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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

samedi 15 octobre 2011

Fukushima: au bout de sept mois, rien n'est réglé

Samedi 15 OCTOBRE

Le vieil adage « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » ne s’applique évidemment pas à l’accident de Kukushima et à toutes ses suites. La rareté des informations disponibles, dans la presse française plus que dans la presse allemande, espagnole et anglaise, ne signifie pas que les Japonais soient tirés d’affaire, que la situation soit revenue à la normale. Mais dans un pays où les candidats socialistes au pouvoir ne savent pas si et quand la France doit sortir du nucléaire, dans un pays où le parti majoritaire s’agrippe à son choix énergétique, les médias partent souvent du principe, à l’exception du Monde, de Libération et du Courrier International, que les Français ne s’intéressent plus à la catastrophe japonaise à partir du moment où ils ne risquent pas d’en subir les retombées.
Pourtant, le suivi effectué par plusieurs journaux japonais, en dépit des réticences persistantes de la Tepco, (l’opérateur industriel) à donner des informations fiables, montre que l’accident n’est maîtrisé dans aucun des trois réacteurs entrés en fusion. Malgré la poursuite des injections d’eau de refroidissement, la température y varie de 300 à 500 °. Ce qui signifie que les techniciens ne peuvent pas approcher des réacteurs. En fait, depuis des mois, il ne se passe plus rien, les ingénieurs ne savent pas quoi faire, en dehors de l’arrosage, et nul ne sait si les réactions en cours ne vont pas durer des mois ou des années. Les réacteurs ont échappé aux hommes et une ou plusieurs explosions liés à la présence d’hydrogène peut survenir à n’importe quel moment.
Pour qu’une intervention soit possible, il faudrait que les trois cuves en fusion repassent sous la limite des 100°. En attendant, personne ne semble en mesure de dire si le magma (corium) de combustibles nucléaires et de métaux est resté dans les cuves où s’il s’est répandu sur le plancher de béton qu’il a peut-être percé. Ce qui impliquerait une dissémination de la radioactivité dans le sol et vers les nappes phréatiques. La situation des piscines de refroidissement du combustible usagé n’est guère meilleure bien que la température paraisse s’y stabiliser autour de 50° contre 80 ° auparavant. Mais comme les édifices qui abritent ces piscines sont en ruines et fortement contaminés, les barres de combustibles ne pourront pas être évacuées avant plusieurs années. A la merci d’un tremblement de terre qui jetterait à terre les bâtiments déjà ébranlés
En ce qui concerne les réacteurs, s’ils se stabilisent un jour à une température raisonnable, aucune technique n’est actuellement disponible pour les démanteler sans entraîner des dégagements supplémentaires de radioactivité dans l’atmosphère. Les spécialistes japonais et français les plus « optimistes » pensent qu’il faudra au moins une vingtaine d’années pour que soit envisagé un début de démantèlement. Opération qui ne pourrait être effectuée qu’après la construction et la mise en place d’un sarcophage de protection dont plus personne ne parle puisqu’il n’est plus question que d’une mince structure et plastique et en métal en cours de construction au dessus du bâtiment du réacteur N° 1. Il est vrai que le retard pris par la préparation (même pas la construction) de celui que Vinci et Bouygues ont promis de construire à Tchernobyl n’incite pas les ingénieurs à l’optimisme.
Pour mesurer l’étendue des dégâts et l’ampleur de la catastrophe, il faut savoir que la majeure partie des bâtiments et de la zone qui les entoure restent tellement contaminées qu’il est impossible d’y travailler, même avec des équipements aussi lourds que spéciaux. L’ensemble des installations émet donc en permanence, comme ce fut et est encore le cas à Tchernobyl, une radioactivité de 30 à 90 microsieverts par heure qui se répand dans les campagnes au gré de la météo. La plupart des cultures, qu’il s’agisse du riz, des légumes ou du fourrage destiné au bétail, sont donc de plus en plus contaminés jusqu’à une centaine de kilomètres de la centrale. Ce qui prive de revenus les agriculteurs et les éleveurs.
Au delà de la catastrophe économique qui affecte la zone plus ou moins contaminée qui s’étend régulièrement, reste la situation des réfugiés. Ceux qui ont fui le désastre du tsunami et ceux qui, bien que de plus en plus mal informés, s’efforcent d’échapper à la contamination. Faute de solution de relogement, beaucoup d’habitants sont restés sur place, y compris en désobéissant aux ordres d’ailleurs donnés assez mollement pas les autorités dépassés et évitant de distribuer des compteurs et des dosimètres de radioactivité. Beaucoup de ruraux sont restés sur place, beaucoup de paysans qui continuent à cultiver des légumes qu’ils sont les seuls à manger et à soigner des animaux dont ils ne peuvent plus vendre ni le lait ni la viande. Des dizaines de milliers de Japonais, y compris des enfants dont les écoles fonctionnent toujours, continuent de vivre dans les campagnes, les villages et les petits villes contaminés. Le gouvernement japonais et d’ailleurs incapable de fournir leur nombre ou le chiffre des personnes évacuées. Il est plus porté, avec l’aide de la Tepco et des syndicats agricoles, à organiser des opérations de communication tendant à prouver que la situation n’est pas si grave, à la centrale comme dans les provinces touchées, que le prétendent les anti-nucléaires japonais.
Avec une information pour l’instant encore inexpliquée : pourquoi, hors de la centrale Fukushima, 37 des 57 réacteurs japonais sont-ils toujours à l’arrêt ?

vendredi 14 octobre 2011

Climat:, la messe est dite, je n'irais pas à Durban en décembre prochain

Vendredi 14 octobre

A Kyoto, en 1997, bien que de nombreux journalistes et observateurs pouvaient déjà pressentir que la signature des Etats Unis et de ses vassaux ne seraient pas suivie d’une ratification, l’espoir de juguler des modifications climatiques encore contestées par beaucoup de politiques prenaient corps. Le Protocole de Kyoto, bien qu’entrée en vigueur seulement en 2005, avait pourtant figure de promesse, plus de 20 ans après la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm de 1972 ayant pour la première fois évoqué un dérèglement du climat lié aux activités humaines et cinq ans après le sommet de Rio qui avait relancé l’exigence de précaution alors que le GIEC travaillait aux mesures et aux preuves depuis 1988.
Après, il y eut, dans le désordre tellement les souvenirs se télescopent dans une médiocrité aussi grandissante que les l’outrecuidance des annonces gouvernementales diverses, Bali, les couloirs fiévreusement arpentés par Dominique Voynet à La Haye pour arracher quelques bribes de certitudes vite démenties, Genève, Copenhague où la mobilisation citoyenne fut inversement proportionnelle à la médiocrité des résultats liés aux attaques ignominieuses contre le GIEC lâchement endossées par les chefs d’Etat accourus pour faire de la communication et non pas pour sauver la planète. Un échec qui, nous promettaient les Obama, les Sarkozy et les autres, n’était que provisoire et serait compensé l’année suivante. A Cancun au Mexique. A l’écart d’un énorme village vacances pour gros américains dévoreurs d’énergies, symbole de tous les gaspillages énergétiques, la conférence mexicaine ayant soigneusement exilé les contestataires à 30 kilomètres, s’enlisa en faux semblants et mensonges, guidée par des négociateurs déboussolés et réfugiés dans un immense hôtel de luxe transformé en forteresse, symbole éclatant d’une planète courant à sa perte.
A peine la rencontre planétaire avortée, les voix des puissants impuissants et secrètement heureux de l’être, clamèrent qu’à Durban l’année suivante on allait voir ce qu’on allait voir pour ce qui serait la 17 éme conférence mondiale sur le climat.
A Panama où les négociateurs se sont réunis du premier au 7 octobre, la négociation climatique a sombré dans le coma politique alors que les prescriptions non respectées du Protocole de Kyoto expirent à la fin de l’année. La négociation climatique est sous perfusion et les plénipotentiaires s’exercent sans espoir à l’acharnement thérapeutique. Plus personne ne croit possible de bousculer l’égoïsme des uns et le cynisme des autres. A la grande joie des climatosceptiques de tous les pays, l’échec est annoncé en dépit des paroles pseudo-rassurantes des uns et de tous les autres. Le réchauffement climatique est désormais accepté, avec toutes ses conséquences sur les populations, la faune et la flore, comme une fatalité que nul ne peut remettre en cause. Même pas tous les peuples qui en sont et en seront victimes comme, par exemple, les Somaliens chassés de leurs terres par une terrible sécheresse.
Les plus grands pollueurs en gaz de serre jouent désormais à qui perd gagne, chacun espérant, pour satisfaire son opinion publique, que la conférence du mois de décembre permettra de désigner quelques coupables : les autres bien sur.
Alors, familier des couloirs de conférences depuis 1972, je n’irais pas à Durban. Parce que, cette fois, je ne crois plus à un sursaut, non pas de sagesse, mais au minimum d’instinct de survie.
C’est fini. Il nous faut nous débrouiller avec l’inéluctable désordre climatique annoncé en remerciant les scientifiques du GIEC qui auront tout fait pour nous alerter. Non pas avec des mots et des promesses mais avec des chiffres et des mesures. Comme celles qui annoncent la fin de la banquise arctique estivale pour 2016...