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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

dimanche 20 décembre 2009

Le mauvais climat d'une conférence de Copenhague qui a encore plus mal fini que les précédentes

Dimanche 20 décembre

Chronique publiée sur Mediapart (www.mediapart.fr)

En comparant les résultats –mot un peu fort- de Copenhague avec ceux de Stockholm en 1972 et même de Rio de Janeiro en 1992, il est hélas possible de mesurer le recul de la qualité des réactions de ce qu’il est convenu de nommer la communauté internationale face aux périls que nous avons créés et ensuite entretenus. Les discours s’améliorent, les chefs d’Etat font semblant de se passionner pour l’écologie et son dernier avatar, le climat, mais dans les actes, la régression s’affiche et s’aggrave sans vergogne. Le protocole de Kyoto qui s’imposait d’abord aux nations industrialisées et qui aurait pu s’appliquer aux grands pays émergeants, n’existe plus. Oublié alors qu’il aurait fallu le renforcer. Les discours de plus en plus flamboyants répondent à la pression de la société civile et des associations tandis que les actes expriment la montée des égoïsmes nationaux qui s’affrontent de plus en plus brutalement. En écrasant la plupart des pays du sud dont les représentants, à quelques exceptions prés, n’ont pas brillé d’intelligence et de créativité au cours de ce sommet. Pour un Evo Morales qui a utilisé un langage nouveau en phase avec les menaces qui pèsent sur le milieu naturel et les hommes, combien de discours convenus et geignards, combien de pales copies des fausses jérémiades des responsables de pays riches oubliant en plus que dans leurs propres populations, les plus pauvres subiront en premier les effets des modifications climatiques dans leurs vies quotidiennes. Et les grandes associations se voient prises au piège de leur illusion : radicales ou centristes, elles ont cru être reconnues et écoutées alors qu’elles n’ont été que flattées et incluses dans une stratégie de communication qui, pour la France, a culminé à l’Elysée où le président de la République qui leur a servi l’inusable « Je vous ai compris ! ». Version française de bien d’autres escroqueries aux sentiments écologistes joués aux Etats Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Australie et même en Inde comme l’explique Darryl D’Monte, le président des journalistes environnementaux indiens qui critique vigoureusement son gouvernement de sacrifier le présent à l’avenir.
La communication qui a pris les commandes de l’écologie officielle vient de se révéler impuissante à régler les problèmes par la magie de la parole alors que dans les grandes conférences du passé, les chefs d’Etat n’avaient pas osé se séparer sans décision. Nicolas Sarkozy et ses semblables n’ont plus le pouvoir de casser le thermomètre de la planète mais ils se vantent quand même de calmer nos angoisses en nous expliquant que demain, certainement, ils règleront gratis les maux de la terre avec des mots puisqu’ils ont avoué qu’ils n’avaient rien d’autres à nous proposer. Les responsables du Bangladesh ou des iles-Etat parlent d’escroquerie et se demandent comment ils vont empêcher la mer de les submerger. Mais que pèsent les 10 000 habitants de Tuvalu et les dizaines de millions de pauvres en danger du delta du Brahmapoutre face aux intérêts du monde industriel et financier ?
La démocratie planétaire et onusienne, comme d’autres formes de démocratie, ne fonctionne plus, même comme placebo. Alors que longtemps elle avait fait illusion. Retour sur Stockholm où l’on décida en une dizaine de jours de créer le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le PNUE, auquel il aurait suffit de donner plus de pouvoirs et le droite de distribuer les moyens financiers d’agir. Le seul organisme ayant la mémoire des questions et des urgences environnementales depuis prés de 40 ans a été le grand absent des discours et de la vague déclaration finale bricolée par une trentaine de pays qui n’ont même pas osé se présenter devant les autres et se sont enfuis comme des voleurs d’avenir. On comprend à la fin, si l’on n’avait pas deviné avant, pourquoi les militants de l’écologie présents à Copenhague ont été brutalement écartés trois jours avant la fin de la conférence. Il est difficile de convoquer des témoins quand on s’apprête à commettre un crime contre l’humanité. A Stockholm il avait été décidé par toutes les délégations présentes que le PNUE devait « prévoir les moyens de susciter et d’utiliser la participation active des citoyens et la contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde et à la mise en valeur de l’environnement. Et d’associer le public à la gestion et au contrôle de l’environnement ». Cet accord est parait il toujours en vigueur...et la formule inventée à l’époque par les Nations Unies et la société civile « nous n’avons qu’une seule terre » reste le slogan du PNUE...
Sera-t-il vraiment nécessaire de se rendre à Mexico où, dés le début, annonce de l’échec vainement mis en scène, il était déjà prévu d’organiser COP 16 comme en témoigne le stand de cette ville où, dés le début de la réunion à Copenhague de COP 15, comme en témoigne un stand installé prés de l’assemblée des délégués, où il était possible de commencer à chacun de préparer son voyage au Mexique pour une nouvelle conférence « historique ».

La nature et la biodiversité grands oubliés de la défunte conférence climat de Copenhague

SAMEDI 19 DECEMBRE

CHRONIQUE PARUE SUR MEDIAPART

Messieurs qu’on nomme grands, messieurs les présidents, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être si vous avez le temps ; en quittant Copenhague dans une dernier panache de CO2. Hier pour les moins pressés d’en finir avec un rituel climatique qui vous ennuie énormément au delà de vos discours convenus et rarement inconvenants et aujourd’hui pour ceux qui ont voulu faire illusion jusqu’au bout.
Nous serons nombreux à la signer, cette lettre, désespérés par votre indifférence et votre ignorance. Nous la signerons avant de mourir peut-être ou avant d’être parqués, pour la culture des générations futures, dans des réserves dites, par anti-phrase, naturelles, alors qu’elles contribuent à artificialiser l’espace naturel en y alignant les survivants. Nous la signons au nom des 8500 espèces menacées de disparaître bien avant que vous vous réussissiez à vous mettre d’accord pour bloquer ou casser le thermomètre et bloquer les tempêtes ; bien avant que vous ne cessiez de vous fixer une base de 2° en plus à ne pas dépasser en feignant de croire qu’il n’existe pas des pays ou des régions dont la température moyenne a déjà augmenté bien au delà. Dans l’Arctique ou en Afrique. Nous, à la différence des hommes qui souffrent, nous ne demandons pas de l’argent, juste un peu d’attention et quelques gestes pour la planète. Sans feindre de croire, comme les présidents français et américains, que dans chaque pays on installera des « thermomètres » témoins.
Les cigognes, les blanches comme les noires, se demandent où elles vont désormais passer l’hiver puisque l’Espagne, la France, le Mali et le Maroc viennent de s’attribuer le pouvoir de décider de l’année à partir de laquelle ces pays qu’elles fréquentent décident que la température n’augmenterait que deux degrés. Qui leur lira une nouvelle feuille de route ? Qui les guidera ? Qui réglera leur GPS sur la bonne latitude, qui les aidera à ne pas mourir de faim ou de soif ? Qui sauvera le lion dans a savane brûlée ?
Les ours blancs, agrippés à leurs derniers glaçons qui baignent dans de l’eau trop tiède lèvent la tête en vain vers le ciel. En se demandant qui viendra les empêcher de couler en même temps que les banquises sur lesquelles ils dérivent avec les derniers de leur espèce.
Qui dira où les oies des moissons, comme ces dernières changent sans arrêt de période, devront se poser avant d’être fatiguée à en mourir. Parce qu’elles s’épuisent à errer, parce qu’elles se nourrissent de plus en plus mal. Comme l’outarde capelière qui disparaît dans la plus grande indifférence parce qu’elle ne sait plus à quel temps se vouer.
Comment faire pour le loriot, le chardonneret, les hirondelles dont les effectifs ont chuté de 40 % depuis une vingtaine d’années, ou la mésange charbonnière qui peine à nourrir ses petits parce que le printemps vient trop tôt? Comment faire pour que ces oiseaux et bien d’autres ne perdent pas le Nord ? Qui s’occupera de trouver des chenilles pour le gobe mouche à son retour d’Afrique pour qu’il ne meure plus de faim parce qu’il arrive désormais trop tard après leur naissance ? Faudra-t-il bientôt organiser des charters pour renvoyer en Egypte le vautour blanc des Pyrénées qui veut s’installer définitivement chez nous ? Qui osera dire que, quand même, la France ne peut pas accueillir toute la misère aviaire de la planète ?
Qui sauvera les centaines d’espèces de poissons piégés dans les rivières du monde qui s’assèchent, en Afrique, en Inde en Argentine comme dans le Poitou ? qui leur donnera asile ou un peu d’eau pour ne pas disparaître? Et les grenouilles et les tritons et les salamandres, tous ces amphibiens qui périssent aussi faute d’eau ? Qui s’alarme pour les papillons dont le monde perd chaque année une cinquantaine d’espèces ?
Comment sauver les 12 000 espèces de plantes et d’arbres menacées de rapide disparition et qui va pleurer sur leur sort ? Certainement pas vous, messieurs que l’on nomme grands puisque vous ne réussissez même pas à sauver les grandes forêts ? Qui dira la tragédie de la disparition des plantes médicinales des pays du sud et des pays du nord qui ne peuvent même pas demander l’asile ailleurs ? Qui va aider les chênes à partir vers le nord de la France pour ne pas disparaître ?
Monsieur le président, qu’avez vous décidé, qu’avez vous prévu pour sauver les onze mammifères français sur le point de disparaître ? Et quel monument sera élevé aux 1160 espèces d’animaux disparus dans le monde depuis 60 ans ? Peut-être leur épitaphe est-elle déjà contenue dans Convention internationale sur la biodiversité adoptée en 1992 à la conférence de Rio en même temps que la Convention cadre sur les changements climatiques (signée par 131 pays) auprès de laquelle les pseudos accords d’hier ne sont qu’une bien pâle copie même pas paraphée.

Lette rédigé par un panda qui ne trouve plus de bambou à grignoter alors qu’il lui en faut au moins 15 kilos par jour.

Le cri d’Evo Moralés sur la mort de la Mère nature, sur la disparition de la biodiversité, disparition qui concerne aussi bien la beauté du monde que son équilibre pour les êtres humains n’a pas été entendu. Pas un instant les maîtres du monde ne se sont intéressés à la nature mise en danger par les modifications climatiques. Ayant posé la question successivement à un délégué anglais, à un délégué polonais, à un délégué australien et à une déléguée panaméene j’ai compris aux regards étonnés que je passais pour une simple d’esprit, que la question ne se posait pas. Effectivement
Je sais, il s’agit, enfin il s’agissait, des hommes, de l’avenir de l’humanité, de la détresse de nombreuses populations. Mais qu’est elle, que sont ils, que sommes nous sans cette nature et sa biodiversité ?
Trop tard, la conférence est terminée et les présidents sont soulagés de retourner à des affaires sérieuses et le dernier panda, privé de bambous détruits par la sécheresse, disparaîtra dans l’indifférence. C’est vrai ça : il sert à quoi le panda ?

mercredi 16 décembre 2009

Repression et arrestations au sommet du climat de Copenhague


Mercredi 15 décembre

De façon à écarter le maximum de représentants de la société civile du déroulement de la Conférence sur le climat, les officiels de l'ONU et la police danoise se sont mis d'accord pour...mettre au frais un maximum de membres des associations qui veulent témoigner de l'échec des négociations.

Quand les Nations Unies font reculer la démocratie à Copenhague

Mardi 15 décembre

Chronique parue sur Mediapart hier (mediapart.fr)

La démocratie onusienne réduit considérablement au lavage de cerveau. Fermement décidés à persuader tout le monde et le monde entier que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que tous les pays s’aiment, que les congressistes ne sont qu’une bande de chics copains juste séparés par des malentendus provisoires et accessoires, que les délégations vont se mettre d’accord en s’embrassant goulûment avant l’arrivée des chefs d’Etat, les responsables des Nations Unies se donnent les moyens de réduire les risques de mauvaises interprétations, de critiques ou de commentaires acerbes des orages (souvent tropicaux) qui secouent le sommet du climat. La conférence de Copenhague se ferme et se verrouille dans un autisme aussi imprévu que sans précédent.
Les gentils organisateurs restreignent de plus en plus l’accès de la presse aux assemblées plénières, ce qui n’est pas dans la tradition des grandes conférences où seules les réunions informelles sont habituellement fermées aux journalistes. De plus, à l’instigation de leurs services de sécurité, les Nations Unies ont décidé de réduire la composition de toutes les délégations d’associations dûment accréditées de 80% à partir du 15 décembre: vous étiez cent, vous ne serez plus que vingt ! Cela ne se discute pas ! Plus question donc, que ces gens, pas toujours fiables, se pressent en trop grand nombre au Bella Center, les bâtiments de la conférence officielle. De peur qu’ils manifestent à l’intérieur, qu’ils sortent des pancartes vengeresses et qu’ils importunent des ministres. Il ne faudrait pas, par exemple, que Jean-Louis Borloo, qui passe son temps à parcourir les salles d’un pas vif, comme un prince d’autrefois dans les couloirs de Versailles, suivi d’une bruissante cohorte de journalistes et de courtisans, court le risque d’être interpellé dans sa parade triomphante par un écolo malpoli qui jugerait, par exemple, qu’il ne consacre ses efforts qu’à la communication et à la mise en scène des idées françaises alors que c’est l’Europe qui est censée parler. Il parade pour masquer un échec prévisible et pouvoir raconter ensuite que la France aura été exemplaire mais (malheureusement) incomprise. Donc, la demande émanant également de nombreux ministres qui ne veulent pas être dérangés et faire tranquillement le ministre, l’essentiel des associatifs, pourtant des gens bien polis, pas les pouilleux de la manifestation, sont virés. Sort qui a failli être celui des députés Verts européens, José Bové par exemple, qui n’ont du leur salut qu’à une astuce et au désistement d’autres membres de l’association mondial des Verts. Circulez, il n’y a plus rien à voir.
Cette mise à l’écart spectaculaire, inédite de mémoire d’usagers de conférence, promet des protestations et un désordre indescriptible à l’entrée du centre de conférence à partir de ce matin. Déjà aujourd’hui, parce que, assister à la Conférence de Copenhague est quand même ce qui se fait de plus chic avant d’aller au ski, l’accès a été bloqué pendant des heures par des centaines de personnes désireuses de venir faire un tour avant l’épuration associative et celles qui suivront pour que les excellences magouillent tranquillement. Pendant deux heures, la station de métro du Bella Center a été fermée. On imagine Madame Royal faisant la queue dehors ce mardi comme un vulgaire diplomate indien l’a fait hier pendant six heures.
L’affaiblissement d’un processus démocratique déjà bien incertain est renforcé par la multiplication des conciliabules. Lesquels ont amené les pays africains à se fâcher et à refuser de discuter (d’où le huis clos pour que les engueulades ne s’entendent pas trop). En fait, notamment sur le maintien ou la disparition du protocole de Kyoto, dont les pays industrialisés veulent se débarrasser, les coups et les tentatives de débauchages ont volé très bas depuis samedi soir. Beaucoup d’Africains ont été choqués des méthodes utilisées ; et confirmant les informations données hier par Mediapart, Pablo Solon, l’ambassadeur de la Bolivie à l’ONU, a, si l’on ose dire, mis les pieds dans le plat : « Nous exigeons un retour à une discussion démocratique, nous avons désormais l’impression que l’essentiel des négociations se déroulent désormais au cours de petits dîners auxquels sont conviés des invités soigneusement sélectionnés. Les responsables des Nations Unies ne peuvent pas ainsi choisir ceux avec lesquels ils parlent dans un processus qui n’a plus rien à voir avec la démocratie. Nous en appelons à toutes les forces sociales et écologiques pour dénoncer cette dérive ».
Les tensions sont manifestes à deux jours de l’arrivée des chefs d’Etat qui sont déjà nombreux à s’irriter du blocage des discussions et de la résistance des « pauvres ». Des consignes ont donc été données, notamment par la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, pour que les textes et les discussions soient de plus en plus verrouillés et que cessent les remises en cause de ce qui a été décidé par l’ONU et quelques grands pays.

lundi 14 décembre 2009

les hommes en gris vendent la terre au plus offrant et méprisent les manifestants de Copenhague

Lundi 14 décembre

Aprés la manifestation...


En juin 1972, à la conférence de Stockholm des Nations Unies sur l’environnement, quand pour la première fois des milliers d’écologistes et de hippies ont défilé et revendiqué avec les représentants des Peuples Premiers, les indiens, les Lapons, les Inuits ou les Aborigènes d’Australie, ils ne trouvèrent que quelques policiers débonnaires pour les empêcher gentiment de rentrer dans les bâtiments officiels. Et le patron de la Conférence, le Canadien Maurice Strong s’était avancé sur le haut de l’escalier, avait demandé un micro et il s’était directement et amicalement adressé aux manifestants réclamant des décisions plus énergiques pour sauver la planète de la pollution, des destructions, de la déforestation, du massacre de la nature et déjà du réchauffement climatique. Ils avaient discuté avec acharnement, échangé vivement mais en restant sur la même planète. Je me souviens même que, dans un geste peut-être machinal, il avait fini par lever le poing pour répondre à l’ovation des manifestants. Plusieurs ministres et négociateurs de petits et grands pays l’avaient rejoint et s’étaient également adressés à la foule. A l’intérieur, les travaux avaient été suspendus pour que tous puissent venir accueillir un cortége bigarré aux premiers rangs desquels figurait comme aujourd’hui des Africains, des Indiens et des Lapons : un esprit, association du développement, du social et de l’écologie qui a fait un retour remarqué samedi, toutes les revendications, y compris celles des peuples exploités, étant à nouveau confondues comme en ce début des années 70 où la conférence inventait un slogan : « l’écologie, c’est de la politique ».
Autres temps, autres moeurs dans les rues de Copenhague. D’abord, pour encadrer 80 000 manifestants, prés de 10 000 policiers armés jusqu’aux dents et habillés, comme partout, comme des figurants pour un mauvais film de science-fiction. Il y en avait même devant le seul Mac Do du parcours. Impossible d’approcher du Centre de conférence isolé par plusieurs kilomètres de grillages mis en place dans la nuit. La scène devant laquelle se sont succédés les orateurs et arrêtés les manifestants était exilé à 600 mètres du Bella Center où les experts, les diplomates et déjà quelques ministres ne se sont même pas arrêtés d’évaluer les virgules du mauvais texte dont il disent tous, sauf les Etats Unis et la Chine, que c’est la plus mauvaise des conclusions possibles à la bataille diplomatique qui se poursuit en coulisse. Ils ont vaguement regardé la télé, comme on contemple le spectacle d’une autre planète, mais alors qu’ils auraient parfaitement pu le faire, même discrètement, par l’avenue désertifiée par la police, ils se sont jamais « venus voir ».
Mais surtout, l’incroyable, l’insupportable, ces hommes en gris qui nous servent tous les jours de grises, ternes et ratiocinantes conférences, ne sont venus tenter d’expliquer et de s’expliquer devant les manifestants. En dehors d’Yvo Boer, le Néerlandais secrétaire exécutif de la Convention climat, venu débiter rapidement et sans sourire ses platitudes habituelles mais renforcés à la langue de bois durable. Pas de mouvement, pas de sortie en masse pour dire, comme le fit Maurice Strong à Stockholm, que les politiques comprennent leurs inquiétudes, voire que rien n’est simple ou que les égoïsmes nationaux dominent les débats. Rien. Pas de regard vraiment intéressé pour cette population, pour ce peuple de jeunes enthousiastes et sincèrement angoissés. Pas même un communiqué pour remercier ces pèlerins du climat d’être venus de loin. Rien qu’un mépris glacé ou la peur d’affronter des jeunes aussi « étranges » vivant dans un autre monde.
Il y a eu par le passé des conférences où les officiels, malgré leurs différents, tentaient vraiment d’esquisser un dialogue, même rugueux. Ainsi à Seattle, au sommet de l’OMC coulé par la contestation, malgré l’énormité de la pression de la foule, malgré les heurts, malgré les incidents, on vit Pascal Lamy, le patron de l’organisme et quelques autres, nouer une polémique avec ceux qui ne voulaient pas de son sommet. Propos vifs, mais échanges. Ce fut même encore un peu le cas à Johannesburg en 2002 ou des ministres s’empoignèrent dans des joutes sévères avec la piétaille de la société civile. Comme dix ans plus tôt à Rio de Janeiro. Mais cette annéee, c’est fini, on ne mélange plus les torchons et les serviettes.
Samedi, il ne s’est rien passé : « business as usual », plus exactement «business vert as usual ». Les politiques et surtout les technocrates du climat, la tête déjà dans le prochain sommet qui se déroulera à Mexico, la seule certitude du grand marchandage en cours, n’ont ni eu l’idée, ni eu l’envie de rencontrer la jeunesse et les représentants des peuples qui souffrent. Ceux qui leur disent : « pour la planète, cherchez pas, il n’y a pas de Plan B »

vendredi 11 décembre 2009

Toujours en direct de Copenhague et avec la passion qui renait chez les militants

Samedi 12 décembre

Copenhague, juste avant la manifestation


« Nous venons de la terre, nous y retournons tous, nous devons donc la respecter, cette vérité figure désormais dans notre Constitution. Et je vous rappelle que le changement climatique n’est pas une crise mais un symptôme » expliquait hier Elisabeth Peredo, représentante de la Bolivie au Forum des associations, à plusieurs kilomètres de la Conférence officielle qui sombre dans l’ennui et les manoeuvres mesquines. Tactique habituelle des « grands » qui cherchent à déstabiliser les « petits » et à leur faire sentir un certain mépris. Quelques minutes plus tard, venue de cette conférence (des parties...) porteuse d’une rage et d’une fureur d’expliquer que les débats auxquels elle participe étaient tout sauf de la démocratie, Angela Navarro, autre bolivienne et surtout négociatrice pour son pays, enflammait une salle immense du Forum en rappelant que « la lutte pour sauver le climat est une lutte pour la vie, une lutte pour Ayaya Pacha Mama, notre mère la terre ; une quarantaine de pays riches n’ont pas le droit d’imposer leurs lois à tous les autres, aidez-nous, mobiliser vous, criez le. Nous ne sommes pas venus mendier mais, avec beaucoup d’autres, nous demandons réparation, nous venons réclamer ce qui nous est du, le remboursement de la fantastique dette écologique, la dette des pillages de nos richesses, la dette du changement climatique dont nous souffrons mais que nous n’avons pas provoqué, la dette des droits de la nature mutilée. Ne laissez pas quelques pays essayer de sauver le climat sur notre dos, manifestez encore et toujours, faites entendre votre voix jusqu’à la conférence, faites pression pour apprendre la démocratie à tous ces gouvernements qui se moquent de nous !». Longue ovation.
Alors qu’Angela repart pour la conférence officielle pour, explique-t-elle, sauver ce qui peut encore l’être, le Climaforum mis en place par les Danois pour tous les voyageurs du climat, vient enfin de basculer dans l’émotion. Les auditeurs vibrent et s’enflamment avec les « avocats » de la dette climatique et écologique, le sujet de la journée. Comme si, de la tribune où un Malien explique qu’il a « vu disparaître les saisons », à la salle essentiellement remplie de jeunes d’où fusent les questions, un nouvel esprit venait d’éclore ou de se révéler. Une mutation magique due notamment à plusieurs femmes passionnées, un embrasement des esprits qui annonce peut-être le ton de la manifestation de samedi, la transformation soudaine d’une mobilisation un peu routinière en une exaltation qui dépasse les préoccupations partisanes des uns ou des autres, qui les fait sortir de leurs stands et de leurs distributions de tracts. Avec une sorte de fusion avec les jeunes routards de l’écologie qui commencent à débarquer par milliers dans la ville avec d’énormes sacs à dos. Sous la pluie.
Il y a ainsi, parfois de ces instants magiques dans un rassemblement de militants face aux puissants, le moment où ils commencent à croire qu’ils ont un pouvoir ou le pouvoir. Loin, finalement, de leurs responsables qui continuent de négocier pied à pied dans les couloirs de l’autre conférence avec l’espoir d’améliorer un texte pour l’instant accablant de platitudes. Il y eut des moments de ce type, magnifiques, lors de la première conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm en 1972. Au moment où, comme hier, des négociateurs, des diplomates, voire de ministres atterrés par l’immobilisme ou les indifférences de leurs homologues étaient venus en appeler aux militants et aux associations. Avec comme résultat de réussir à faire modifier des textes et des résolutions que tout le monde croyait graver dans le marbre de la médiocrité et du consensus. Dans ces circonstances on a parfois l’impression que le pire n’est pas certain...
Cette magie de la foule et du verbe tendrait à prouver que les politiques qui ne vivent que de compromis et de marchandages restent parfois à la merci de la naissance des émotions et des actions militantes. Ce qui arriva à Seattle aux Etats Unis en 1999 lorsque des associations et des militants, par le verbe et la rue, ont réussi à mettre en déroute la conférence de l’Organisation Mondiale du Commerce que tout le monde pensait bien installée sur les rails d’un ultralibéralisme destinée à asservir, économiquement parlant, les pays du Sud. Un « accident » dont l’OMC ne s’est toujours pas remise.
Beaucoup de ces rassemblements, depuis qu’ils sont suivies ou surveillés par des militants, connaissent ces moments de grâce qui peuvent faire croire que, soudain, peut-être, tout est possible. Surtout quand la conférence officielle sombre dans la médiocrité.

Avant la manifestation de Copenhague, deux ou trois choses de que je sais de la conférence

vendredi 11 décembre

Copenhague, le 10 décembre

Une conférence internationale, fut-elle entourée et surveillée par quelques milliers de citoyens vigilants ne doit pas grand chose à l’improvisation ; contrairement à ce que les déclarations des uns, les promesses nouvelles ou les fausses improvisations des autres ou de Jean-Louis Borloo pourraient laisser croire. Depuis des mois, ainsi le veut le mécanisme des consensus internationaux, des experts scientifiques, économiques et politiques, se réunissent discrètement pour rédiger un projet d’accord. Lundi, quand le show médiatico-politique a commencé, tout était déjà écrit. Il ne reste plus, essentiel du travail politique au cours duquel l’expertise des scientifiques est peu à peu écartée, qu’à examiner, ligne par ligne, mot par mot, souvent virgule après virgule toutes les parties du texte qui figurent entre crochets. Pour avoir été, par deux fois, à Rio et lors de l’une conférence de l’après-Kyoto, amené à assister à ces interminables et fascinantes discussions de marchands de tapis, je sais à quel point les empoignades sont sévères autour des détails. Dans les réunions formelles et informelles, les délégués et leurs adjoints doivent à chaque instant s’assurer que les traductions ne cachent pas une entourloupette, un faux sens que l’un ou l’autre des pays pourra ensuite saisir pour clamer que seule sa version est la bonne. Tout cela, au rythme confus des « services rendus » ou à rendre que les délégations échangent dans ce qui ressemble souvent à une foire au troc du XIX éme siécle. Depuis quelques semaines, par exemple, les Etats-Unis vendent chèrement, y compris pour des promesses afghanes, le moindre point de diminution d’émission de CO 2 ; tout comme la Chine est prête à troquer des exportations de jeans contre le renoncement à quelques de nouvelles centrales à charbon.
Cette pièce de théatre va durer jusqu’à l’arrivée progressive des ministres puis des chefs d’Etat ou de gouvernements ; les négociateurs s’échappent régulièrement des salles de réunions formelles ou informelles, celles où les textes avancent et celles où se lancent les ballons d’essai, pour rencontrer tous les groupes de pression qui campent devant les portes fermées. A toute heure du jour et surtout de la nuit, quand, grâce à la fatigue, les vigilances politiques ou techniques peuvent faiblir ou s’endormir. Même les ministres peuvent se précipiter dans les couloirs pour tester un chiffre, voire un adjectif. Je me souviens par exemple, à la conférence de La Haye en novembre 2000, avoir vu Dominique Voynet surgir dans un couloir une feuille à la main, l’air victorieuse avant de se voir expliquer par un représentant des Amis de la Terre, qu’elle était en train de se faire rouler dans la farine. Il s’agissait ni plus ni moins, cette année là, que de trouver un accord sur la mise en oeuvre des accords de Kyoto pourtant présentée trois ans plus tôt comme une « victoire de la planète ». Ce qui permet de mesurer à quel point les accords ne sont souvent que des faux semblants, des galimatias destinés à faire à plaisir à tout le monde. A la Haye, il s’agissait, comme aujourd’hui, de régler le conflit entre les Etats Unis minimalistes du climat suivis par l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon et le Canada ? et l’Europe se donnant le beau rôle en proposant un organisme supra-national de contrôle des engagements auquel la plupart des pays européens ne croyaient pas le moins du monde. Car la grande faiblesse des conventions internationales reste que nul organisme n’a le pouvoir, au nom des souverainetés nationales, de sanctionner leur non-application. Ce qui peut inciter des pays, au dernier moment, à lâcher des concessions de façade que nul ne pourra vérifier.
Au délà des crises de nerfs –il y en a-, des psychodrames et parfois des larmes, survient le terrible moment de l’arrivée des chefs d’Etat ou de gouvernement pour lesquels le réchauffement climatique se résume en une note de synthése rédigée par un conseiller lue trop rapidement. Un instant redouté par tous les négociateurs car les éminences ont tendance à dire n’importe quoi. Comme Nicolas Sarkozy déclarant le 23 septembre dernier « Le monde va à sa perte si on continue à émettre du carbone qui crée un trou dans la couche d’ozone » ou Alain Juppé m’expliquant il y a deux ans qu’il projetait de « chauffer toute la ville de Bordeaux grâce à l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques qu’il allait installer»...
C’est à la lumière de ces incompétences que les chefs d’Etat décident de ce qui sera politiquement acceptable par leurs opinions publiques.

dimanche 6 décembre 2009

Drôle de climat au Danemark: que se passe-t-il à Copenhague

Dimanche 6 décembre

A partir de demain et pendant toute la conférence sur le climat, mes lecteurs habituels pourront me retrouver tous les matins sur Mediapart et sur le blog des rédacteurs de Politis (www.mediapart.fr et www.politis.fr)

Cordialement