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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mardi 20 décembre 2011

Quand les fruits et légumes cessent d'être produits en France ni Sarkozy ni Bayrou n'en parlent

MARDI 20 décembre

François Bayrou, Lou Ravi du Béarn, clame qu’il faut « acheter français » tandis que l’agité de l’Elysée lui réplique qu’il faut « produire français ». Les deux bons apôtres, comiques de la prochaine élection présidentielle, devraient nous expliquer pourquoi les grandes surfaces vendent des fruits ou des légumes en provenance de l’étranger alors qu’il ne serait pas compliqué de les faire pousser sur le territoire français si le pouvoir et la droite ne songeaient pas qu’à favoriser les grands céréaliers. Ce qui entraîne une réduction de plus en plus dramatique du nombre des agriculteurs français qui n’exercent plus leurs talents que dans 320 000 exploitations qui n’emploient plus que 3,5 % de la population active du pays, soit environ 1,8 millions de salariés. Une situation qui s’aggrave depuis une dizaine d’années. Chiffres officiels du ministère de l’agriculture, comme ceux qui suivent.
Au cours des dix dernières années, les surfaces françaises plantées en pêches et nectarines, ont diminué de 13, 7 %, ce qui explique probablement que la production française ne représente, au mieux, que 15 % de la production européenne et que la France ait importé en 2011, 116 000 tonnes de ces fruits. Pour les pommes, qui ne sont pas non plus un fruit tropical, pourquoi la France en a-t-elle importé en 2010, dernière année de référence, 117 000 tonnes des autres pays européens et 166 000 tonnes du reste du monde ? Peut-être parce que le verger français de pommiers a diminué de 8% au cours des 5 dernières années. La surface plantée en poiriers a chuté de 18% : donc la France importe des poires dont elle ne produit que 190 000 tonnes. Tout comme elle importe 12 000 tonnes de cerises ou ne produit que 15 % de sa consommation annuelle de raisins de tables.
A tout cela s’ajoute des kiwis de Nouvelle Zélande alors qu’ils poussent très bien dans le sud de la France et sur la côte atlantique, les oignons de Nouvelle Zélande, les 100 000 tonnes de fraises venant des 26 autres pays de l’Union européenne et les 92 000 autres tonnes arrivant d’encore plus loin, y compris d’Egypte, du Maroc et même de Californie. Sans oublier les pommes de terre chinoises, l’ail mexicain, les centaines de milliers de tonnes de tomates, de concombres, de courgettes, de poivrons poussés ailleurs alors que ces produits pourraient être cultivés en en France, si la FNSEA et le gouvernement ne favorisaient pas cette version souvent ignorée de la délocalisation, si de grandes sociétés ne gagnaient pas plus d’argent en important qu’en encourageant les productions françaises.
Et il faudrait aussi se demander quelles sont les motivations qui poussent à faire venir de l’agneau congelé de Nouvelle Zélande, du porc d’Irlande, du veau d’Italie et 40 000 tonnes par an (grâce à un accord) de viande de boeuf des Etats Unis.
Il parait que la France est un grand pays agricole....
Combien de milliers de tonnes de gaz à effet de serre gaspillée ?
Combien d’emplois détruits ?
Pensons-y en faisant les courses de Noël et les autres...

mardi 13 décembre 2011

Durban, le climat en surchauffe, la planète abandonnée, les politiques soulagés et la CIA inquiète

Mardi 13 décembre

Depuis la semaine dernière, le refroidissement de la planète est officiellement reporté à 2015 ou 2020. Dates auxquelles, peut-être, on recommencera à négocier pour fixer une nouvelle date et une nouvelle réunion. Si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait parler, de conférence en conférence, d’un comique de répétition qui s’accélère. En attendant, l’année prochaine, le grand cirque du réchauffement se retrouvera au Qatar. Ce pays du golfe, généralement seulement connu pour son gaz, son pétrole et sa chaîne d’information en continu, Al Jazeera, compte 1 700 000 habitants répartis sur 11 500 kilomètres carrés. On sait moins qu’il n’y existe aucun parti politique. Particularité qui a sans doute poussé les Nations Unies, toujours à la recherche de paradoxes humoristiques, à y tenir sa prochaine conférence : le taux d’émission de gaz carbonique par habitant y est le plus élevé du monde. Enfoncé Cancun avec ses 150 hôtels dopés toute l’année à la climatisation. Il faut vraiment avoir l’esprit très mal tourné et cultiver une arabophobie très primaire pour penser que les Nations Unies ont fait le choix de l’argent rédempteur, celui avec lequel on gomme ses péchés. Comme la Fédération internationale de football qui y organisera la coupe du monde en 2022. L’un des avantages du Qatar, aux yeux des organisateurs fatigués de la contradiction portée par la société civile, c’est évidemment que les hôtels sont si chers et la police si efficace que les ONG ne seront pas nombreuses à faire le voyage. Elles se grandiraient, d’ailleurs, en décidant de boycotter ces réunions de professionnels de la farce climatique.
Ce choix, à la fois dérisoire et ridicule, illustre parfaitement la dérive de la soi-disant lutte contre le réchauffement climatique. Les scientifiques du GIEC, le Groupe International pour l’Etude du Climat peuvent bien accumuler les scénarios catastrophiques, le HCR signaler l’augmentation du nombre de réfugiés climatiques, les scientifiques américains accumuler les observations sur la disparition de la banquise estivale de l’arctique, les naturalistes envisager la disparition de centaines d’espèces animales moins connues que l’ours blanc en perdition, la sécheresse gagner aussi bien le Sahel que le Sud de l’Espagne ou le Texas américain, la majorité des pays estiment qu’il est de plus en plus urgent d’attendre. Et les autres (L’Europe par exemple) profitent de la moindre occasion offerte pour se lancer dans la surenchère hypocrite. Dernière illustration : le Canada, soucieux de complaire à son voisin américain et de continuer à exploiter les sables bitumineux de l’Alberta, vient d’annoncer qu’il retirait sa signature du Protocole de Kyoto. Immédiatement dénoncé par le Chine, le deuxième producteur mondial de gaz à effet de serre... qui n’a pas signé ce protocole. La soi-disant mobilisation contre le réchauffement climatique ressemble de plus en plus à un bal de faux-culs dont les « ir-responsables » se réjouissent ouvertement que les opinions publiques se tournent vers de nouvelles inquiétudes. Pas seulement aux Etats Unis où le principal candidat à l’investiture des Républicains, celui qui a expliqué que les Palestiniens n’existaient pas, a longuement raconté il y a quelques jours à ses auditeurs pâmés que le réchauffement climatique était une invention des communistes et des Nations Unies. En France, les Claude Allègre et autres anti-réchauffistes, complaisamment relayés par une partie de la presse et des scientifiques de pacotille, ont réussi à semer le doute dans l’opinion publique. Tout en offrant une merveilleuse occasion aux industriels et aux politiques d’oublier les menaces pesant sur l’évolution du climat. Sarkozy, Fillon, Hollande, Bayrou, Villepin, Morin, Mélenchon et les mini-candidats de l’extrême gauche, ont au moins un point commun : les modifications climatiques ne font pas partie de leurs préoccupations et de leurs discours.
Les uns et les autres, les anti-réchauffistes comme ceux qui pensent qu’il existe des questions plus importantes, devraient se demander pourquoi la CIA, après s’être peu intéressée à ces problèmes de climat a entrepris depuis quelques années de classifier le plupart des informations que ses agents recueillent sur les progrès des sécheresses, les conséquences des tempêtes, les mouvements de populations et (très importants pour les USA) la sécurisation des approvisionnements énergétiques pouvant être remis en cause par des événements climatiques. Ces secrets accumulés sont d’une telle ampleur et d’une telle importance qu’un très récent rapport du « Defence Science Board », une agence officielle américain, a demandé avec insistance que ces informations classées « secret défense » soient rapidement, au moins en partie, rendues publiques et partagés, en totalité, avec les parlementaires américains.
En attendant les Congrès s’amusent, les gouvernements temporisent et les négociateurs professionnels qui volent de conférences en conférences, prient pour garder leur boulot le plus longtemps possible. En quittant Durban, ils n’avaient aucune inquiétude sur la survie de leurs fonctions....

Durban, le clia

lundi 28 novembre 2011

Les mensonges nucléaires de Nicolas Sarkozy constituent une véritable forfaiture

Lundi 28 novembre

Une nouvelle fois, mais avec encore plus d’impudence, celle que confère l’habitude sur d’autres sujets, le président de la République a dit n’importe quoi sur le nucléaire et distribué des éléments de langage hallucinants aux copains et coquins de l’UMP qui les recrachent dans les médias et dans leurs circonscriptions en exagérant à l’envi. Je ne vais pas ici gâcher des mots pour réfuter une à une les âneries proférées depuis quelques jours à propos du modeste accord entre les Verts et le Parti socialiste promettant à l’arrêt, dans des délais mal précisés, 24 réacteurs (et non pas centrales) nucléaires du parc français lancé en en 1974 par le parti politique qui a progressivement enfanté l’UMP. Nous avons à nouveau entendu rabâcher les vieilles lunes sur l’indépendance énergétique de la France, sur le tragique destin des Français contraints de s’éclairer à la bougie, sur le refus supposé du progrès et de la technologie, sur une population promise au froid hivernal et sur des centaines de milliers d’emplois supprimés auxquels ne penseraient jamais les écologistes. Sauf qu’en ce lundi de novembre, le ministre du travail (qui devrait être rebaptisé ministre du chômage) a annoncé des résultats catastrophiques et que notre supposé perle industrielle, Areva, vient d’annoncer des milliers de suppressions d’emplois. Ce qui tendrait à prouver, perspective prometteuse, que la filière nucléaire a du plomb dans l’aile. En France et ailleurs
Cette fois Nicolas Sarkozy a lancé le bouchon tellement loin que même les éditorialistes plutôt modérés de province signalent avec une certaine commisération que le Président en fait vraiment beaucoup, sinon trop, dans l’outrance et les mensonges. Même Anne Lauvergeon, surnommée Atomic-Anne, a publiquement expliqué à Lyon que, peut-être, le chef de l’Etat et ses perroquets de l’UMP et de l’inévitable CGT pro nucléaire appelée à la rescousse, exagéraient pas mal.
Mais il ne faudrait pas croire que les malentendus (soyons indulgents...) entre les Verts et le PS soient vraiment la cause de ces avalanches de mensonges et de mauvaise foi.
L’offensive du président de la République a été préparée depuis la fin de l’été, le soin de lancer les première polémiques mensongères ayant échu à Henri Progrès, le Directeur général d’EDF miraculeusement invité à s’exprimer dans Le Parisien au lendemain d’un colloque, le 7 novembre, porteur de ses « mauvaises nouvelles » pour promettre la faillite à la France en cas de renoncement, même partiel, à la filière nucléaire. Nous nous trouvons donc en présence d’une superbe opération de communication montée par l’Elysée et les services du Premier ministre avec l’aide d’une agence spécialisée qui travaillait habituellement pour Areva. Muni d’un viatique de com' », ministres, députés et fonctionnaires serviles n’avaient plus qu’à servir la mauvaise soupe mitonnée en très haut lieu avec la participation de Patrick Buisson, l’un des porte-coton présidentiels. Le « meilleur », celui qui a fait ses classes comme directeur de Minute puis journaliste à Valeurs Actuelles.
Voici, à titre d’illustration, ce que déclarait il y a quelques jours, Franck Supplice, directeur de cabinet du ministre de l’Industrie Eric Besson dans une petite ville de province à propos de la réduction du nombre des centrales: « Que l’on massacre ce dernier avantage compétitif, c’est hallucinant, c’est un crime contre l’économie française, un crime contre la compétitivité du pays, contre des dizaines, de centaines de milliers d’emplois (...) Si la France abandonne son dernier (quel aveu !) son dernier avantage compétitif qu’est l’énergie, vu du reste de la planète, c’est que la France, 0,5 de la population mondiale, renonce volontairement à se développer ». Succès garanti auprès d’un parterre de petits patrons enthousiastes qui, comme le fonctionnaire sarkozien dans son discours, ne savait même pas faire la différence entre « centrale » et « réacteurs... La presse explique depuis quelques jours que « le nucléaire s’est invité dans la campagne » alors que c’est l’Elysée qui tente d’introduire une nouvelle peur dans la tête des Français
Reste à savoir si les ficelles de cette honteuse démagogie ne vont pas finir par se voir.

samedi 15 octobre 2011

Fukushima: au bout de sept mois, rien n'est réglé

Samedi 15 OCTOBRE

Le vieil adage « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » ne s’applique évidemment pas à l’accident de Kukushima et à toutes ses suites. La rareté des informations disponibles, dans la presse française plus que dans la presse allemande, espagnole et anglaise, ne signifie pas que les Japonais soient tirés d’affaire, que la situation soit revenue à la normale. Mais dans un pays où les candidats socialistes au pouvoir ne savent pas si et quand la France doit sortir du nucléaire, dans un pays où le parti majoritaire s’agrippe à son choix énergétique, les médias partent souvent du principe, à l’exception du Monde, de Libération et du Courrier International, que les Français ne s’intéressent plus à la catastrophe japonaise à partir du moment où ils ne risquent pas d’en subir les retombées.
Pourtant, le suivi effectué par plusieurs journaux japonais, en dépit des réticences persistantes de la Tepco, (l’opérateur industriel) à donner des informations fiables, montre que l’accident n’est maîtrisé dans aucun des trois réacteurs entrés en fusion. Malgré la poursuite des injections d’eau de refroidissement, la température y varie de 300 à 500 °. Ce qui signifie que les techniciens ne peuvent pas approcher des réacteurs. En fait, depuis des mois, il ne se passe plus rien, les ingénieurs ne savent pas quoi faire, en dehors de l’arrosage, et nul ne sait si les réactions en cours ne vont pas durer des mois ou des années. Les réacteurs ont échappé aux hommes et une ou plusieurs explosions liés à la présence d’hydrogène peut survenir à n’importe quel moment.
Pour qu’une intervention soit possible, il faudrait que les trois cuves en fusion repassent sous la limite des 100°. En attendant, personne ne semble en mesure de dire si le magma (corium) de combustibles nucléaires et de métaux est resté dans les cuves où s’il s’est répandu sur le plancher de béton qu’il a peut-être percé. Ce qui impliquerait une dissémination de la radioactivité dans le sol et vers les nappes phréatiques. La situation des piscines de refroidissement du combustible usagé n’est guère meilleure bien que la température paraisse s’y stabiliser autour de 50° contre 80 ° auparavant. Mais comme les édifices qui abritent ces piscines sont en ruines et fortement contaminés, les barres de combustibles ne pourront pas être évacuées avant plusieurs années. A la merci d’un tremblement de terre qui jetterait à terre les bâtiments déjà ébranlés
En ce qui concerne les réacteurs, s’ils se stabilisent un jour à une température raisonnable, aucune technique n’est actuellement disponible pour les démanteler sans entraîner des dégagements supplémentaires de radioactivité dans l’atmosphère. Les spécialistes japonais et français les plus « optimistes » pensent qu’il faudra au moins une vingtaine d’années pour que soit envisagé un début de démantèlement. Opération qui ne pourrait être effectuée qu’après la construction et la mise en place d’un sarcophage de protection dont plus personne ne parle puisqu’il n’est plus question que d’une mince structure et plastique et en métal en cours de construction au dessus du bâtiment du réacteur N° 1. Il est vrai que le retard pris par la préparation (même pas la construction) de celui que Vinci et Bouygues ont promis de construire à Tchernobyl n’incite pas les ingénieurs à l’optimisme.
Pour mesurer l’étendue des dégâts et l’ampleur de la catastrophe, il faut savoir que la majeure partie des bâtiments et de la zone qui les entoure restent tellement contaminées qu’il est impossible d’y travailler, même avec des équipements aussi lourds que spéciaux. L’ensemble des installations émet donc en permanence, comme ce fut et est encore le cas à Tchernobyl, une radioactivité de 30 à 90 microsieverts par heure qui se répand dans les campagnes au gré de la météo. La plupart des cultures, qu’il s’agisse du riz, des légumes ou du fourrage destiné au bétail, sont donc de plus en plus contaminés jusqu’à une centaine de kilomètres de la centrale. Ce qui prive de revenus les agriculteurs et les éleveurs.
Au delà de la catastrophe économique qui affecte la zone plus ou moins contaminée qui s’étend régulièrement, reste la situation des réfugiés. Ceux qui ont fui le désastre du tsunami et ceux qui, bien que de plus en plus mal informés, s’efforcent d’échapper à la contamination. Faute de solution de relogement, beaucoup d’habitants sont restés sur place, y compris en désobéissant aux ordres d’ailleurs donnés assez mollement pas les autorités dépassés et évitant de distribuer des compteurs et des dosimètres de radioactivité. Beaucoup de ruraux sont restés sur place, beaucoup de paysans qui continuent à cultiver des légumes qu’ils sont les seuls à manger et à soigner des animaux dont ils ne peuvent plus vendre ni le lait ni la viande. Des dizaines de milliers de Japonais, y compris des enfants dont les écoles fonctionnent toujours, continuent de vivre dans les campagnes, les villages et les petits villes contaminés. Le gouvernement japonais et d’ailleurs incapable de fournir leur nombre ou le chiffre des personnes évacuées. Il est plus porté, avec l’aide de la Tepco et des syndicats agricoles, à organiser des opérations de communication tendant à prouver que la situation n’est pas si grave, à la centrale comme dans les provinces touchées, que le prétendent les anti-nucléaires japonais.
Avec une information pour l’instant encore inexpliquée : pourquoi, hors de la centrale Fukushima, 37 des 57 réacteurs japonais sont-ils toujours à l’arrêt ?

vendredi 14 octobre 2011

Climat:, la messe est dite, je n'irais pas à Durban en décembre prochain

Vendredi 14 octobre

A Kyoto, en 1997, bien que de nombreux journalistes et observateurs pouvaient déjà pressentir que la signature des Etats Unis et de ses vassaux ne seraient pas suivie d’une ratification, l’espoir de juguler des modifications climatiques encore contestées par beaucoup de politiques prenaient corps. Le Protocole de Kyoto, bien qu’entrée en vigueur seulement en 2005, avait pourtant figure de promesse, plus de 20 ans après la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm de 1972 ayant pour la première fois évoqué un dérèglement du climat lié aux activités humaines et cinq ans après le sommet de Rio qui avait relancé l’exigence de précaution alors que le GIEC travaillait aux mesures et aux preuves depuis 1988.
Après, il y eut, dans le désordre tellement les souvenirs se télescopent dans une médiocrité aussi grandissante que les l’outrecuidance des annonces gouvernementales diverses, Bali, les couloirs fiévreusement arpentés par Dominique Voynet à La Haye pour arracher quelques bribes de certitudes vite démenties, Genève, Copenhague où la mobilisation citoyenne fut inversement proportionnelle à la médiocrité des résultats liés aux attaques ignominieuses contre le GIEC lâchement endossées par les chefs d’Etat accourus pour faire de la communication et non pas pour sauver la planète. Un échec qui, nous promettaient les Obama, les Sarkozy et les autres, n’était que provisoire et serait compensé l’année suivante. A Cancun au Mexique. A l’écart d’un énorme village vacances pour gros américains dévoreurs d’énergies, symbole de tous les gaspillages énergétiques, la conférence mexicaine ayant soigneusement exilé les contestataires à 30 kilomètres, s’enlisa en faux semblants et mensonges, guidée par des négociateurs déboussolés et réfugiés dans un immense hôtel de luxe transformé en forteresse, symbole éclatant d’une planète courant à sa perte.
A peine la rencontre planétaire avortée, les voix des puissants impuissants et secrètement heureux de l’être, clamèrent qu’à Durban l’année suivante on allait voir ce qu’on allait voir pour ce qui serait la 17 éme conférence mondiale sur le climat.
A Panama où les négociateurs se sont réunis du premier au 7 octobre, la négociation climatique a sombré dans le coma politique alors que les prescriptions non respectées du Protocole de Kyoto expirent à la fin de l’année. La négociation climatique est sous perfusion et les plénipotentiaires s’exercent sans espoir à l’acharnement thérapeutique. Plus personne ne croit possible de bousculer l’égoïsme des uns et le cynisme des autres. A la grande joie des climatosceptiques de tous les pays, l’échec est annoncé en dépit des paroles pseudo-rassurantes des uns et de tous les autres. Le réchauffement climatique est désormais accepté, avec toutes ses conséquences sur les populations, la faune et la flore, comme une fatalité que nul ne peut remettre en cause. Même pas tous les peuples qui en sont et en seront victimes comme, par exemple, les Somaliens chassés de leurs terres par une terrible sécheresse.
Les plus grands pollueurs en gaz de serre jouent désormais à qui perd gagne, chacun espérant, pour satisfaire son opinion publique, que la conférence du mois de décembre permettra de désigner quelques coupables : les autres bien sur.
Alors, familier des couloirs de conférences depuis 1972, je n’irais pas à Durban. Parce que, cette fois, je ne crois plus à un sursaut, non pas de sagesse, mais au minimum d’instinct de survie.
C’est fini. Il nous faut nous débrouiller avec l’inéluctable désordre climatique annoncé en remerciant les scientifiques du GIEC qui auront tout fait pour nous alerter. Non pas avec des mots et des promesses mais avec des chiffres et des mesures. Comme celles qui annoncent la fin de la banquise arctique estivale pour 2016...

vendredi 19 août 2011

Chiffres et réflexion sur les causes de la soi-disant "crise" des fruits et légumes

VENDREDI 18 AOUT

Quelques faits et chiffres pour aider à la compréhension de la « crise » dont se plaignent les producteurs de fruits et légumes. Lesquels n’ont pas honte de les détruire alors que la Corne de l’Afrique vit une famine terrible.
La France continue à vivre dans l’illusion qu’elle est un grand pays agricole, alors qu’elle est surtout livrée à l’agrobusiness. Il est facile de constater que le pays s’éloigne rapidement de l’autosuffisance, les « marchés » et la grande distribution s’alliant pour faire semblant de baisser les coûts et pour faire disparaître les producteurs français.
S’agissant de la pêche, des nectarines et des brugnons, la production française a été de 348 000 tonnes en 2010 et les estimations du ministère de l’agriculture sont de 319 000 tonnes pour 2011. Bien loin du chiffre de la consommation.
Les importations en provenance de l’Union européenne ont été, en 2010, de 221 076 tonnes dont 105 000 d’Espagne en. Tonnage auquel il faut ajouter 115 754 tonnes, toujours selon les statistiques douanières, en provenance « du reste du monde », c’est à dire de très loin, y compris de Chine ou d’Egypte par exemple. Transport qui gaspille, comme les fruits en provenance du sud de l’Espagne (par camion) d’énormes quantités de gaz à effet de serre.
Au cours des cinq dernières années, la surface française plantée en pêchers, nectarines et brugnons a diminué de 11 %, ce qui est d’autant plus énorme que la réduction se poursuit. Ce qui n’empêche pas des producteurs français, notamment de grosses « coopératives », d’investir dans des plantations à l’étranger. Ce qui fait la fortune de la plate-forme Saint-Charles (privée) de fruits et légumes espagnoles et marocains qui se trouve à Perpignan.
Il est donc clair que la production française est déclinante et ne peut suffire à la demande qu’il s’agisse de fruits frais ou de fruits à mettre en conserve. Pourtant la consommation de fruits (toute catégories confondues) a baissé de 6% depuis 1999, ce qui, compte tenu de l’accroissement de la population, équivaut à un recul de 12 %.
Début d’explication : qu’il s’agisse des pêches espagnoles ou françaises (et de nombreux légumes), ces fruits cueillis la plupart du temps avant leur maturité, sont souvent immangeables et durs. Ce qui permet de les transporter sur des distances de plus en plus grandes. Les obtenteurs de nouvelles variétés travaillent sur leur résistance au transport, sur leur faculté à « mûrir » après cueillette, sur leur calibrage, sur le parfum dégagé sur les étals mais rarement sur le goût qui est considéré (comme pour les fraises, comme pour les pommes...) comme secondaire. Une tendance de plus en plus forte qui contribue à détourner les consommateurs qui se reportent en partie du des fruits en boite (il suffit d’observer les paniers des clients pour le constater) avec lesquels les « fabricants » vendent de l’eau sucrée qui contribue au progrès de l’obésité.
Pour se convaincre de la perversité du système il suffit de goûter les pommes actuellement en vente dans certaines grandes surfaces et de constater qu’elles viennent du Chili ou de Nouvelle Zélande. Comme les poires. Ou comme les haricots verts du Kenya et du Sénégal alors que ce légume est en pleine production en France !
La « crise » de la tomate constatée au cours du mois de juillet relève de la même aberration du système de production et de distribution puisqu’en 2010, les importations des pays en provenance de l’Union européenne a été de 219 000 tonnes, celles de l’Espagne à 130 000 tonnes, celles du Maroc à 262 000 tonnes et celles du « reste du monde » (y compris la Chine) à 497 000 tonnes ; a comparer avec la France qui n’aura produit que 5% (oui, vous avez bien lu CINQ) de ce qui est consommé en France, qu’il s’agisse du frais ou de la conserve ! Une production sous serres chauffées de 470 000 tonnes et sous serres froides de 82 000 tonnes. On ajoutera que les importations sont désormais aussi importantes en « hors saison » (la plaie de la consommation irresponsable !) que pendant la fin du printemps et l’été.
Ayant réussi à désorienter le consommateur, les agriculteurs (français et autres) et la grande distribution ont réussi à détourner une partie des consommateurs d’un légume-fruit devenu insipide. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que le tonnage de tomates auto-produites par ceux qui ont la chance d’avoir au moins quelques mètres carrés de terre, qui était déjà de 100 000 tonnes, approche désormais les 120 000 tonnes !
Toutes ces absurdités dont les producteurs (surtout les plus petits) et les consommateurs sont victimes sont essentiellement dues aux efforts de communication de la grande distribution qui a réussi à convaincre une partie de la population que l’on pouvait et devait consommer n’importe quoi à n’importe quelle période de l’année.
Pour retrouver la confiance des acheteurs il faudra aussi que les agriculteurs poussés à infliger plusieurs dizaines de traitements par an, sous l’influence des marchands de produits chimiques, changent de méthode. En France et ailleurs.

dimanche 7 août 2011

Fukushima, début août:, la catastrophe s'aggrave de jour en jour

Dimanche 7 août

Chronique d'une catastrophe en cours...

Comme annoncé, la situation à Fukushima et dans la région ne s’arrange pas et, à en juger par les derniers développements du délabrement des réacteurs accidentés, cet accident pourrait dépasser en gravité, dans le temps et dans l’espace, celui de Tchernobyl. Car non seulement les trois réacteurs restent pratiquement hors d’atteinte pour les ouvriers et les ingénieurs, mais trois des quatre piscines endommagées ne sont toujours pratiquement pas refroidies. Seule celle liée au réacteur numéro quatre est équipée depuis la fin du mois de juillet d’un système de refroidissement de secours qui « ne donne pas entièrement satisfaction ». Traduit en langage de profane cela signifie que cette piscine relâche toujours de la radioactivité dans l’air. Ce qui est évidemment le cas des carcasses des bâtiments et de réacteurs un, deux et trois. Donc, n’en déplaise aux « docteurs tant mieux » qui s’agitent aussi bien au Japon qu’en France chez Areva, la situation des rejets et des risques à venir reste exactement la même que le 13 mars dernier, quand la fusion a commencé. Un accident dont il faut quand même rappeler, car les partisans du nucléaire sont en train d’essayer de le faire oublier à l’opinion publique internationale, qu’il n’a pas été provoqué par le tsunami mais par l’arrêt automatique des réacteurs provoqué par le tremblement de terre. Il se trouve, les experts le savent mais ne le crient jamais sur les toits, que les conséquences de l’arrêt brutal d’un réacteur nucléaire, qu’elles qu’en soient les causes, sont toujours imprévisibles : cela peut fort bien se passer normalement ou au contraire déstabiliser définitivement un réacteur sans que les spécialistes sachent vraiment pourquoi.
Pour prendre la mesure de la radioactivité toujours relâchée dans l’atmosphère, il suffit de savoir que dans le réacteur numéro deux, par exemple, les instruments de contrôle que les techniciens ont réussi à glisser le 2 août prés du réacteur numéro deux n’ont pas pu fonctionner car la radioactivité était trop forte. Elle dépassait –d’un montant ignoré- la limite de 10 sieverts/heure (10 000 millisieverts). La veille, dans le réacteur numéro un, les ingénieurs qui voulaient commencer à étudier la mise en place d’un système de refroidissement de secours, ont du renoncer à s’approcher par ce que les instruments enregistraient une radioactivité de 5 sieverts/heure. Impossible donc, toujours, de travailler dans les bâtiments et aux abords des réacteurs : la norme pour un salarié du nucléaire, limite au delà de laquelle il court des risques est de 20 millisieverts/an. Ce qui situe largement, si l’on tient compte de la durée de l’exposition de référence, la radioactivité menaçant les ingénieurs japonais à un niveau au moins 10 000 fois supérieur à ce qui est acceptable sans être irrémédiablement et gravement contaminé.
Cette permanence de la radioactivité interdit donc, tout en polluant davantage chaque jour la région, toute intervention sur les trois réacteurs accidentés. Les techniciens ne peuvent strictement rien à faire, les premiers robots expérimentés pour les suppléer ont été paralysés par la force des radiations.
La « promesse » de la Tepco, l’opérateur privé en cause, et du gouvernement japonais de « maîtriser » la situation pour le début de l’année 2012 est donc en train de voler en éclats. En fait les réactions nucléaires se poursuivent et les techniciens de disposent d’aucun moyen pour les arrêter ou les diminuer. Ils n’ont strictement pas progressé depuis le lendemain de l’explosion des réacteurs et même la décontamination des centaines de milliers de tonnes d’eau contaminée est au point mort. Dans les conditions actuelles, la preuve est faite qu’un réacteur peut échapper durablement à toute tentative de contrôles et que les spécialistes ne peuvent que constater l’aggravation d’une situation de crise. Quant à l’autre « promesse », celle de construire rapidement un grand sarcophage par réacteur ou une énorme enceinte de confinement, elle est pour des mois, sinon des années irréalisables. Ce qui condamne une partie du Japon à subir une augmentation des contaminations, y compris par du plutonium.
D’où la nécessité de continuer à expliquer ce qui se passe à Fukushima pour que personne n’oublie l’ampleur de la catastrophe.

mardi 19 juillet 2011

Fukushima quatre mois aprés: la décontamination impossible

Mardi 19 juillet


Chaque jour les journaux japonais découvrent un nouveau problème insoluble lié à la catastrophe de Fukushima et aux rejets radioactifs des trois réacteurs toujours en fusion lente et de la piscine de stockage des barres d’uranium qui continuent à polluer le pays. La question qui agite actuellement le pays est simple : comment décontaminer des milliers de kilomètres carrés. La réponse est aussi simple : c’est impossible. Autre aspect des difficultés : il faudra encore au moins un an pour que les 100 ou 150 000 tonnes d’eau radioactives qui n’ont pas réussi à refroidir les réacteurs en fusion soient totalement neutralisées. Ce qui leur laisse largement le temps de s’infiltrer dans le sol et de s’écouler vers la mer où nul ne sait comment se propage ou bien s’accumule la radioactivité. Restera, autre problème, à trouver ce qu’il est possible de faire avec les boues hautement radioactives qui ont déjà été extraites des 10 % d’eaux traitées.
Sur des surfaces de plus en plus importantes, les eaux des rivières, des étangs, des lacs, les terres, les arbres sont plus ou moins contaminés, au hasard des vents, de la neige de la fin de l’hiver et évidemment de la pluie. Il va pleuvoir une partie de cette semaine et un vent d’environ 20 kilomètres heure va encore transporter une partie de la radioactivité non fixée vers d’autres villes et vers la capitale puisqu’il souffle du Nord-Est depuis plusieurs jours. A Tokyo, il est officiellement recommandé de ne pas donner l’eau du robinet aux jeunes enfants. Car les pollutions radioactives gagnent progressivement les nappes phréatiques qu’il est évidemment impossible de dépolluer.
En surface la pollution inégalement répartie mais dont il n’existe pour l’instant aucune carte, est riche en iode, en strontium, en plutonium et césium. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les maladies à venir. Cette pollution touche également tous les animaux, y compris les oiseaux qui partent au loin. Elle concerne aussi les constructions, qu’il s’agisse d’habitations, d’écoles, de bâtiments industriels ou de fermes ; et de tout ce qu’elles contiennent Beaucoup de bétail a été abattu mais il a fallu arrêter l’incinération qui relâchait de la radioactivité dans l’air. Pour éliminer la contamination du sol, il faudrait au moins ôter une dizaine de centimètres d’épaisseur, éliminer la végétation et couper tous les arbres. Pour les bâtiments, quels qu’ils soient, ils doivent être détruits par des équipes soigneusement équipés et dotés de machines qui deviendront, comme à Tchernobyl, autant de (nouveaux) déchets nucléaires. Mais comme, éventuellement, pour les millions de tonnes de terre décapés, autre question à laquelle nul ne trouve la moindre réponse : où mettre ces monceaux de débris radioactifs ?
A Tchernobyl, la solution fut plus simplement résolue : l’Ukraine étant vaste et sa population relativement plus modeste, la zone contaminée a été sacrifiée. Tous les habitants ont été évacués et les déchets sécurisés (plus ou moins) sur place. Quand aux villages et à la grande ville de Pripiat abandonnés, leurs constructions restent sur place ; comme la centrale et ses quatre réacteurs. Pas question de démolir ce que le temps mettra à bas avant que les radioéléments cessent d’être dangereux, transformant une cité moderne de 50 000 habitants en une nouvelle Pompéi. Mais au Japon dont les 126 millions d’habitants s’entassent déjà sur 372 000 kilomètres carrés, l’espace est rare. Donc, impossible de laisser la zone contaminée se désertifier et impossible de trouver de grandes surface pour isoler des montagnes de terres et de déchets.
Le gouvernement parait s’orienter, malgré les protestations des militants anti-nucléaires de plus en plus nombreux, vers une décontamination superficielle qui lui permettrait de laisser revenir des habitants à leurs risques et péril mais sans autoriser l’élevage et l’agriculture...

mercredi 15 juin 2011

Nucléaire: URSS, USA, France, Japon, Chine...une longue histoire de secrets et de mensonges

Mercredi 15 JUIN


Après le refus massif du nucléaire exprimé par les Italiens, les responsables d’Areva se sont répandus dans les radios et les gazettes pour expliquer que cette décision populaire ne représentait pas un gros problème pour leur entreprise puisqu’ils n’avaient pas vraiment de projets avec l’Italie et qu’aucun contrat n’avait été signé. Il y a quelques mois, Areva se vantait pourtant partout de son projet de vendre quatre réacteurs EPR à l’Italie de Silvio Berlusconi et en avril 2010, le premier ministre italien et le président français avait organisé un accord sur le nucléaire entre EDF et son homologue italien Enel. Ce qui est surprenant dans cette histoire, n’était évidemment pas la frénésie de vente de l’industrie nucléaire français, mais le besoin compulsif de mensonge de ses responsables quand le scénario et la réalité leur échappent. Tout comme lorsqu’ils expliquent que l’Allemagne ayant décidé de confirmer la fin programmée de ses centrales « devra acheter de l’électricité nucléaire à la France comme elle le fait depuis longtemps ». Encore un gros mensonge que démentent les statistiques d’échanges énergétiques entre les deux pays : l’hiver dernier, c’est la France qui importait l’électricité allemande. Les menteries concernent tous les secteurs de l’activité d’Areva puisqu’elle a dissimulé, en France et en Finlande, le coût de ses réacteurs et leurs délais de construction.
L’examen de l’histoire de l’uranium, en France et dans le reste du monde, fait apparaître que le mensonge, la dissimulation et le secret sont consubstantiels au nucléaire. Comme une tare qui marque avec une telle force sa carte génétique que ses acteurs ne parviennent jamais à s’en débarrasser. Comme pour conjurer les dangers qu’ils nient depuis des décennies.
Dans l’Oural les Soviétiques ont dissimulé jusqu’au début des années 90 les conséquences de l’accident radioactif survenu en septembre 1957 prés de Kychtym. La région comporte d’ailleurs toujours des zones, notamment des lacs, vérolés par la radioactivité. Mais l’accès en est interdit et les habitants de la région qui acceptent de parler sont menacés par les autorités. De l’URSS à la Russie, le nucléaire ne change pas de nature.
En 1979, l’accident du réacteur N° 2 de Three Miles Island n’a jamais livré tous ses secrets et le pouvoir américain continue à dissimuler ses conséquences sanitaires, notamment une augmentation des cancers et de la mortalité infantile dans cette région. Et nul ne fit de publicité sur un rapport publié deux mois plus tôt par la Commission de Réglementation du nucléaire pointant les défauts ayant provoqué la catastrophe. Un travail de longue haleine qui avait inspiré le scénario du film « Le syndrome chinois » sorti quinze jours avant l’accident de Pennsylvanie sous les ricanements du lobby nucléaire et industriel...
Lors de l’accident de Tchernobyl, je tiens les détails de l’histoire de Mikhaïl Gorbatchev lui même, deux éminents académiciens convoqués d’urgence par le Bureau Politique, conseillèrent à la fois le plus grand secret et une distribution de vodka aux irradiés après avoir minimisé l’accident. Le lendemain, le président soviétique autorisa les journaux de son pays, notamment Ogoniok, à évoquer librement l’accident. Ce qui, sur place, fut assimilé à une trahison. Aujourd’hui dans la zone interdite de Tchernobyl, la plupart des ingénieurs affectés à la maintenance des réacteurs arrêtés nient les dangers et réclament le redémarrage des unités fermées. Le gène du secret et de la négation doit être contagieux : les responsables du consortium créé par Vinci et Bouygues pour construire le nouveau sarcophage, refusent toute information et que les journalistes rencontrent ses cadres.
Fin 1999, lors de la tempête qui mit à mal la centrale du Blayais, EDF décida de ne pas communiquer sur les circonstances de l’accident et sur l’accident majeur auquel les réacteurs avaient échappés. Ses responsables haussaient les épaules face aux questions. Il fallut qu’un responsable de l’Institut de Protection et de Sureté Nucléaire organise une fuite dont j’ai bénéficié pour que le Canard Enchaîné raconte dans le détail comment et pourquoi la centrale inondées avait frôlé la catastrophe.
Pour la plupart des incidents signalés sur les réacteurs français, EDF et Areva s’entendent pour minimiser, pour retarder l’information. Comme ni l’un ni l’autre n’avaient jamais accepté de communiquer sur les risques pris par les travailleurs intérimaires trop exposés. Il y a deux ans, voulant visiter la centrale de Dampierre en Burly pour les besoins d’un livre et d’un film, EDF me fit attendre 6 mois pour m’organiser une visite express au cours de laquelle il était interdit de prendre des photos et d’adresser la parole aux ingénieurs. Un « progrès » car pendant 6 ans, à la fin des années 70 et au début des années 80, j’ai été interdit (comme d’autres journalistes spécialisés) de visite dans les centrales françaises.
Les Chinois mentent sur les conditions sanitaires à l’intérieur et à l’extérieur de leurs centrales et y interdisent les études épidémiologiques. Comme les Indiens, les Ukrainiens et les Roumains et les Bulgares qui, après avoir maintenu le secret sur les deux réacteurs en piteux état de Kozlodouï, veulent désormais s’offrir une centrale russe.
Le dernier exemple tout chaud est évidemment celui de la Tepco, l’opérateur des six réacteurs en rade de Fukushima. Cette entreprise à dissimule pendant des années les incidents de ses réacteurs et a menti sur les causes de la catastrophe (le tremblement de terre et non pas le Tsunami). Avant d’oublier de signaler que les trois réacteurs sont entrés en fusion dés le premier jour et d’occulter l’intensité de la radioactivité dans et autour de la centrale, les conséquences sur les sacrifiés d’une lutte inégale contre l’accident qui se poursuit et sur l’étendue des contaminations dans la région, bien au delà de la zone d’évacuation et de la zone de confinement. Ils mentent maintenant en expliquant que la situation sera maîtrisée en janvier prochain avec l’aide de l’autre menteur pathologique, Areva.
Dernier menteur identifié : Nicolas Sarkozy en visite il y aune dizaine de jours dans la région de Cosne sur Loire, prés de la centrale de Belleville et expliquant à la presse locale attentive à recopier l’oracle : « Je ne veux pas détruire une filière qui crée de l’emploi, de la compétitivité et de l’indépendance énergétique et l’arrêt du nucléaire allemand offre un débouché à la France dans des conditions concurrentielles intéressantes ». Comprenne qui pourra mais les élus locaux ont applaudi ; les mêmes qui se battent dans la région contre les éoliennes. Je vous la fais courte, pour la liste des secrets et des mensonges qui s’accumulent depuis une bonne quarantaine d’année et aussi pour Sarkozy qui a finement remarqué : « on ne peut pas imaginer un tsunami en Bourgogne ». Rires gras...
Il semble y avoir dans l’expression industrielle et politique sur le nucléaire, comme la marque indélébile d’un gène du mensonge qui se transmet comme une maladie de plus en plus grave...Un seul remède à cette affection contagieuse: les Verts et un référendum.

lundi 6 juin 2011

Ours, rapaces, lynx ou loups: quand les chasseurs font la loi

lundi 6 juin


Avec l’annulation le 31 mai de la réintroduction dans le Béarn d’une femelle ours promise depuis des années, la faune sauvage vient de payer un nouveau tribut à la démagogie électorale. Dans cette zone des Pyrénées où ne survivent que deux mâles, l’espèce est donc promise à une disparition très rapide. Piteuse explication de la ministre de l’Ecologie, il s’agit de ne pas accroître les difficultés des éleveurs touchés par la sécheresse. Sauf que l’examen des cartes pluviométriques et de l’état des pâturages de montagne dans cette région montre que la situation des herbages est pratiquement normale. Une nouvelle fois, il s’agit de complaire au lobby des chasseurs et aux braillards de la FNSEA qui rêvent d’éliminer les quelques prédateurs survivant sur le territoire français. En oubliant qu’en 2010, chiffre communiqué par le ministère de l’écologie, 167 brebis ont été tuées (et remboursées aux bergers) par l’ours dans tout l’arc pyrénéen. Chiffre à rapprocher de deux autres : 600 000 brebis passent l’été dans les alpages des Pyrénées et dont prés de 30 000 sont mortes tuées par des chiens ou dans des accidents.
Il ne reste plus dans toutes les Pyrénées qu’une vingtaine d’ours discrètement pourchassés par les chasseurs qui ignorent volontairement la loi alors qu’il y a cinquante ans, il en restait environ 150. Empoisonnés, tués à coups de fusil ou chassés de leurs territoires par les équipements de sport d’hiver ou par l’ouverture de nouvelles pistes destinées à la sylviculture, ils ont peu à peu disparu. Aucun ministre de l’écologie, depuis les années 80 n’a réussi à obtenir que quelques dizaines de milliers d’hectares leurs soient réservés pour vivre en paix. Tout comme, à la fin des années 60, lorsque le parc national des Pyrénées fut créé, les aménageurs de la montagne et les associations de chasseurs avaient fait pression pour que les limites du parc n’englobent pas les espaces où vivaient encore de nombreux ours. Conséquence du manque de courage du législateur, le dernier ours brun aura disparu de France d’ici à une vingtaine d’années alors qu’il subsiste plus d’une centaine en Italie dans les Abruzzes ou en Espagne, animaux protégés à la fois par les pouvoirs publics et l’opinion publique. Sans compter les 700 loups italiens et les 2100 loups espagnols. Contre 180 à 200 en France.
Avec les autorisations données aux préfets de permettre aux bergers et aux chasseurs de tuer six loups en 2011, le pouvoir a également cédé à la tentation électorale alors que cet animal, venu d’Italie où il en reste plusieurs centaines, n’a tué l’année dernier qu’environ 2800 brebis (également remboursées). Par contre, selon les spécialistes et les associations d’éleveurs, le nombre des moutons tués par les chiens, errants ou fugitifs, dépasse 130 000 pour toute la France. Ce chiffre, même si l’on comprend que la vie des bergers ne soit pas facile et si l’on sait qu’ils sont en général sous-payés, relativise l’importance des dégâts commis par ce prédateur. Même remarque pour le lynx qui tente de survivre, malgré les tirs clandestins et les empoisonnements, dans le Jura et les Vosges où il a été réintroduit en 1983.
La France a de toute évidence des relations difficiles avec la nature sauvage comme l’a montré l’échec de l’année de la biodiversité et les récents tirs contre de grands rapaces dans les Alpes et le Sud de la France. La proportion d’oiseaux, les petits comme les grands, menacés de disparition sur le territoire métropolitain est de 26 % des 568 espèces répertoriées. Les chiffres viennent d’être communiqués par la Ligue pour la Protection des Oiseaux et le Muséum National d’Histoire Naturelle. Ces deux organismes rappellent dans le rapport publié que le chiffre mondial moyen est de 12 % et signalent des espèces emblématiques comme le milan royal sont systématiquement victimes d’appâts empoisonnés. En cause également : la poursuite d’un usage intensif des pesticides malgré les promesses du Grenelle de l’environnement et les drainages des zones humides pour y semer du maïs...qu’il faut arroser pour lutter contre la sécheresse. Ce qui a pour conséquence, dans de nombreuses régions, de diminuer le niveau des rivières où les céréaliers pompent souvent clandestinement de l’eau. Un ralentissement ou un tarissement du débit qui entraîne une forte mortalité des loutres, des castors et de tous les mammifères ou oiseaux inféodés à l’eau.
Pas une voix ne s’est élevée au parlement –sauf chez les Verts- pour protester contre les mesures anti-ours, anti-loups ou préjudiciables à l’avifaune. Le lobby des chasseurs fait la loi électorale. Dernière preuve : les 5 et 17 mai, à la demande de la Fédération des chasseurs, le Sénat et les députés, alors que le calendrier parlementaire est parait-il chargé, ont trouvé le temps de voter discrètement une proposition de loi sur « la modernisation du droit de chasse » qui revient à donner encore plus de droits aux chasseurs sur le milieu naturel et contre les autres usagers de la nature. Le score du scrutin laisse rêveur : 534 voix pour et 4 contre des dispositions qui remettent la vie sauvage.
Les animaux ne votent pas....

lundi 9 mai 2011

Consommateur: cela devient un métier à plein temps

Lundi 9 mai

Les autorités sont vraiment de plus en plus prévenantes pour le consommateur. Conservateur ? Colorant ? Anti-oxydant ? Antioxygène ? Epaississant ? Huile de palme ? Agent de texture ? Arome (1)? Exhausteurs de goût ? Glutamate ? Maltodextrine ? Focophérols ? E 130, E 131, E 141, E150, etc. ? Valeurs nutritionnelles ? Sucre ? Sel ? De quoi nous plaignons nous, tout est écrit sur les boites, les paquets et les emballages. Nous sommes informés ! Evidemment, c’est en général écrit jaune sur rouge, bleu sur violet et sous les boites ou les paquets, mais on nous dit tout, on ne nous cache presque rien, il suffit de savoir lire.
Même sur les yaourts, par exemple, la quantité de fruits, quand il y en a, est indiquée : en caractères aussi minuscules, en retournant le paquet de quatre, de huit ou de douze, en général de 4 à 8 % du yaourt. Ne reste plus qu’à calculer quelle fraction de fraise, de pêche ou de cerise que cela représente et d’oublier le fruit mensonger et entier qui fait de la figuration trompeuse sur le produit. De quoi nous plaindrions nous, c’est écrit dessus !
Dans un souci de transparence, répondant à la même préoccupation environnementale et des citoyens, le même gouvernement vient même de demander à des industriels de procéder une expérimentation pour nous expliquer les effets du produits sur la planètes avec un calcul des gaz à effets de serre émis par le produit ou la nourriture. Toujours sur la même et minuscule étiquette jaune sur rouge...
Il ne manque qu’un seul calcul sur ces emballages sacrifiant à la mode : le temps qu’il faut, avec de bonne lunettes, pour lire chaque étiquette et pour, ensuite, aller défricher l’étiquette voisine pour comparer. Ce qui signifie clairement qu’il faut environ une heure pour garnir un petit panier et pour s’interroger sur la signification de la mention « conforme à la législation en vigueur » puisqu’un produit « non conforme à la législation » ne peut pas être mis en vente. On peut aussi se demander ce que signifie « élaboré en France ». Souvent cela veut tout simplement que l’on a ajouté le sel ou le sucre « en France » sur un produit venu d’ailleurs. Car si l’étiquette de provenance des produits frais est exigé, rien n’est obligatoire pour les plats préparés ou les congelés. Les étiquettes ne sont que des mensonges par omission ou des écrans de fumée...Tout comme les « desserts » ou les plats de restaurants réputés « maison ». Qui, par exemple, sait que les crèmes brûlées « maison » d’origine industrielle ont droit à cette fausse appellation si le gâte-sauce ajoute un peu de sucre pour la passer au micro-onde ?
Cette transparence relative est un leurre, ce que mon grand-père appelait un attrape-couillon ? Car qui va prendre le temps de déchiffrer des notices qui se multiplient?
Ne serait-il pas plus simple, plus honnête, plus prudent surtout, de, tout simplement, interdire tous les additifs, colorants. Initiative qui éviterait au consommateur de s’user les yeux pour rien. Mais nous vivons sous le règne d’une transparence illusoire qui n’est qu’une désinformation soigneusement organisée. L’industrie agro-alimentaire nous vend n’importe quoi mais nous prévient en termes abscons. La morale commerciale est donc sauve.
Consommer, même avec modération, devient un véritable métier que 95 % des citoyens n’ont pas le temps d’exercer. Chaque lecteur pourra trouver dans sa pratique quotidienne d’autres exemples d’une information qui n’est est pas une et que pourrait remplacer un retour à une nourriture plus saine qui serait moins nocive. La preuve c’est que dans les produits bio élaborés, tous les produits qui doivent être signalés sont dans la plupart des cas absents.

(1) Le consommateur doit savoir que la mention « arome cerise » signifie tout simplement qu’il n’y a pas de cerise dans le produit.

vendredi 15 avril 2011

Nicolas Hulot, un choix raisonnable et efficace pour l'écologie

Vendredi 15 avril



La candidature de Nicolas Hulot peut être une chance, non pas pour les écologistes, mais, ce qui est beaucoup plus important, pour l’écologie.
Quels que soient les reproches qu’il est possible de lui faire sur le passé, son présent et sa claire prise de position sur le nucléaire plaident en sa faveur. Je n’en suis que plus à l’aise pour dire cela que j’ai écrit dans Libération en 2007, à quel point je ne le croyais alors pas taillé et armé pour mener une campagne politique abordant aussi les questions sociales et économiques. Il est toujours possible d’apprendre, sa récente évolution, notamment à travers son film, le prouvent amplement. Il a changé et a ajouté des analyses aux constatations qu’il filme et raconte depuis des années. Après avoir été le « journaliste » de la beauté et de la destruction de la planète, il en est désormais un commentateur et un analyste averti. Je fais partie de ceux qui auraient préféré, évidemment, que Cécile Duflot soit la porte parole de l’écologie dans cette campagne de 2012 car sa vie familiale, sa vie personnelle, son insertion dans la réalité sociale et la réalité de la vie des salariés, plaidaient en faveur de cette solution. Mais elle ne le veut pas, épuisée d’avoir à se partager entre sa vie personnelle, ses quatre enfants dont le dernier n’a que deux ans et la vie politique. On peut à la fois le comprendre et le regretter, d’autant plus qu’elle incarne une nouvelle génération d’écolos, celle qui doit prendre la relève pour une écologie plus populaire.
La candidature de Nicolas Hulot offre au moins deux avantages.
D’abord elle met en avant un homme qui n’a pas besoin d’expliquer qui il est, ni de se faire connaître ni de convaincre qu’il maîtrise parfaitement les dossiers qu’il devra évoquer. Qu’il s’agisse de l’affaiblissement de la biodiversité, de la nécessité d’une autre croissance, de l’épuisement des ressources, des pollutions, des destructions et des appauvrissements entraînés par une mondialisation sauvage. Même si cette dernière expression n’est qu’un triste pléonasme. Bien sur, il devra les relier aux questions sociales, mais il est permis de penser que son entourage saura lui rappeler et l’aider pour rendre crédible aux yeux du plus grand nombre le combat qu’il incarne. On pourra lui jeter à la figure sa collaboration avec TF1 et bien d’autres compagnonnages délicats. Mais, que ceux qui n’ont jamais pêché et mènent chaque jour une vie écologiquement irréprochable lui jettent la première pierre...
Ensuite, la candidature de Nicolas Hulot aura ou aurait, rien n’est encore joué, l’immense avantage de remettre en cause celle d’Eva Joly conçue par des professionnels de la communication et lancée l’été dernier comme une de ces savonnettes vantées par TF1 et reprochées à Hulot. Eva Joly possède toutes les qualités possibles et imaginables sauf d’être crédible, convaincante et intelligible quand elle parle d’écologie et des maux de la planète. Son succès comme magistrat pourfendant les escrocs et les artistes du CAC 40, ne vaut pas brevet d’écologiste et son intégrité alléguée ne peut pas combler cette grave lacune. Elle n’a rien à voir avec l’écologie, elle n’est que l’idée, qu’ils croient géniale, que se font des apprentis sorciers de la com' pensant que pour gagner et convaincre il faut simplement surprendre.
Et puis, soyons lucide jusqu’au bout : il ne s’agit pas (pas encore) pour les écologistes d’accéder à la présidence de la République. Mais, plus simplement et plus efficacement, d’entraîner l’adhésion à un autre développement, à un autre monde (possible), d’une partie plus importante de la population. En interpellant tous les partis politiques qui font une fois de plus semblant de s’intéresser à une thématique qui les emmerde et qu’ils comprennent rarement.
Au moment où nous déplorons la disparition du journaliste Jean Carlier, ancien directeur de l’information à RTL, qui fut l’un des pionniers de l’écologie politique au début des années 70 après avoir, lui aussi, vécu une véritable mue idéologique, la perspective de la candidature de Nicolas Hulot prouve que l’on peut changer et cesser d’être un chroniqueur d’un monde ancien pour convaincre l’opinion publique qu’il faut désormais le changer.

mardi 22 mars 2011

Japon: onze jours aprés l'accident nucléaire, le point sur les manipulations japonaises et françaises

Mardi 22 mars

Une dizaine de jours après la série d’accidents nucléaires graves qui touchent la population japonaise, il commence à être temps de faire le tri dans les manipulations, les clichés, les réalités et les chiffres. Aussi bien au Japon qu’en France. Un bilan pour lequel notre correspondant au Japon nous a apporté une aide précieuse. Même si il constate que nous en savons souvent plus en France et en Europe sur la situation et l’évolution de la catastrophe en cours que ses concitoyens.

- Il y a, largement relayée par une partie de la presse française, mais beaucoup moins en Allemagne, le « folklore » du calme et de la sérénité japonaise. Il s’agit d’une fable s’agissant de la crainte engendrée par les fuites nucléaires. Il suffit d’entendre les conversations et les inquiétudes du Japonais moyen pour constater que la peur est là. Il suffit ensuite de constater la panique et les exodes massifs de la région touchée pour mesurer la qualité du mensonge. La pagaille se poursuit sur les routes. Et les habitants de Tokyo qui en ont les moyens et qui peuvent échapper à la coercition de leurs employeurs, partent également vers le sud. Mais cela coûte une fortune et c’est très mal vu par les entreprises qui refusent souvent de laisser partir leurs salariés. Avec une remarque subsidiaire : où installer les 35 millions d’habitants de la capitale s’il fallait reconnaître clairement une menace ?

- Pour que les Japonais prennent pleinement conscience de la menace, encore faudrait-il que le gouvernement japonais, avec la complicité active d’une grande partie de la presse, ne pratique pas un art consommé de la dissimulation de l’information. Ni la NHK, la télévision officielle, ni les grands journaux ne fournissent d’information précise sur l’évolution des réacteurs hors de contrôle ni sur les taux de contamination dans la centrale de Fukushima, dans les provinces proches ni dans la région de Tokyo. Qu’il s’agisse de la contamination de l’air, ou de la teneur des retombées sur ce qui reste des villes et sur les terres agricoles. La dernière des informations fantaisistes est d’avoir diffusé dimanche le conseil ridicule de « sortir avec un parapluie en cas de pluie » pour éviter d’être contaminé ! La plupart des informations télévisées que nous pouvons voir quasi-instantanément en Europe, sont diffusées avec des heures de retard au Japon ou bien passée sous silence. Il en fut ainsi des explosions dans les réacteurs depuis celle du premier samedi de la catastrophe, un mot qui n’est pas utilisé par les médias. Elles ont presque toutes été montrées avec beaucoup de retard. Quand aux antinucléaires japonais, ils n’ont pratiquement jamais accès aux grands média.

- La Tepco, la compagnie privée qui gère les six réacteurs de Fukushima a annoncé dimanche aux Japonais, pour preuve de sa bonne foi, qu’ils ne seraient pas remis en route. Evidemment puisqu’ils sont en partie détruits, comme celui de Tchernobyl. Il ne reste plus qu’à les enfermer dans un sarcophage.

- La Tepco et le pouvoir ne donnent aucune information sur la forme, la teneur et les directions prises par les panaches de radioactivité qui continue à s’échapper des réacteurs et des piscines de refroidissement. Alors que la moitié des capteurs automatiques de la région fonctionnent toujours. Aucune information non plus sur les doses reçues par les ingénieurs, les pilotes et les pompiers qui interviennent en prenant des risques insensés et qui sont présentés comme des volontaires alors qu’ils ne sont pas clairement informés de ces risques. Et enfin, pas d’information sur ce que deviennent les eaux de refroidissement dont une partie s’enfonce dans le sol vers les nappes phréatiques tandis que l’autre s’écoule vers la mer. D’un jour à l’autre, les responsables de l’entreprise médiatisent des annonces contradictoires, annonçant, ce qui est ridicules et dangereux, qu’ils ne savent pas ce qui se passe dans leurs réacteurs et ne communiquent pas sur le contenu des fumées blanches et noires qui s’échappent alternativement de leurs réacteur. Lundi et mardi, cette désinformation, jamais contredite par le gouvernement, a atteint des sommets. Alors qu’une poignée de volontaires écolos, eux, parviennent à relever des résultats de mesures qui sont ignorées.

- La Tepco et le gouvernement japonais communiquent très peu d’informations sur la situation de la centrale et sur les contaminations en cours à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique qui n’est pourtant pas habituellement et par nature très exigeante. Les effets de la complicité entre la Tepco (qui gère 17 réacteurs dans le pays), les autres opérateurs privés et le ministère de l’Economie et le gouvernement se font sentir sur tous les aspects de information.

- Aucune nouvelle en ce qui concerne les centrales d’Ogawa et de Tokai où les réacteurs ont été également arrêtés d’urgence.

- En France, le gouvernement et tous les porte-parole du lobby nucléaire s’agitent en expliquant que la France est à l’abri d’un tsunami. Une évidence ; et aucun des sceptiques français envers le nucléaire ou le tout-nucléaire n’ont évoqué une telle éventualité. Pas plus qu’ils ne prétendent que la probabilité d’un tremblement de terre d’une magnitude 9 comme le séisme qui a touché le Japon. Mais les partisans du nucléaire ne veulent pas entendre parler de la réalité : les effets, quelles qu’en soient les raisons, de l’arrêt brutal d’un réacteur ou de la coupure soudaine de l’alimentation électrique d’une centrale.

- Le gouvernement français s’agite également énormément pour expliquer qu’il prend toutes les mesures nécessaires en cas d’arrivée d’un nuage radioactif sur le pays, alors qu’il est de notoriété publique que, vu la distance, cette éventualité est nulle. La France prend donc des précautions (on ne sait d’ailleurs pas lesquelles) contre un péril imaginaire.

- Le gouvernement français n’a donné aucune précision sur la façon dont sera (serait) mené l’audit sur les réacteurs français.

PS

Les Japonais sont si avares d’information auprès de l’AIEA et des agences nationales que c’est auprés de la CRIRAD, que l’IRSN et le ministère de l’industrie (qui dit n’importe quoi) puisent un certain nombre de données sur la situation au Japon.

jeudi 17 mars 2011

Souvenir de journaliste, il y a pire que la guerre, il y a la radioactivité, la chose inommable

jeudi 17 mars


En direct, l’envoyé spécial de France 2, Alain de Chalvron, a dit il y a deux jours son angoisse face à la radioactivité qui arrivait ou qui pouvait arriver. Dans sa voix, pour ce journaliste qui en a vu d’autres, il y avait une tension inhabituelle. D’autres journalistes ont exprimé, sans doute malgré eux, cette peur, cette crainte d’un inconnu qu’il est impossible de voir. Etrange et révélateur de ce qui se passe. Au cours de ma carrière déjà longue, j’ai cavalé sous les bombes ou guetté les obus, les balles et les explosions à Groznyï, en Irak, à Gaza, en Géorgie, au Liban, en Afghanistan, au Bangladesh. Et ailleurs. Pour raconter la guerre et ce qu’il y avait derrière les combats. Je n’étais alors ni plus courageux ni plus glorieux qu’un couvreur qui risque tous les jours l’accident du travail s’il tombe du toit. J’y allais, parce que c’était et que cela reste mon métier : en ayant peur, avant, pendant (et surtout) et après), mais avec, toujours, l’impression que j’avais ma chance, l’illusion que je pouvais, avec un peu d’habilité et d’instinct, passer entre les gouttes. Illusion bien sur car cela revient à jouer à la roulette russe. Mais, après tout, même à ce stupide jeu russe, il y a toujours une chance. Une seule et dans la tête, ça suffit ; l’homme ou la femme qui jouent ainsi à cache-cache, y croient d’autant plus que, souvent, ça tombe ailleurs, voire sur un autre. Et puis un jour, après avoir beaucoup intrigué et collectionné les signatures d’apparatchiks soviétiques, j’ai obtenu l’autorisation, trois ans après l’accident, de descendre dans le cratère de l’explosion de Tchernobyl pour voir le réacteur fondu et tordu. Avec une photographe. Au dernier moment, j’ai renoncé, je n’ai pas osé prendre le risque, invisible, impalpable, d’aller subir une forte irradiation pendant quelques minutes ; d’affronter un danger silencieux et invisible. La photographe est descendue et a rapporté des photos fantastiques qui ont fait le tour du monde et la une des magasines. Je n’ai jamais regretté mon refus et mon rédacteur en chef de l’époque ne me l’a pas reproché, ne m’a pas reproché d’avoir raté un véritable scoop. L’atome en folie ne peut pas, ne doit pas être affronté. Sauf, comme à Tchernobyl et à Fukushima, pour tenter de sauver des vies.
C’est ce qui se passe au Japon : des reporters aguerris ne supportent pas cette menace invisible que représentent les radiations. La peur, l’angoisse prennent une autre forme, une intensité inhabituelle. Pas d’adrénaline, juste une appréhension interne profonde qui n’a ni forme, ni odeur, ni saveur. Juste quelque chose qui pénètre l’âme et le corps. Quelque chose que je ressens encore quand, comme en novembre dernier, je marche au pied du sarcophage de Tchernobyl. Comme quand j’arpente les rues désertes et silencieuses de la ville de Pripiat abandonnées par 50 000 personnes, à quelques kilomètres de la centrale accidentée. A chaque fois que j’y retourne, l’angoisse est la même dans cette Pompéi des temps modernes. Une angoisse si particulière que j’ai du mal à l’expliquer ensuite à mes proches, à des amis. C’est cela l’énergie nucléaire dont la force s’échappe –forcément- un jour : la mort invisible, la mort définitive d’une ville qui disparaît peu à peu sous la végétation. C’est, au sens strict du terme, absolument in-des-crip-tible. Comme la représentation du mal absolu, de la folie technologique qui prend des paris stupides avec le diable.
C’est tout cela que ressentent confusément beaucoup des journalistes présents au Japon alors qu’ils étaient partis couvrir un fait comme un autre : une fois sur place, ils comprennent qu’il y a autre chose, indéfinissable et quasi impossible à nommer ; oui, c’est cela finalement les radiations qui se répandent représentent l’innommable.
C’est aussi ce que commencent à ressentir les Japonais qui apparaissent dans les reportages : au delà des peurs du tremblement de terre, au delà de l’horreur du tsunami, il y a la terreur qui monte de ne pas savoir quand et comment on va être plongé dans la radioactivité : nul ne la voit arriver et même les chiffres qui défilent sur un dosimètre ne parlent pas à la conscience.
C’est cela que vivent des millions de Japonais : l’arrivée d’une peur qu’ils croyaient avoir maîtrisé depuis Hiroshima. Pourtant, hier c’était la guerre alors qu’aujourd’hui, il parait que c’est la paix.

PS Pour lire la suite des événements japonais dans un papier actualisé plusieurs fois par jour, se reporter au site politis.fr sur mon blog

lundi 14 mars 2011

Nucléaire au Japon: les dernières nouvelles de la situation

Lundi 14 mars

Après les explosions survenues samedi matin et lundi matin, heure du Japon, la situation parait s’aggraver d’heure en heure dans les réacteurs numéro 1, numéro 2 et numéro 3 de la centrale de Kukushima Daiichi. Et trois réacteurs de la centrale de Kukushima Daini, un peu plus au sud ne sont toujours pas correctement refroidis ; tout comme les trois réacteurs, du même modèle, de la centrale d’Onagawa, un peu plus au Nord. En tout onze réacteurs du Nord-Est du pays, donnent toujours des soucis aux ingénieurs après avoir été arrêtés brutalement au moment du tremblement de terre. Les autorités japonaises, qui comme toujours en pareilles circonstances, ont commencé par diffuser des informations rassurantes, ne savent pas ou n’ont pas voulu préciser si les explosions qui ont soufflé les bâtiments réacteur numéro 1 samedi et lundi ont également détruit ou endommagé l’enceinte de protection du réacteur, chape de béton destinée à retenir toutes les émanations et particules radioactives. L’existence de cette énorme cloche de confinement est d’ailleurs ce qui différencie le réacteur accidenté de Tchernobyl des réacteurs japonais ou français.

L’élévation progressive de la teneur en radioactivité relevée dans la région par des journalistes et des écologistes japonais, les ordres d’évacuation (pour 230 000 personnes) donnés à la population dans une zone de 20 kilomètres qui pourrait être rapidement élargie, laisse présager qu’il existe au moins des fissures dans les enceintes, n’en déplaise aux "docteurs tant mieux" du Japon et de France. Mais la pagaille et les embouteillages qui se sont amplifiés tout le week end sur les voies menant vers le sud, la pénurie d’essence notamment liée à l’absence d’électricité, et aussi le manque de train, font hésiter les autorités japonaises : elles ne savent plus quoi faire des évacués qui courent le risque d’être rejoints sur les routes souvent coupées ou privées de ponts, par une plus forte vague de radioactivité. Des évacués qui s’ajoutent à ceux qui ont perdu leurs maisons et ont pris la route vers la capitale. Alors que la radioactivité mesurée lundi en début d’après midi (heure du Japon) par des volontaires appartenant à des organisations d’écologistes continue d’augmenter. Elle change d’ailleurs au gré du vent qui souffle du nord-ouest mais reste très faible (12 kilomètres heure). Ce qui favorise les retombées sur la région : toute la radioactivité ne s’évacue donc pas vers l’Est et le Pacifique. Une preuve : dans l’ensemble de la province de Miyagi où se trouvent les centrales, et loin vers le sud, à 100 Kms de la centrale, la radioactivité était dimanche après-midi entre 400 et 500 fois supérieure à la normale et elle a atteint des batiments militaires américains qui croisent au sud de la zone. Les pluies ou la neige prévues pour mardi et mercredi auront d’ailleurs comme résultat de fixer les pollutions au sol en le contaminant pour des années. Dans cette région agricole, les cultures risquent d’être longtemps impossibles en raison de la contamination du riz et des produits maraîchers.

Les chiffres actuellement disponibles pour l’extérieur de la centrale indiquent qu’en une journée, un habitant présent à moins de cinq kilomètres reçoit, en particules et en teneur radioactives, l’équivalent d’une dose 24 fois supérieure à celle autorisée aux travailleurs du nucléaire en un an. Ce qui confirme que un ou plusieurs coeurs de réacteurs ont commencé leur entrée en fusion et que plusieurs autres relâchent de la vapeur radioactive. Soit sous l’action des ingénieurs cherchant à faire baisser les pressions, soit en raison de fissures non maîtrisées. Tout cela faute de refroidissement après l’arrêt provoqué par le tremblement de terre. Il s’agit, comme pour les autres réacteurs en difficulté, d’un arrêt automatique. Lequel « secoue » toujours gravement l’ensemble des équipements de production et surtout de contrôle. Les conséquences en sont alors d’autant plus graves que pour ces réacteur comme pour huit autres ayant subi ce type de choc, le refroidissement n’a pas pu être assuré correctement ou pas assuré du tout. Faute d’alimentation électrique : un réacteur, lorsqu’il ne produit plus d’électricité doit être alimentée par des lignes extérieures. Lesquelles ont été coupées ou détruites par le séisme alors que les équipements de secours n’ont pas toujours fonctionné correctement.

Le refroidissement est indispensable, tout simplement parce qu’après un arrêt d’urgence un réacteur continue à dégager environ 10 % de la chaleur et de la puissance nominale qui est de 520 Mégawatts pour le modèle de Kukushima. Evaluation qui n’a plus de sens quand un réacteur, faute de refroidissement, commence à s’emballer et à échapper au contrôle : faute d’eau et de liquide réfrigérant, les barres d’uranium restent en grande partie à l’air libre, produisant notamment de l’hydrogène (radioactif) qui peut exploser d’un moment à l’autre. Au moins quatre autres réacteurs connaissent également des difficultés, de moindre ampleur, parce que les générateurs de secours n’ont pas fourni à temps la puissance électrique nécessaire au maintien du refroidissement et au fonctionnement des trois autres salle de contrôle en charge chacune, comme en France, de deux réacteurs.

La situation nucléaire au Japon, ne concerne pas onze centrales comme il a été souvent écrit ou dit depuis vendredi, mais seulement onze réacteurs répartis dans trois centrales situées sur la côte Est du Japon qui se trouve être proche de l’épicentre du tremblement de terre. Il s’agit pour l’instant de la centrale de la centrale de Kukushima Daïichi avec six réacteurs, de la centrale de Fukushima Daini avec 4 réacteurs et celle de Onagawa, un plus au nord, où fonctionnent 3 réacteurs. Il n’y a pas d’informations fiables sur la situation de la centrale de Tokai, au sud, où un seul réacteur, mis en service en 1976, était sous tension au moment du séisme. Le Japon compte actuellement 55 réacteurs en fonctionnement répartis dans 17 centrales. Ils assurent environ 35 % de l’électricité consommée dans le pays. L’essentiel du parc nucléaire est composé de 33 réacteurs à eau bouillante connu sous le sigle REB en français ou BWR en anglais car il s’agit d’une technologie américaine. Ils sont prioritairement en service aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suède, en Finlande et aussi en Russie. En France, EDF utilise exclusivement des réacteurs à eau pressurisée, mais la technologie –et donc les risques éventuels en cas d’incident ou d’accident- n’est pas fondamentalement différente.

Le combustible, de l’uranium enrichi, utilisé dans les réacteurs japonais à eau bouillante est à peu de chose le même et sous une forme identique que dans les réacteurs en service en France. Mais dans les réacteurs à eau bouillante, comme souvent pour la filière française, le combustible est ce que l’on appelle du MOX, c’est à dire un mélange d’uranium et de plutonium. Caractéristique problématique en cas d’accident et de rejet dans l’atmosphère, car à la radioactivité s’ajoute le danger d’ingérer des particules de plutonium qui induisent automatiquement des cancers à des doses infinitésimales.

Une différence importante entre les deux filières : il n’y a qu’un seul circuit primaire de circulation d’eau dans les REB, ce qui peut-être considéré comme une fragilisation supplémentaire en cas d’incident ou d’accident. Notamment parce que l’envoi en « recirculation » de l’eau et la séparation de la vapeur envoyée pour faire tourner les turbines sont plus compliquées et exigent plus de rigueur dans la surveillance du fonctionnement que dans les réacteurs français. D’où la gravité des incidents d’accès aux approvisionnements en eau froide en cas de perte de puissance électrique. Le choix entre les deux filières est induit par deux considération : la première est politique puisque les réacteur REB sont américains et la seconde est économique puisqu’ils coûtent moins cher à la construction.

Lorsque les autorités de sûreté nucléaire française expliquent qu’elles vont prendre des mesures en France, cela confine au ridicule technique : l’Europe n’est pas menacée par l’accident ou les accidents en cours au Japon. Il ne s’agit donc que d’une gesticulation politique gâchée par Eric Besson qui a perdu une occasion de se taire en niant qu’il s’agisse d’une catastrophe et en annonçant une incident de niveau 4 alors que le niveau des accidents est seulement fixé plusieurs semaines après la phase critique. Mais quand les spécialistes français signalent la grande compétence des ingénieurs nucléaires japonais, il sont dans le vrai car ils sont probablement meilleurs que les Français. Mais, dans leurs scenarii les plus pessimistes, ils n’avaient jamais envisagé une telle accumulation d’incidents. Ils s’avouent désormais dépassés par les événements et ne compte plus que sur la chance pour éviter une catastrophe majeure. Mais comme les ingénieurs et techniciens de Tchernobyl, ils prennent depuis vendredi des risques terribles, malgré les combinaisons et des courts séjours ne dépassant pas trois minutes, au cours de leurs interventions dans des bâtiments saturés de radioactivité.

Avec mes remerciements pour son aide à mon confrére japonais Hitoshi Kadowaki

Post-Scriptum

Pour ceux qui veulent comprendre exactement ce qui se passe dans un réacteur brutalement arrêté (comme si on coupait le contact sur une voiture roulant à 130 km/h ou dans le cas d’un freinage d’urgence d’un TGV), je renvoie le lecteur à mon livre de fiction "Inéluctable, le roman d’un accident nucléaire en France" qui met en scène les questions techniques et politiques, notamment sur la question de la dissimulation des informations importantes
Encadré

Mon correspondant au Japon, un journaliste spécialisé, me signale l’aggravation de la situation et aussi un autre probléme : faute d’électricité, la plupart des habitants de la zone menacée et jusqu’à 150 kilomètres vers le sud et vers le nord, ne peuvent plus être alertés par la radio et la télévision et n’ont plus accès à Internet. Ils ne peuvent plus être informés en temps réel. D’autre part il apparait que, cauchemar de tous ceux qui simulent des opérations d’évacuation, les routes sont souvent totalement paralysées par ceux qui tentent de s’enfuir vers le sud. Car les destructions de voies ferrées et le manque d’électricité ont considérablement réduit la circulation des trains. Et, en plus, il n’y a pratiquement plus d’essence dans la région....

dimanche 13 février 2011

Roses de la Saint-Valentin: bons baisers du Kenya

Dimanche 13 Février 2011

95 % des roses achetées aujourd’hui pour sacrifier à la sollicitation commerciale de la fête des amoureux proviennent du Kenya. Ou d’Equateur, de Colombie ou d’Ethiopie. Toutes produites par des ouvriers ou ouvrières payés chaque semaine d’à peine le prix d’un bouquet en France...
Toutes ces roses fraîches sont arrivées vendredi ou samedi par avion. Avant de repartir pour la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Etats Unis ou la Russie elles ont transité par l’aéroport de Schiphol aux Pays Bas. Vendredi, les avions venus des quatre coins du monde ont livrés prés de 30 millions de roses immédiatement achetées aux enchères par des mandataires les re-expédiant immédiatement par avion pour leur mise en vente.
Ce commerce entraîne évidemment un fantastique gaspillage d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre et, au passage, ruine au prix d’une aberration écologique, les rares producteurs de roses. Mais ce n’est pas tout...
Les trois quarts des exploitations de roses kenyanes se trouvent dans les environs du Lac Naivasha, où elles couvrent environ 5000 hectares. Ce lac, situé à 1 800 m d’altitude, est l’un des plus hauts de la Rift Valley. Autour de lui se concentrent les « élevages » industriels de roses. Comme beaucoup de rivières et de nappes phréatiques de la région, le lac est donc de plus en plus pollué par les pesticides, engrais et autres produits destinés à nettoyer et désinfecter les sols avant la plantation de nouveaux rosiers à la vie éphémère, mourant de surproduction. Cette pollution est encore accrue par les pompages d’eau qui font baisser le niveau du lac et y augmentent par conséquent la concentration de produits nocifs, produits s’accumulant également dans les puits des agriculteurs de la région. Quant aux pêcheurs, ils se plaignent de prendre de moins en moins de poissons et en rendent responsables les industriels de la rose : le lac est envahi de jacinthes d’eau, la plaie de l’Afrique car elles entraînent l’eutrophisation des fleuves et des lacs, manque d’oxygène qui nuit à beaucoup de poissons dont se nourrissent les populations. Souvent, après des nettoyages dont les rejets atteignent le lac en quantités importantes, des vaches laissées imprudemment près du bord du lac pollué, meurent après avoir trop bu de ces eaux empoisonnées. D’après des écologistes locaux et des organisations non gouvermentales, le lac pourrait ne plus être qu’un cloaque boueux dans une quinzaine d’années. Il est pourtant théoriquement protégé depuis 1995 par la Convention internationale Ramsar qui veille sur les plus belles zones humides du monde. Mais cela ne préoccupe guère les autorités et les industriels de l’horticulture.
Un rapport du « Conseil des Canadiens » publié en 2009 par The Ecologist, la revue environnementale créée il y a 40 ans par Teddy Goldsmith en Grande Bretagne, relate une mission entreprise par ses scientifiques autour du lac. Les conclusions apparaissent sans appel : « Les quelque 30 grandes exploitations de fleurs installées autour du lac posent un grand nombre de problèmes écologiques à cette région, à son lac et à ses rivières. Notamment en ce qui concerne la perte d’eau, l’accroissement de la population attirée par les emplois et l’utilisation intensive de pesticides et de fertilisants (...) Nous avons remarqué des canalisations qui pompent l’eau du lac vers les serres et des fossés d’écoulement qui envoient des eaux polluées vers le lac (...) Les bords du lac ont peu à peu été privatisés par les propriétaires des fermes et la population d’origine, notamment les Massaïs, est peu à peu repoussée plus loin, ne disposant plus que d’un accès restreint aux eaux du lac pour leurs troupeaux, dans un petit espace où les femmes lavent leurs linges et ou survivent des hippopotames et des flamants roses (...) La situation est simple : sans eau, plus de cultures de roses et les fermes horticoles la pompent sans la moindre restriction. En fait, explique l’un des responsables des systèmes de surveillance de l’eau de la région, Severino Maitama, comme les roses sont constituées à 90 % d’eau, c’est notre eau que ces sociétés exportent alors que nous sommes l’un des pays les plus secs de la région (...) Les eaux du lac sont déjà à un niveau inférieur de plus de trois mètres à ce qu’il était dans les années 80 (...) Avant, le lac Naivasha était l’un des dix sites mondiaux réputés pour sa richesse en oiseaux avec 350 espèces répertoriées. Il était aussi renommé pour ses eaux claires, pour les papyrus et pour les lys qui poussaient sur ses rives. La plus grande partie de la végétation a disparu. (...) Au cours des deux dernières années le nombre des hippopotames a diminué de plus d’un quart à cause de la baisse du niveau de l’eau. Leur nombre n’est plus que d’un millier. (....) David Herper, professeur à l’Université de Leicester et responsable depuis 17 ans de l’association Earthwatch dénonce cette situation : « Tous ceux qui, en Europe, ont mangé des fraises et des haricots verts du Kenya et admiré les roses de ce pays ont acheté de l’eau du Naivasha. Il se transformera en un étang boueux et nauséabond, avec des communautés humaines appauvries vivant difficilement sur ses rives dénudées. Les insupportables prélèvements d’eau pour les besoins agricoles et horticoles sont en train d’assécher ce lac. Au fur et à mesure que sa surface et sa profondeur se réduiront, il se réchauffera, entraînant la prolifération de micro-algues. Ce n’est plus qu’une question de temps pour que ce lac devienne toxique (...)
La population est passée de 7000 en 1969 à 300 000 en 2007. En attirant tant de gens, les sociétés internationales d’horticulture ont créé un fardeau écologiquement insupportable pour le lac. Les gens utilisent et polluent l’eau pour vivre, ils braconnent pour se procurer de la viande. Ils vont de plus en plus loin pour se procurer du bois et fabriquer du charbon de bois. Un arbre de cinquante ans fournit environ cinquante sacs de charbon de bois et une famille utilise quotidiennement un sac. Mais il n’y a aucun effort de reforestation et les gens vont maintenant jusque sur les bords du Lac Victoria chercher du bois, ce qui déstabilise les apports d’eau et entraîne un apport supplémentaire de sédiments dans le lac en raison de l’érosion (....) Il n’existe aucune réglementation légale pour organiser l’utilisation de l’eau du lac Naivasha. Les associations des fermes horticoles ont édicté leur propre loi basée sur une autorégulation…».
Et les mêmes remarques sur les atteintes à la santé des salariés, sur leur exploitation vaut également pour les autres pays du sud où se cultivent ces roses et bien d’autres fleurs dont l’origine n’est jamais indiquée chez les fleuristes. Ce qui est contraire à la loi...

samedi 8 janvier 2011

Bonne nouvelle, la fin de la prime à la casse

samedi 6 JANVIER 2011

Bonne année 2012 car pour 2011, cela me parait déjà compromis !

Depuis le premier janvier, la prime à la casse a enfin disparu. Comme quoi il n’y a pas que des mauvaises nouvelles en ce début de 2011. Cette prime qui a coûté au minimum un milliard d’euros à la collectivité était une aberration écologique ! C’est bien cher payé un soutien à une activité industrielle condamnée à terme.
L’idée de cette prime ne pouvait surgir que dans l’imagination tordue d’un gouvernement n’ayant rien compris à l’écologie. Je me souviens de l’avoir écrit ici même et d’avoir reçu quelques réponses courroucées me reprochant d’ignorer « les pauvres se voyant offrir une chance d’avoir une voiture neuve ». Et oubliant de surcroît les emplois ainsi sauvés...
D’abord en ces temps de crise climatique (oui, je sais, elle n’existe pas, disent les mêmes...) est-il judicieux de persuader la population qu’il n’est de salut que dans la poursuite de la glorification de la voiture individuelle. Notamment en ville ; car je ne méconnais pas les difficultés de se déplacer dans les zones rurales. Ou dans les banlieues que les urbanistes et les profiteurs immobiliers ont étendu sans se préoccuper des transports collectifs.
Mais revenons à l’essentiel : les gouvernements nous ont vendu (car la France n’est pas seule à jouer avec la fausse écologie) cette prime sous prétexte de diminuer le nombre de « vieilles voitures polluantes ». Pour cela ils ont incité les citoyens à mettre au rebus des véhicules qui pouvaient encore rouler pendant des dizaines de milliers de kilomètres. Ce qui a entraîné un gaspillage des matières premières ayant servi à les construire. En induisant donc le gaspillage (pour la France) d’autres matériaux pour la production d’au moins 600 000 véhicules supplémentaires. Les pollutions et les gaspillages entraînés par la fabrication de ces voitures ont été, les spécialistes ont fait le calcul, sans commune mesure avec le supplément d’émissions de gaz a effet de serre des bagnoles anciennes. Ecologiquement, le bilan est calamiteux ! D’autant plus que la moitié au moins des bagnoles neuves ont parcouru (comme leurs pièces détachées) des milliers de kilomètres en camion pour être livrées aux clients persuadés de « faire une bonne action » pour le climat. Même remarque, en passant pour les voitures bénéficiant d’un bonus écologique...après avoir été transportées par la route pour venir sur le territoire français.
Reste la question du chantage à l’emploi. Le même qui incite des syndicats et le gouvernement à glorifier la poursuite du nucléaire civil et la quatrième place de la France dans la production d’armes, petites ou grandes pour sauvegarder ces emplois. Une seule réponse à la question de la destruction des emplois liés à l’industrie automobile : est-il si difficile de transformer cette industrie pour lui faire produire massivement les autobus, les trams, les métros et les trains qui manquent si cruellement dans la région parisienne et autour des grandes métropoles ?
Si l’idée était vraiment de réduire la pollution, pourquoi, par exemple, a-t-on refusé de reprendre ma petite voiture qui a 23 ans en échange d’une prime me permettant de payer moins cher un scooter hybride avec lequel (car je l’ai acheté quand même) je consomme en moyenne 1, 7 litres d’essence en ville ?