A la conférence de Lima, les diplomates condamnent la planète au réchauffement
Bien
que prolongées d’une trentaine d’heures alors que de nombreux délégués étaient déjà
partis ou trainaient leurs valises dans les couloirs, les négociations de Lima ont finalement
abouti à un vague accord ; plus par lassitude que par convictions politiques
partagées. Et parce que le gouvernement français ne souhaitait pas que tout
reste à faire lors de la rencontre de Paris dans un an. Le ministre des
affaires étrangères français a d’ailleurs prolongé son séjour dans la capitale
péruvienne pour éviter la catastrophe –pas d’accord du tout- qui se profilait
depuis vendredi matin. Mais la communauté internationale, dominée par le G20 et
l’Union européenne, n’a quand même rien fait pour transformer les beaux
discours en promesses d’un monde moins perturbé par les dérèglements
climatiques. Qu’elles étaient belles,
quelques jours auparavant, les envolées lyriques des uns et des autres
s’efforçant de s’auto-persuader que « la
situation est grave et qu’il faut agir vite ». Ce qui ne les a pas
empêchés de remettre l’essentiel à plus tard et peut-être à jamais. En lisant
les détails du texte final
laborieusement élaboré, on retire l’impression que les diplomates et les
ministres n’ont pas lu ou bien ont parcouru distraitement le dernier rapport du
GIEC. Et qu’ils n’ont pas écouté les dizaines de milliers de participants à la
marche des peuples qui a parcouru les rues de Lima le 10 décembre. En repartant
les diplomates auraient pu faire leur la célèbre phrase : « Nous étions au bord de l’abime mais
nous avons fait un grand pas en avant… »
Aucune
mesure contraignante, aucun engagement précis ne figure dans un texte adopté
parce qu’il fallait avoir l’air de faire quelque chose tout en « obéissant » aux injonctions
des milieux économiques, industriels et pétroliers qui ne veulent ni abandonner
l’économie des énergies fossiles –y compris les plus polluantes- ni infléchir
les processus de fabrication. Tout est renvoyé, et sans la moindre contrainte
d’objectifs, aux contributions que les 195 pays participants devront faire
parvenir à la co-présidence française et péruvienne avant le mois de juin 2015
pour préparer le mythique Accord de Paris.
Lequel devra (disons « devrait ») être signé à l’issue de la conférence
organisée par la France au mois de décembre prochain. Comme l’expliquent dans leur conclusions les responsables d’Oxfam
« les négociateurs ont évité le
naufrage sur les côtes péruviennes, mais un avis de gros temps est annoncé sur
la route de Paris-climat en 2015 » ; et ils ajoutent « on attend des pays les plus
vulnérables qu’ils signent dans un an un nouvel accord à Paris alors même
qu’ils n’ont aucune garantie sur la tenue des engagements pris à Copenhague il
y a déjà cinq ans ».
Sans le
moindre engagement pour 2020, il est devenu évident à Lima que l’hypothèse
d’une augmentation moyenne de la température du globe de 3 degrés est désormais
probable, étant clair qu’il ne s’agit là que de la perspective la plus
« optimiste » ; alors que l’objectif officiel des 2 degrés
représente déjà une menace pour des centaines de millions de terriens, à
commencer par les plus pauvres. Les pays les plus faibles, les plus démunis
n’ont pas su, n’ont pas eu la force ou n’ont pas voulu, s’opposer à la logique
des pays industrialisés. La Chine, les Etats-Unis ont réussi à maintenir leur
diktat en se dissimulant, aidés par l’Inde et l’Australie, derrière des
engagements pris il y a quelques semaines pour faire illusion auprès des
opinions publiques, engagements que le texte de Lima ne les contraint même pas
à tenir. Ce n’est pas par hasard que cet « accord a été
intitulé « Appel de Lima pour une
action climatique ». Il s’agit d’une simple pétition de principe qui
aurait pu être publié auparavant lors des conférences tenue au Qatar, à Cancún
ou à Varsovie. L’envoyée spéciale des Nations Unies, Marie Robinson dont le
dépit était évident dans les couloirs de la conférence a d’ailleurs fort
justement expliqué dimanche matin : « les
gouvernements ont fait le strict minimum pour garder le processus de
négociations multilatéral en vie, mais ils n’en ont pas fait assez pour
convaincre que le monde était prêt à adopter un accord sur le climat ambitieux
et équitable l’an prochain à Paris ». Cette Irlandaise qui fut Haut
Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme entre 1997 et 2002 sait de
quoi elle parle quand elle évoque le sort des habitants des pays du Sud qui
sont les plus immédiatement menacés par les dérèglements climatiques. Mais
comme le Secrétaire général de l’ONU elle s’est révélée incapable de convaincre
les pays riches de faire un effort pour sauver la planète.
Quelques
heures après le regrettable renoncement politique et économique que représente
le pseudo accord de Lima, se posent au moins trois questions : les
conférences climatiques servent-elles à quelque chose ? Les associations nationales
ou internationales « agréées » par les Nations Unies pour porter plus
ou moins gentiment la contestation ont-elles un poids suffisant ou
crédible ? Et la société civile qui manifeste dans les rues et qui sera
plus offensive que jamais à Paris, peut-elle espérer remettre en cause les
égoïsmes des Etats et les intérêts des industriels ou de la finance ?
Sur le
premier point, j’ose penser qu’elles servent au moins à maintenir la vigilance
des populations secouées par les événements climatiques graves qui se
multiplient. Sur le second point, je crois de plus en plus, après avoir
participé à nombre des réunions de l’ONU, qu’elles se font des illusions sur
leur efficacité dans la mesure où elles se « technocratisent » de
plus en plus. Et pour ce qui concerne la société civile qui manifeste, je
crains qu’il ne lui reste que la véhémence ou la violence pour empêcher le
pire.
Reste
enfin la crainte que l’échec de Lima ne renforce l’action de ceux que l’on
nomme les anti-réchauffistes. Ceux qui prennent appuis sur la désinformation
répandue par les milieux les plus conservateurs. Pas seulement aux Etats-Unis
où ils surfent sur leurs récentes victoires électorales généreusement financées
par les milieux industriels…
3 commentaires:
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