désastre écologique au Darfour
15 juillet
L’annonce de l’inculpation du président du Soudan pour « génocide » ou « crimes contre l’humanité », outre qu’elle risque de rester sans effet pratique, masque une autre réalité que j’ai pu constater sur place : la guerre des « cavaliers », arabes et plutôt proches des éleveurs contre des paysans africains noirs du Darfour a pour terrible conséquence la destruction de l’environnement et de la nature dans une zone immense (prés de 800 000 Kms 2) déjà touchée par le changement climatique. L’éradication des villages, la destruction des cultures entraîne une accélération de l’érosion et facilité la progression du désert. D’autant plus que, symboliquement, les « cavaliers » coupent systématiquement les arbres qui marquent le paysage et les villages. Les arbres ont, depuis des milliers d’années deux fonctions : abriter les maisons et une partie des cultures et servir de repères dans la géographie de ces régions. Au points que certains d’entre eux, en raison de leur taille et de leur ancienneté, figuraient sur les cartes topographiques des Anglais qui ont longtemps colonisé et contrôlé le Soudan.
Tandis que les agriculteurs se réfugient dans les villes ou dans les camps plus ou moins bien alimentés et gérés par les agences des Nations Unies et les organisations humanitaires comme Médecin du Monde, les immenses zones rurales abandonnées ou livrées à des troupeaux de plus en plus importants se dégradent rapidement. Au point que les nappes phréatiques baissent et que nombre de puits s’assèchent et que la faune et la flore déclinent rapidement. Les micro-climats entretenus par les arbres et les cultures disparaissent. Une partie du Darfour est en voie de désertification, un phénomène qu’aucune force internationale de l’ONU ou des Etats africains ne pourra enrayer. De l’autre côté de la frontière, au Tchad, là où sont installés plus de 200 000 réfugiés, on constate le même phénomène : pour faire leur cuisine, les familles venues du Darfour sont contraintes de couper du bois et des buissons dans la savane arbustive. Ce qui accélère d’autant plus une autre désertification que, pour alimenter en eau les camps, les ONG et les Nations Unies ont du creuser des puits profonds : la consommation d’eau a pour effet de faire baisser les nappes souterraines de la région, ce qui prive d’eau les oueds et les arbres qui les bordent.
Reste ensuite à savoir si, la guerre intermittente qui se déroule depuis quelques années au Darfour, peut-être qualifiée de « génocide ». Pour ma part, si je me réfère au Rwanda, autre expérience vécue il y a quelques années, j’ai tendance à répondre par la négative. Il faut faire attention à l’utilisation de ce mot. Et se demander, notamment, pourquoi il est systématiquement d’abord utilisé aux Etats Unis...
Il ne s’agit pas de nier le nombre des morts et des réfugiés, intérieurs et extérieurs, mais de se demander qu’elle est, dans toute cette région l’importance du mot pétrole....
Dans mon cours « Guerres et environnement » du prochain semestre du département de géographie à l’Université de Paris 8 je reviendrais longuement sur cet aspect des choses et sur le fait que les guerres intérieures interviennent majoritairement dans des régions riches en pétrole...
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