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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mercredi 6 août 2008

Réac, antisémite, nationaliste borné, Soljenitsyne n'est plus un héros depuis longtemps

6 août


Nous venons de voir défiler des odes dithyrambiques à Soljenitsyne. Il en est ainsi des disparus qui ont été transmutés en symbole par le temps, l’histoire et les luttes idéologiques. Les laudateurs habitués de la brosse à reluire, seule geste littéraire politiquement correcte après un décès et avant le jugement de l’Histoire, oublient que si Alexandre Soljenitsyne fut le très grand écrivain de ses souffrances et des souffrances de son pays sous le stalinisme, il fut par la suite un historien médiocre. Il a souvent raconté et écrit n’importe quoi sur la terrible histoire de son pays sous Staline, passant sous silence que, bien que toujours dictatorial, le pays avait ensuite changé. A partir d’Août 14, il devint un historien peu crédible de l’URSS, oubliant par exemple la transformation économique et industrielle et le déferlement d’une culture qui même si elle était à sens unique a profité à tous les Soviétiques. Le « grand écrivain » ne travaillait que sur des sources de seconde main et ré-écrivait l’histoire, rejoignant ainsi une grande tradition russe reprise par le pouvoir soviétique et par Poutine. Soljenitsyne était de plus en plus difficile à lire, ayant progressivement perdu ses talents d’écrivain peut-être parce que ce talent ne tenait qu’à l’horreur politique et humaine qu’il avait subie. En fait, il a construit sa réputation sur ses premiers livres et sur son statut (ou sa statue) de « vainqueur » de l’Union soviétique. Il aussi peu vaincu l’URSS que Jean-Paul II. On oublie en France, dans la rage d’enterrer une période de l’histoire pour laquelle je n’ai aucune nostalgie, n’ayant jamais appartenu au parti communiste ni été proche de lui, que celui qui terrassa l’URSS s’appelle Mikhaïl Gorbatchev et qu’il le fit sans que le sang soit versé. Ce qui signifie que le système qui a « produit » Soljenitsyne, a aussi « produit » l’homme politique qui fut son liquidateur conscient et organisé. Avec l’aide d’Andreï Sakharov qui lui eut à la fois le courage de s’opposer et de rester. Et dont je me souviens qu’avant sa mort, un jour, devant le Soviet suprême où il siégeait comme parlementaire après son retour, il me confia qu’il fallait autant se méfier de Soljenitsyne que de Boris Eltsine. L’académicien qui avait été rendu à la vie politique et intellectuelle par Gorbatchev les tenait, chacun dans leur spécialité, pour des faussaires ; c’est le mot qu’il employa ce jour là alors que nous nous promenions entre les églises du Kremlin.

Il parait qu’il ne faut pas dire ou écrire que Soljenitsyne fut anti-sémite, réactionnaire et nationaliste et tout juste concéder du bout des lèvres qu’il ne s’agirait que d’une dérive de sa fin de vie. Non, au temps, au début des années 70, au temps où je lui apportais clandestinement à Moscou ses livres publiées en France sur du papier bible par les Editeurs réunis, au temps où je rapportais en France quelques uns de ses discours et interventions (notamment son éloge funèbre du rédacteur en chef de la Literaturnaya Gazeta) avant de les publier dans Politique-Hebdo, il était déjà profondément réac. Cela se lisait dans ses textes qui ne circulaient même pas encore sous le manteau et qu’il n’était possible de se procurer qu’en rusant avec le KGB qui me suivait partout. Du temps, le même, où il était hébergé par Rostropovitch à Barvikha dans la banlieue chic de Moscou, Soljenitsyne était déjà également anti-juif et nationaliste. Et aussi déjà désagréable, ce qui fut le moindre de ses défauts. Mais de cela, moi le premier, on ne parlait guère pour ne pas ternir la réputation d’un opposant emblématique au régime présidé alors par Brejnev.

Alexandre Soljenitsyne, qui se persuada finalement, avec l’aide des médias, qu’il était le prophète russe du XX éme siécle, commit un jour l’erreur de vouloir le vérifier en entreprenant en 1994 un surprenant retour en Russie par le train qui traversait la Sibérie. Un périple qui lui signala durement qu’il n’était pas le prophète qu’il imaginait : les foules n’étaient pas au rendez vous dans les gares du transsibérien et son caractère acariâtre s’en aggrava, il avait été profondément blessé par cette indifférence qui n’était ni de l’oubli ni de l’ignorance, mais de la méfiance. Car tous ses livres interdits avaient été publiés les uns après les autres sous le règne de Mikhaïl Gorbatchev auquel il n’apporta jamais le moindre appui, préférant revenir au pays sous Boris Eltsine plutôt que du temps de la perestroïka, au moment où son geste aurait été apprécié des Russes. Dans cette logique, de sa retraite moscovite, il apporta souvent son soutien à Vladimir Poutine tout en dénonçant la corruption de la société. Prise de position parfaitement compréhensible: dans ce président dont le coup d’Etat déposa Eltsine dans la tradition des fratricides luttes tsaristes, il avait trouvé ce dont il rêvait à voix haute : un nouveau tsar ; alors que Gorbatchev surgit par surprise et à une voix de majorité d’un bureau politique qui ne se méfia pas, fut l’homme qui misa sur la démocratie qui déplaisant tant à l’écrivain confit dans la religion orthodoxe.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

hé !

Anonyme a dit…

C'est aussi beau qu'un éditorial de La Pravda de 1970. Encore bravo ! Le monsieur qui a écrit de telles sottises semble être un spécialiste considérable. C'est tellement bourré d'erreurs que je ne vois qu'une seule explication : le monsieur n'a jamais lu une ligne de l'écrivain qu'il insulte.
Pas grave ? Disons, pas si grave. Quant à la fable concernant des papiers que Soljenitsyne aurait confiés à l'auteur de ce pauvre poulet, il faudrait simplement être un couillon pour croire cela vrai. Il faudrait TOUT ignorer de qui était réellement Alexandre Issaïevitch.
Il y a donc de la blague dans l'air, mais je ne la trouve pas si drôle. Je dois être, moi aussi, une réactionnaire et une antisémite. Au moins !

Nun