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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

samedi 10 octobre 2009

Le film "Syndrome du Titanic" de Nicolas Hulot: vaut le détour et fait oublier la production ringarde d'Arthus-Bertrand

Samedi 10 octobre

Au début de son film, Nicolas Hulot explique « Je ne suis pas né écolo, je le suis devenu ». Une phrase qui efface les quelques maladresses du texte qui suit, texte qui s’appuie sur des images saisissantes et parfois terrifiantes. Comme celles de Lagos, la capitale du Nigeria, où une partie de la ville vit dans un mélange d’ordures et de voitures. Un télescopage de la plus extrême pauvreté et de la copie du modèle occidental. Le même modèle pour tous, hélas, appuie le commentaire en expliquant qu’il existe pourtant des voies différentes pour atteindre le bien être. A condition que l’éducation soit privilégiée. Avec cette interrogation constamment répétée et surtout illustrée, de Hong-Kong à Detroit en passant par Paris ou Los Angeles : « où est le progrès quand tout est marchandise ?». Comme le montre une séquence saisissante, entre tourisme et consommation, filmée en Namibie.
Le film n’apporte pas la réponse. Peut-être parce que l’auteur explique presque dés le début : « Je ne suis pas optimiste, je maintiens un espoir ». Il est vrai que les images sont souvent désespérantes. On est loin de la ringardise esthétisante de Yann Arthus-Bertrand qui ne regarde jamais les hommes ; on est loin aussi, même si elle fut plus efficace, de la lourde pédagogie du film d’Al Gore conjuguant jusqu’à la nausée le thème « moi et le climat ». Yann Arthus-Bertrand, dans un mode encore plus mineur, fait de même en contemplant son nombril et celui de la planète.
Pas étonnant que l’escrologiste du consortium Pinault ait reçu tant de louanges pour sa jolie bluette et que beaucoup de confrères fassent la moue sur le film de Hulot. Le premier présente le monde comme nous voulons absolument encore croire qu’il est, comme si les beautés des paysages « vues du ciel » pouvaient masquer les horreurs des destructions, des pénuries, des gaspillages et des pauvretés. Le second, ce qui peut paraître désespérant et sans analyse toujours directement perceptible, nous montre la terre telle qu’elle est. Ce qui devrait nous inciter à l’action et à la réaction plutôt qu’à nous barricader derrière des murs longuement décrits : celui qui isole les Palestiniens comme celui qui sépare le Mexique des Etats Unis.
Insister sur la misère du monde plutôt que ce qui lui reste de beauté, a pour avantage, d’autant plus que c’est clairement expliqué, de rappeler, de marteler que les combat pour l’écologie ne peuvent pas être séparée des combats contre les inégalités ; et que pour préserver, il faut partager. Résultat : même quand on sait tout cela, et encore plus quand on ne le sait pas ou que l’on veut l’oublier ou encore qu’on ne veut pas le savoir, on encaisse des coups de poings salutaires. Rien à voir avec les caresses dans le sens du poil prodiguées par Yann Arthus-Bertrand : le monde il est beau il est gentil et si vous faites un petit effort, on va s’en tirer.
Rien de tel dans le Syndrome du Titanic. Hulot, même si le propos est parfois trop elliptique, nous demande d’arrêter la musique et de regarder, de réfléchir. Avec cet avertissement tiré des images : « si nous ne changeons pas, la nature va procéder elle même à des ajustements et se seront les plus pauvres, au nord comme au sud, qui en souffriront les premiers ».
Avec une conclusion sur notre modèle qui mérite réflexion : « Peut-être avons nous trop bien réussi ».
Clairement, Nicolas Hulot n’est pas seulement devenu écolo, il est devenu politique et on se demande bien ce que lui répondent Jean-Louis Borloo ou Nicolas Sarkozy quand il leur raconte sa vision du monde...

10 commentaires:

Seb a dit…

C'est marrant comme j'en tends dire que ce film n'apporte rien (car pas de solutions clé en main...) et comment de l'autre côté il dérange.
A l'opposé des Artuset Al Gore, c'est selon lmoi le premier film "grand public" qui dénonce le système capitaliste et ultralibéral, donc un film politique qui ne fait pas la promotion dangereuse du dévelopement durable et autre croissance verte...

Au contraire de démobiliser, il m'a booster dans mon envie de changer les choses et de m'engager. Beaucoup me diront que mon action individuelle ou associative est utopiste voire innefficace mais me complaire dans un système destructeur par fatalisme, me semble plus dangereux.

Blog de Claude-Marie Vadrot a dit…

Je suis entièrement de votre avis, ce film, bien plus que d'autres, c'est une gifle incitant à agir (politiquement,personnellement)Mais, lorsque l'on a compris, il n'existe pas de petite action innefficace. Tout compte.

voyage a dit…

Tout a fait d'accord, meme si parfois je trouve qu'il y a un peu de catastrophisme dans ces films, c'est necessaire pour faire reagir tout le monde !

Anonyme a dit…

Dans la continuité de vos réactions, j'ai trouvé ce texte de Philippe Pignarre qui décrit parfaitement les liens entre capitalisme et destructions.

En voila un extrait :
... Du coup, ce qu’on appelle la question « écologique » ne vient pas de surcroît… Elle doit être une composante même de l’anticapitalisme et non pas un « ajout » tardif, un « supplément » programmatique. Si les anticapitalistes ont hésité sur cette question, c’est que le capitalisme n’a révélé que récemment la dimension mortelle pour toute l’humanité de sa capacité de destruction. Mais désormais, il n’y a plus d’excuses…

Le lien :
http://www.pignarre.com/article.php?article=58&PHPSESSID=2fm04lrm5vvmtvfsn92spruet1

( si le lien ne fonctionne pas, allez sur pignarre.com et voyez Juillet2009 )

elhierro

libéral a dit…

Je ne suis pas d'accord avec la thèse de nicolas hulot : lutter contre les inégalités et contre la surconsommation des ressources terrestres sont 2 objectifs contradictoires. Apportons l'électricité en afrique et la surconsommation explosera ! Il suffit de regarder l'exemple chinois pour s'en convaincre. La seule voie est de moins consommer en occident - ce qui se fera naturellement avec l'explosion du prix des ressources (et avec des conséquences sociales en occident extrêmement grave) -, mais ce qui aura aussi des conséquences dramatiques sur les pays émergent qui vivent sur les miettes de notre croissance. Telle est la donne de cet épineux problème qui ne se resoudra pas sans douleur pour tous.

Anonyme a dit…

En prenant la phrase au pied de la lettre "lutter contre les inégalités et contre la surconsommation des ressources terrestres sont 2 objectifs contradictoires" je dis non ;
En divisant par 100 la consommation de ressources non renouvelables des 10% les plus riches, puis de manière dégressive sur les 50% suivants, ca laisse une sacré marge de progrès pour les plus pauvres.
Et quand je dis progrès, je veux dire avoir de l'eau propre au lieu de l'eau sale, des denréees alimentaires obtenues de manière raisonnable comme bon nombre de paysans savent le faire etc ... Je n'envisage pas de faire rouler en voiture 6 milliards d'humains, il n'y a pas la place.
J'ai lu par ailleurs que le revenu des 500 plus riches de la planète équivaut à celui des 500 millions les plus pauvres. Encore récemment, on ne pouvait pas réduire la pauvreté en dépouillant les riches, ca ne suffisait pas; aujourd'hui, si.
elhierro

Blog de Claude-Marie Vadrot a dit…

Oui, mais Hulot, qui a fait des progrés ne dit pas autre chose dans son film et c'est pour cela qu'il n'a pas encore atteint les 200 000 spectateurs et que TF 1 ne le diffusera probablement pas...

Fabrice a dit…

Merci à l'anonyme pour sa réponse au libéral car franchement, cette façon de penser qui consiste à ne jamais remettre en cause le système féodal nommé capitalisme est une maladie mentale dont nous sommes plus que las: nous en sommes excédés.

Anonyme a dit…

Point vu le film d'Hulot, car diffusé au compte goutte. N'avait il pas les moyens de le diffuser plus largement ? J'ai moi dans l'idée qu'il n'avait pas l'intention de le diffuser plus largement, histoire de se donner une image d'écolo plus radical dans les milieux autorisés, et ne pas choquer le monde... mais c'est un avis perso.
Je suis surpris par les commentaires sur les docu de yab... Belles images... oui. En revanche, parlons gabegie d'énergie et pollution... Quel est le 1er incriminé ? l'élevage.
qui des deux parle de la diminution de la conso de viande comme d'une priorité ? pas hulot... lequel des deux ose le répéter de manière récurrente devant des millions de spectateurs (cette dimension est importante...), pas Hulot...
Je pense que cette critique esthétisante sur un soit disant nombrilisme tombe un peu à plat.
6 milliards d'autres ont pu donner leur vision du monde...
Les déchets du nord retraités au sud, il les a montré, les monceaux d'ordinateurs, de bagnioles, les pillages en tous genres...
L'efficacité de la violence des images... une bonne chose? la sécurité routière n'a toujours pas trouvé la réponse... Les images d'abattoir vous on t'elle passé l'envie de consommer de la viande ?
Bref, ce que je trouve irritant avec NH, c'est qu'au niveau constat, il est super balaise, et quand on parle solutions... oui, mais il faut être pragmatique, consensus, discution, confiance dans l'homme et la technique...
je dis pas, il évolue...
qd YAB et Jancovici passent à la télé, le message est peut etre ringard (en quoi...), mais clair...
la technique ne sauvera pas l'homme et son environnement, et il y a urgence.

popipo a dit…

Bonjour Claude-Marie,

C'est un peu facile d'opposer Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand qui, à mon avis, se complètent utilement. J'ai aimé les deux œuvres parce qu'elles sont fortes tant par les images que par les commentaires. La notion de "ringuardise" appliquée à Arthus-Bertrand ne me convainc pas. D'ailleurs, les deux films montrent Lagos et ses habitants avec la même intention : dénoncer un "développement" qui n'a pas tenu ses promesses et plaider pour un changement de système de nature politique.
La question intéressante est bien celle que tu poses : TF1, coproducteur du Syndrome du Titanic, va-t-il présenter le film en soirée à 20h40 dès que la réglementation sur la chronologie des médias le permettra ?