(Article publié dans le numéro de Libération daté du 9 octobre)
Ces
guerres qui détruisent la nature et l’environnement
Une
communauté internationale impuissante
Quand
les paix ou les armistices sont signés, quand les peuples ou les communautés
sont, au moins en apparence, réconciliés ou apaisés, les dégâts infligés aux
ressources naturelles, à la nature ou à l’environnement par les guerres ou les guérillas
perdurent. Parfois des dizaines d’années, et en général dans l’indifférence la
plus totale. Les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité sont
progressivement, mais avec une lenteur désespérante, jugés par la Cour Pénale
Internationale de La Haye créée à Rome en 1998. Mais le crime écologique, lui,
n’existe pas et ne peut être pris en compte pour faire condamner des hommes,
des Etats ou des mouvements rebelles.
Je suis
retourné sur la plupart des « champs de bataille » que mon métier de
reporter m’a amené fréquenter depuis le milieu des années 70 et j’ai pu
constater partout que les dégâts environnementaux perdurent. Au détriment des
populations, de l’agriculture vivrière, de la faune et de la flore. De la
Tchétchénie à l’Irak en passant par la Serbie, la Bosnie, la Croatie, le
Kosovo, la Géorgie, le Liban, Gaza, le Rwanda, la République démocratique du
Congo, la Somalie ou l’Ethiopie, les blessures et les pollutions demeurent…
Ecrire
cela ne signifie pas négliger ni oublier les morts, les blessés et les
handicapés, mais quand le calme, même précaire, est revenu, il faut recommencer
à vivre. Difficile dans des écosystèmes ravagés, voire détruits comme près de la
frontière sud-ouest qui sépare l’Irak de l’Iran. La guerre qui a couté des
centaines de milliers de morts aux deux pays a aussi entrainé l’empoisonnement
chimique des millions de palmiers qui constituaient un apport essentiel pour
les populations. Et, alors que ce conflit est officiellement terminé depuis
1988, des terres sont toujours contaminées. Tout comme il reste, en Irak ou au
Kosovo, des traces dangereuses de la contamination entrainée par l’utilisation
des obus et bombes à l’uranium enrichi.
Si
les gorilles des montagnes ne sont plus que quelques centaines aux confins du
Rwanda et de la République Démocratique du Congo, c’est parce que les bandes
armées continuent de s’y affronter et que les réfugiés parcourent la région en
tous sens pour échapper aux exactions. Une situation qui menace également les
derniers okapis, les éléphants ou les singes bonobos tués par des guérilléros
ou des membres de l’armée congolaise qui doivent les uns et les autres se
nourrir sur la nature dans le parc national de Virunga et ses alentours. Alors
qu’ils constituaient, entre autres, une richesse touristique.
Partout
où les Etats s’effacent pour cause de conflit, partout ou des hommes
s’affrontent, la nature et les ressources naturelles sont livrés aux pillages
et à la destruction que nulle loi ne parvient à juguler ou à sanctionner.
Exemple extrême : si la Somalie sert depuis des années, sur son littoral
ou à l’intérieur du pays, de dépotoir aux résidus chimiques, y compris
radioactifs, « exportés » d’Europe ou des Etats Unis par des navires
sous pavillons de complaisance, c’est bien parce que depuis 1991, des Etats et
des bandes armées s’y affrontent et qu’il n’y existe plus aucun pouvoir.
S’agissant
de Gaza, autre exemple tragique, si les médias et les politiques font
régulièrement le décompte des affrontements, ils passent sous silence que
l’espace naturel, autrefois foisonnant, est ravagé, que l’unique rivière, le
Wadi Gaza, n’est plus qu’un égout, que les ordures y brulent dans la rue en
permanence ou que l’usine de traitement des effluents est hors d’usage depuis
des années et que les eaux putrides envahissent tout le territoire. Sans
oublier qu’à Gaza comme en Cisjordanie, le mur qui sépare les hommes coupe en
deux ce qui reste du milieu d’origine en supprimant tous les échanges naturels.
La mort programmée d’écosystèmes déjà fragiles. Tout comme celle des forêts
brulées autour de Sarajevo ou dans le nord de la Géorgie pendant le conflit
avec la Russie.
Les
pays et la communauté internationale détournent le regard de ces catastrophes
qui durent et se renouvellent chaque année malgré les rapports accablant de la
cellule « Post-conflit » du Programme de Nations Unies pour l’Environnement
que nul ne lit dans les tiroirs où ils aboutissent. Rien, dans la Convention de
Genève ou dans le statut de la Cour Pénale Internationale, ne permet de
sanctionner les crimes commis contre la nature et les ressources naturelles. Ce
qui a permis, par exemple, aux Etats Unis de financer pendant des années
l’aspersion de centaines de milliers d’hectares l’aspersion de la forêt
colombienne avec le célèbre Round-up de Monsanto pour chasser à la fois les
planteurs de coca et les rebelles des FARCS. Tout en détruisant la nature et en
empoisonnant les hommes.
Il serait temps que les
Nations unies et les intellectuels assoupis se préoccupent enfin des
conséquences à long terme des conflits qui font autant morts et de ravages que
les affrontements eux-mêmes. Il suffit d’imaginer l’état dans lequel la Syrie
se trouve déjà...
Auteur
de Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé, 2005) et intervenant sur ce théme vendredi 11 octobre aux Rendez vous de l'Histoire de Blois
1 commentaire:
Consternant!
Concrètement, que faire???
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