Afghanistan: il y a moins d'accidents de travail mortels dans l'armée que dans le batiment
21 août
J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce qui suit, car ce n’est pas politiquement correct.
Je compatis à la mort des soldats français en Afghanistan. Pour eux et surtout pour leurs familles, leurs enfants. Mais...
Ces militaires sont tous des engagés volontaires bien payés, avec primes pour séjour à l’étranger et sur un champ de bataille. L’armée n’est pas un terrain de sport. S’engager dans une unité militaire, surtout dans les régiments envoyés en Afghanistan (et un jour en Irak, n’en doutons pas) implique qu’un jour ou l’autre on tue ou on est tué. Les militaires (français ou autres) présents en Afghanistan ne constituent pas (comme au Liban, comme au Kosovo, comme en Bosnie, comme au Timor, etc.) une force de paix des Nations Unies, mais des unités combattantes. Donc ils mènent des batailles, donc ceux qui ont été tués dans une embuscade il y a quelques jours, ont été victimes d’un accident du travail. Nul n’a organisé une émotion et des obsèques nationales pour les 158 ouvriers du bâtiment qui sont morts (dernier chiffre connu) sur leurs lieux de travail en 2006, ni pour les 379 autres travailleurs, essentiellement des hommes, tués dans un accident du travail. Aucun de ceux là n’a pas reçu la légion d’honneur.
D’autre part l’on s’émeut moins, pour ne pas dire pas du tout, pour les milliers de civils afghans (femmes et enfants compris) qui ont été tués « par erreur » depuis 2001 lors des bombardements, aériens ou au canon, des unités occidentales (pas seulement américaines) destinés à débusquer les Talibans. Combien de civils auront été tués au cours de la chasse aux mythiques Ben Laden et Mollah Omar ?
Ensuite, la présence des Occidentaux en Afghanistan serait plus « efficace » si les sommes consacrées à la guerre n’étaient pas très largement supérieures aux sommes « attribuées » (je n’écris pas dépensées...) pour la reconstruction et de développement économique du pays. Chaque jour les forces américaines dépensent 100 millions de dollars. D’autre part, depuis deux ans, les activités « humanitaires » des militaires ont été fusionnées avec leurs activités de lutte contre les Talibans. Pas de quoi attirer les sympathies de la population.
Enfin, sur ce terrain que je connais bien, l’environnement (rares forêts qui restent, par exemple, ressources en eau, déchets) est négligé et détruit. Kaboul, comme d’autres villes, est de plus en plus polluée par les plastiques et les rejets chimiques dans les eaux et l’atmosphère. Quand aux terres qui avaient été préservées pendant des siècles, elles sont désormais gagnées par l’érosion, particulièrement éolienne. Notamment dans les régions où des ONG irresponsables (il y en a des milliers !) ont foré des puits qui ont asséché les systèmes d’irrigation traditionnels (canaux enterrés pour éviter l’évaporation) qui avaient permis aux Afghans de mettre en valeur les terres dans un climat difficile. Ceci dans la plus grande indifférence des Occidentaux (civils comme militaires) et de la majeure partie des responsables afghans minés par une extraordinaire corruption.
Enfin encore, il faut rappeler que faute de remise en valeur agricole du pays avec des semences adaptées (remplacées par celles du PAM et par des OGM) la surface des terres vouées à la culture du pavot n’a jamais été aussi vaste dans toute l’histoire du pays: du temps de la Royauté au temps des Talibans en passant par la présence soviétique...
Nota Bene daté du 23 août: 76 civils, essentiellement des femmes et des enfants afghans, tués vendredi dans l'ouest du pays par une erreur d'un bombardement américain et anglais effectué comme d'habitude (pour limiter les risques) d'une haute altitude. Certains politiques ont fait part de "leurs vifs regrets", les présidents français et américains n'ont rien dit et Nicolas Sarkozy n'a pas annoncé qu'il irait sur place...
14 commentaires:
Pas politiquement correct, certes, mais j'approuve, quand à moi ces réflexions.
On a tendance à oublier qu'une guerre, c'est une guerre, avec tout ce que cela comporte de destructions et que les morts ne sont pas virtuels, comme sur un console de jeux.
Approbation inconditionnelle de la qualification d'«accident du travail» pour ces 10 militaires morts. Des soldats qui meurent à la guerre, c'est triste mais c'est un peu normal.
C'est tout de même un comble qu'on s'émeuve plus de la mort des militaires que de celle des civils ! Certes les civils concernés ne sont pas français, mais quand même...
Nous nous sommes permis de reprendre votre excellent article sur notre blog http://www.lesverts-lachapellesurerdre.fr/ en vous mettant, bien sûr, en référence.
Si ce procédé vous dérange, merci de nous le signaler, et nous le retirerons.
Les Verts de La Chapelle sur Erdre.
Merci à tous, je me sens un peu moins seul dans le concert des lamentations (pas celles des familles) aussi sirupeuses que convenues.
CMV
Pas de probléme pour la citation, ce blog n'est ni clandestin ni honteux
Ce n'est que par une erreur de manipulation que mon commentaire précédent est marqué comme anonyme.
Claude-Marie Vadrot
Bonjour,
Analyse politiquement non correcte mais pas non plus anti-militaire primaire, réflexe encore commun du paysage gauchiste ou écologiste français. A mon avis, plusieurs effets typiques de l’émotion médiatique se distinguent dans cette histoire :
• L’effet du nombre : un accident dans le bâtiment avec 120 victimes n’a pas du tout le même impact que 120 accidents d’une victime. On peut aussi comparer l’impact médiatique d’un crash d’avion avec 120 victimes et dix jours d’accidents de la route avec le même bilan.
• L’effet patriotique : pour un français, un mort français ne vaut pas un mort Afghan.
• L’effet PIB : Fort PIB = forte puissance médiatique = forte valeur médiatique des victimes. A ce titre, il vaut mieux mourir dans le crash d’un Boeing américain, que d’un avion nigérien pourri.
• L’effet de la nuisance volontaire: suis-je la victime d’une agression délibérée ? Ce n’est pas la même chose de mourir d’un attentat suicide que de mourir de froid sous un pont.
On peut alors se demander ce que vaut un politique qui se décide au gré de l’émotion médiatique.
Amicalement,
DelDongo
D'accord avec tout et à la dernière questions sur la valeur des politiques se décidant au gré de l'émotion médiatique (qu'ils conditionnent en partie), à chacun de mettre un nom sur Nicolas et sur les hiérarques du PS.
ps Non, malgré mon passé libertaire (encore présent...) je ne suis pas systématiquement anti-militariste. Parce que je ne suis pas naïf à ce point et aussi, parce que parmi les officiers, dans les theatres d'opération que je fréquente, j'en trouve de plus en plus fréquemment qui sont à la fois cultivés et intelligents. Je pense, pour le passé récent, à deux officiers de gendarmerie rencontrés il y a quelques jours au Kosovo.
Par contre on ne peut pas dire que le niveau du soldat de base soit en train de s'élever...
Claude-Marie Vadrot
Encore une erreur pour la signature du message précédent.
CMV
essai
Votre analyse est bonne car réfléchie.
Le pouvoir médiatique correspond avant tout à une émotion. Une société ne vit pas d'émotion mais de réflexion.
Et surtout, une politique,qu'il s'agisse de Nicolas Sarkozy ou de Bernard-Henry Lévy qui a, une fois de plus, comme en Bosnie ou Pakistan, tout vu en quelques heures, ne doit pas se construire sur les émotions. Bientôt, le parlement votera des lois quelques heures aprés avoir lu les journaux.
CMV
PAS ANONYME? CE TEXTE? JE LE SIGNE!!
cmv
Au fait, hélas, le chiffre des civils afghans tués par erreur il y a quelques jours est maintenant de 90 morts. Ce qui porte le total (donc beaucoup de femmes et d'enfants) à 620 depuis le début de l'année...
Ofiiciellement
cmv
bien dit.
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