Choses vues et entendues à Slaviansk
Il y a quelques jours dans l'est de l'Ukraine (Article paru dans Politis)
Vue du centre de
Slaviansk, ville de 120 000 habitants de l’Est ukrainien, la situation
n’est pas simple à comprendre car la foule ne se presse pas pour soutenir les
« militaires » inconnus qui ont pris le contrôle de trois bâtiments.
Deux appartenant à la police et un à l’administration de la région. Pas de
soutien populaire visible, mais pas non plus de grande démonstration de
protestation. Les occupations en cours, les déposes de drapeaux ukrainiens
remplacés par les couleurs russes ne passionnent qu’une foule clairsemée ;
essentiellement des femmes et quelques miliciens munis de gourdins et de
boucliers. Les habitants de cette cité située à une centaine de kilomètres de
la frontière de la Fédération de Russie vaquent à leurs occupations
quotidiennes habituelles, simplement préoccupés des prix alimentaires qui
grimpent de jour en jour. L’assaut mené par des forces de l’ordre
ukrainiennes, avec son bilan de deux ou trois morts, n’a pas mis la ville en
ébullition ; et lundi, beaucoup d’habitants ignoraient encore l’incident. En
conversant, en russe, avec les occupants lourdement armées et venus sur place
en camions sans immatriculation, il est facile de comprendre qu’ils ne sont pas
ukrainiens mais russes. Certains ont l’accent de Samara, une ville de la Volga.
A l’écart des autres, une jeune « soldat » affirme être venu de
Crimée. Aveu surpris par l’un de ses responsables au visage recouvert d’une
cagoule qui lui rappelle brusquement « qu’il
ne faut parler à personne, même à des gens qui parlent notre langue sans accent
car les espions fascistes sont partout ». Il ajoute « il faut attendre les ordres pour
parler avec la population, nous devrions recevoir rapidement des renforts ».
Dans cette ville, comme
pour les occupations en cours à Donetsk et dans des petites villes plus proches
de la frontière, les petits commandos inconnus ont surgi avec armes et
munitions mais aussi avec des provisions qui pourraient leur permettre de
résister à un siège de plusieurs jours. Elles portent les mêmes indications que
les rations russes qui commencent à apparaitre sur les marchés de Crimée. Le calme
des occupants, à Slaviansk comme ailleurs, contraste avec l’agitation
désordonnée des milices non armées qui contrôlent des rues du centre et quelques
routes, protégés par des blindés légers sur roues dont nul ne peut savoir s’ils
sont ukrainiens ou bien s’ils ont franchi nuitamment la frontière par la petite
ville de Milove marquant la limite entre la Russie et l’Ukraine à l’extrémité
nord-est de cette dernière. Les véhicules n’arborent aucune immatriculation.
Dans les assemblées où l’ont élit, plus exactement où l’on désigne par
acclamations, des représentants chargés « d’appeler la Russie à l’aide »,
les membres et responsables des commandos, ne prennent jamais la parole, se
contentant d’assurer un semblant d’ordre et de ramasser des motions
laborieusement discutées, comme des surveillants à la fin d’un examen.
Comme si tous savaient
que la suite du théâtre d’ombres en cours dans l’Est de l’Ukraine se jouait
ailleurs. Une pièce à laquelle manque manifestement l’apparente unanimité
populaire qui a permis de faire accepter en Occident l’annexion de la Crimée.
Claude-Marie Vadrot
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