Sarkozy décide d'un nouveau réacteur nucléaire à Penly en oubliant la loi
En annonçant qu’il donnait son feu vert pour un nouveau réacteur nucléaire qui sera construit à Penly en Normandie, le Président de la République a oublié un léger détail : la construction d’une installation nucléaire, comme tout aménagement (autoroute, TGV, port, incinérateur, ligne à très haute tension, etc.), doit être précédée, d’après la loi de 1983, par une enquête publique qui permet, pendant un délai minimum d’un mois, éventuellement prolongée deux fois de quinze jours, à une Commission d’enquête, de recevoir les avis des adversaires et les partisans de la construction avant de donner son avis. Lequel est, notamment, soumis au ministère de l’Ecologie avant toute décision. Il est également en principe nécessaire, auparavant, d’après une loi de 1995 dite « Loi Barnier », de saisir la Commission Nationale du Débat Public. Laquelle doit organiser une ou plusieurs confrontations entre les porteurs du projet et ceux qui objectent à la construction. Ainsi est la législation, issue à la fois de la gauche et de la droite, que Nicolas Sarkozy a oublié, tout comme les la plupart des élus régionaux, droite et gauche confondues, qui commentent déjà bruyamment tous les supposés avantages qu’ils pourraient retirer du projet. Autrement dit, une fois de plus, le Prince élyséen et les élus tiennent la population pour quantité négligeable, bafouant un processus à la fois légal et démocratique.
Mais reste en outre à se demander si le projet est rentable et surtout si les cinq milliards (minimum, si l’on songe aux dérapages financiers actuels, en France et en Finlande) que devrait coûter ce projet, ne seraient pas mieux utilisés pour développer les économies d’énergies, des installations éoliennes, des panneaux solaires ou des centrales locales ou régionales utilisant la biomasse. Autre interrogation : est-il vraiment nécessaire de chauffer de plus en plus de gens (comme les fameuses « maisons Boutin à 15 euros) à l’électricité au risque de leur imposer de dépenser des fortunes dans des logements mal isolés. Il faudra aussi discuter pour savoir, après la récente tempête, si la dépendance envers un système centralisé de production électrique est la meilleure des solutions. On pourra également, au cours de cette enquête publique qui ne peut pas être écartée d’un simple ukase princier, si les 5 milliards, ne pourrait pas être, au moins en partie, employé pour enterrer un certain nombre de lignes électriques dont EDF répète depuis une semaine, sans que le chiffre soit contesté ou contrôlé, que cette solution, pour être menée à bien sur tout le territoire, entraînerait une dépense de 100 milliards d’euros.
Enfin, les élus se répandent dans les gazettes nationales et régionales, pour expliquer que la construction créera 3000 emplois. En oubliant de dire au moins quatre choses : d’abord que les ouvriers et techniciens ainsi employés seront majoritaire « importés » d’ailleurs, que ces emplois feront surtout la fortune des boites d’intérim qui s’agitent déjà dans toute la France pour recruter alors que la processus de décision n’est pas enclenché, que les travailleurs au noir seront légion et que les emplois ainsi crées seront éphémères. Au total, quand le nouveau réacteur sera mis en place, il n’emploiera au plus que 250 personnes qui viendront non pas de Normandie mais des 19 autres centrales nucléaires dans lesquelles EDF procèdent depuis trois ans à des compressions de postes.
Reste aussi les dangers potentiels entraînés par un réacteur, l’EPR, dont il avait été dit et répété par son concepteur Areva, qu’il était expérimental. Pour avoir effectué une dizaine de reportages dans la région de Tchernobyl, je sais à quel point un accident peut être ravageur, à quel point une faille technique ou une erreur humaine peuvent être désastreuses. Un seul exemple : il y a quelques jours, en se trompant de fil à débrancher dans une armoire électrique de la centrale de Dampierre en Burly, un technicien a provoqué l’arrêt brutale d’un réacteur, arrêt qui aurait pu être catastrophique comme je l’ai raconté, sans être démenti par quiconque, il y a quelques semaines dans un roman, tiré d’une fiction diffusée par Arte : « Inéluctable, le roman d’un accident nucléaire en France ».
Le projet de Penly illustre parfaitement le fonctionnement d’un pays où toutes les décisions partent de l’Elysée au mépris des textes, lois et procédures prévues par une législation qui n’est pourtant pas draconienne. D’autant que pour fustiger les opposants, ceux qui, par exemple, rappellent que le Grenelle de l’Environnement n’aura servi qu’à émettre des rideaux de fumée, le pouvoir est disposé à répéter qu’ils sont de mauvais Français, voire des « terroristes ». Puisqu’il est question, au ministère de l’Intérieur, de ranger dans cette catégorie tous les écologistes qui contestent la « politique de la France » en matière d’aménagement. Ainsi ont été récemment menacés quelques uns des leaders de ceux qui, dans le Sud-est (ils ont manifesté le samedi 31) veulent remettre en cause, non pas le TGV, mais son passage dans l’arrière pays de la Côte d’Azur. Qui sera le Julien Coupat de Penly ? la question est déjà posée au ministère de l’Intérieur chargé de contrôler la contestation d’un projet qui n’est encore qu’une vague étincelle dans le cerveau présidentiel.
4 commentaires:
Erreur :
il n'y a pas de cerveau à l'endroit mentionné !
Tout au plus une bouillie en putréfaction.
Je découvre ce blog (je ne connaissais que les livres) que je trouve vraiment très intéressant. Bravo.
ce soir FR3,20h35,malgré l'attaque d'Areva contre cette emission,madame Lucet a fait une enquete sur le scandale de l'uranium en France ,mis partout,sous les routes etc,un scandale qui va faire du bruit!
Merci pour ce texte plein de sagesse.
Une petite vidéo à faire tourner :
http://www.gandhivert.fr/carte-des-centrales-nucleaires-et-des-cancers-en-france-701.html
A bientôt !
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