Seul les jeunes et la société civile peuvent sauver le sommet sur le climat des discours politiques
Jeudi 26 novembre
Dans quelques jours, je serais à Copenhague. Comme je fus à Stockholm en 1972, comme je fus à Rio en 1992, puis à Kyoto et dans beaucoup d’autres assemblées prétendument vertueuses. Plein d’espoirs. Comme des milliers de journalistes donc, je vais guetter le miracle. Comme des milliers d’experts et plus d’une centaine de ministres qui vont feindre le miracle de leur mieux. Car certains sont même sincères. J’y apercevrais également au moins 70 chefs d’Etat ou de gouvernement. Et, avec en vedette américaine le président Obama qui viendra avant tous les autres, auréolé d’un surprenant prix Nobel remis la veille pour nous expliquer que la « maison brûle et que nous regardons ailleurs ». La célèbre phrase de Jacques Chirac en 2002 à Johannesburg, une phrase qui, inventée par Nicolas Hulot voyageant alors dans les bagages présidentiels, formules a « fait pschitt », comme des milliers d’autres Des beaux discours sont à prévoir, des discours à nous tirer des larmes, des discours rédigés par des services de communication qui se saisissent du climat comme du reste pour satisfaire leurs opinions, pour avoir l’air de penser à l’avenir alors qu’ils ne traitent que le présent, voire le passé. Et puis ils passent à autre chose de plus important comme leur réélection, leurs identités nationales ou la sécurité. Puisque le président français n’est pas le seul à nous préparer ce numéro qui sera, comme à Johannesburg salué par les journalistes politiques imperméables à l’écologie. Je les entends déjà, comme en 2002, crier au génie. Et puis quoi, après ?
Je redoute ces discours qui administrent trop souvent la preuve que les politiques ne savent pas, ne peuvent pas raisonner à long terme. Parce que, dans les années 20, 30, 50 ou à la fin du siécle ils ne seront plus présents pour faire face aux dégâts, aux dizaines de millions de réfugiés climatiques, à la submersion des Maldives ou du Bangladesh. Après eux le déluge. Ou les sécheresses. Indifférences au futur communes aux pays du sud, aux pays émergents et aux nations industrialisées. Demain, ils ne savent pas faire et à peine dire.
Ils devraient prendre exemple, ces responsables d’Etat, ces chevaliers de la promesse et des discours, sur les forestiers : de France et du monde entier. Car la noblesse du métier de forestier, depuis le XVII éme siécle, c’est de planter en imaginant les somptueuses forêts qu’ils ne verront jamais, des espaces boisés qu’ils ne pourront jamais admirer. Et pourtant, ils ont planté, pourtant ils continuent à planter. Il suffit d’aller en forêt de Fontainebleau ou dans la forêt de Tronçais, par exemple. Ils ont planté avec foi, avec espoir, avec une conviction admirable. Ils ont planté pour leurs années mortes. Comme je le fais en mon jardin : pour mes enfants, mes petits enfants qui cueilleront un jour les cerises ou les noix que j’imagine.
Alors après des dizaines de conférences sur le thème de l’environnement et du développement, je suis pessimiste. Dans tous les champs de l’écologie et de l’environnement. Qui se souvient, en parcourant le triste bilan de l’Union Internationale pour la Conservation de la nature publié il y a quelques jours, que la Conférence de Rio a adopté une Convention internationale sur la biodiversité ? Elle n’a jamais été aussi menacée et l’Europe avouait récemment son échec cuisant dans ce seul domaine. Qui se souvient que la Conférence de Stockholm a évoqué le réchauffement climatique en suscitant les ricanements ou le scepticisme de la presse et de la plupart des gouvernements ?
Reste, me reste, un espoir : que comme à Stockholm se mobilisent la société civile, les associations qui se sont lancés dans la défense de la planète contre les modifications climatiques. Ils seront dans le « off » et le « in » de Copenhague, comme ils l’étaient à Stockholm et hélas déjà beaucoup moins à Rio. Ils manifesteront toutes inquiétudes confondues le 12 décembre. Pour dire aux experts en train de torturer les virgules et les chiffres qu’il ne faut pas avoir peur d’être radical. Pour dire aux responsables politiques qui arriveront au Danemark à partir du 14 décembre que pour sauver la terre, le temps des discours et des promesses doit s’achever. Se transformer enfin en actes débarrassés des petits calculs et des égoïsmes.
Je veux croire que ces dizaines de milliers d’associatifs vont réussir à peser. L’une de mes raisons d’espérer, c’est que cette fois ils sont majoritairement jeunes, que la relève est en place et mobilisée, qu’ils ont en eux une véritable rage de convaincre. Dans mon association de journalistes spécialisés, celle qui commença avec la Gueule Ouverte, Ecologie Hebdo, le Sauvage, Combat-Nature et bien d’autres à inventer l’information environnementale il y aura 40 ans lundi prochain. Pour l’opinion publique se réveille et pour que ce qu’il est convenu d’appeler la « grande presse » s’empare enfin de ce thème.
Ces jeunes de la relève écolo, ces jeunes qui désertent les partis trop indifférents au sort de la planète et de leurs territoires, ils sont passés avec armes et bagages dans les nouvelles associations, les grandes bien connues mais aussi les petites. C’est avec eux que je vais passer une dizaine de jours. Pour constater que, eux, contrairement aux caciques politiques aux yeux fixés sur la ligne rouge de leurs réélections, ils sont compris que les agitations présidentielles stériles et les jérémiades pitoyables d’un Claude Allègre ne sont plus de mise et qu’il faut agir. Partout. Avant que le ciel ne nous tombe sur la tête. Avant que les François Hollande répètent cette phrase terrible par lui prononcée à la télévision il y a quelques jours : « Copenhague ? Non, je n’irais pas, je n’ai rien à y faire ».
Lui et tous les autres, devraient se souvenir des forestiers de Louis XIV dont les arbres sont toujours debout...
1 commentaire:
Excellent article et hélas tellement véridique.
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