidiver lors de la prochaine visite au Salon de l’agriculture.