L'affaire des "saboteurs" de la SNCF: quand la justice et les médias prennent le train de la police
Mercredi 19 novembre
Dimanche 16 novembre, neuf membres présumés d’une « cellule invisible » qualifiés « d’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome » par la ministre de l’Intérieur, ont été mis en examen pour « destructions en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». Quatre d’entre-eux ont été mis en liberté sous controle judicaires et cinq incarcérés. Sans qu’il existe, en l’état actuel de l’enquête, la moindre preuve qu’ils aient de prés ou de loin participé aux actes de malveillance qui avaient perturbé une semaine plus tôt le trafic des TGV DU Nord et de l’Est. Ce qui n’a pas empêché la plupart des médias de répéter les vraies-fausses informations répandues par les policiers pour accréditer l’existence d’un « groupe de terroristes », basé à Tarnac en Corrèze, en train de préparer des sabotages. Quelques informations méritent d’autant plus connues qu’elles n’ont pas été répercutées ou examinées par la presse.
L’ultra-gauche?
Gouvernements et ministres de l’Intérieur ont toujours aimé inventer des ennemis de l’intérieur : depuis le début des années 70, ils ont été baptisés « casseurs », « autonomes » et « inorganisés ». Le terme « ultra-gauche », remis au goût du jour a, été inventé dans les années 20 en Allemagne pour qualifier une tendance s’efforçant de marier marxisme-léninisme et anarchisme. Pas grand chose à voir avec des éleveurs de moutons et des épiciers corréziens lisant quelques livres plus ou moins farfelus et préparant un grand soir virtuel au cours de discussions dans un bistrot de la rue Mouffetard. Pour Michèle Alliot-Marie, depuis des mois, ces gens et d’autres constituent officiellement « l’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome ».
Le groupe cellule invisible existe-t-il ?
Pour la Sous Direction anti-terroriste (SDAT) et pour la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), la réponse est positive depuis au moins sept mois, depuis qu’elles ont reçu instructions de « trouver des terroristes français ». Mais ce groupe n’a jamais existé comme structure et le mot choisi à dessein par la police et la justice pour les désigner n’a été que la signature collective d’un livre, « L’insurrection qui vient » (éditions La Fabrique). Livre théorique plutôt fumeux qui n’a rien d’un « manuel de sabotage ». Il n’a fait l’objet d’aucune procédure depuis sa parution le 22 mars 2007 et reste en vente libre pour 7 euros. Une seule réalité : une partie des résidents de Tarnac participaient systématiquement à des manifestations depuis leur installation progressive en 2002.
Les services spéciaux américains
Le couple « principal » des accusés aurait été repéré en janvier 2008 dans une manifestation organisée devant le bureau de recrutement de l’armée américaine qui se trouve depuis des années sur le terre plein de Times Square, à Manhatan. Ni la première ni la dernière des manifestations dans ce lieu symbolique de New York. Quelques jours plus tard le couple aurait été interpellé avant la frontière canadienne pour « défaut de papiers ». Premier mystère: là première fois, depuis septembre 2001, que des policiers américains laissent filer des étrangers avec des papiers suspects. Deuxième incohérence : dans leurs premières distillations « d’informations » aux journalistes, les policiers français expliquent que ce couple était soupçonné d’avoir participé à une dégradation du bureau de recrutement. Jusqu’à ce que l’on apprenne que « l’attentat » a eu lieu en avril, Julien et Yldune étant depuis des mois en France. La version officielle française est pourtant que les services spéciaux américains ont (auraient) signalé le couple deux jours après « l’attentat ».
Un groupe sous surveillance ?
Selon nos informations, au moins depuis deux ans et demie comme la plupart des groupes ou des individus participant régulièrement à des manifestations; la mise en fiche particulière, avec suivi par des officiers de police, des manifestants considérés comme « actifs » ou « récidivistes » a été ordonnée le 25 mars 2006 par Nicolas Sarkozy lors d’une réunion au ministère de l’Intérieur, au lendemain des premières manifestation anti-CPE réussies. Michèle Alliot-Marie a pris le relais en étendant le système de suivi.
Le groupe était-il infiltré ?
La question se pose : à en croire ceux qui ont approché des membres du groupe, dans le XX éme à Paris et en Corrèze, il n’aurait jamais été question, au delà des discours, du moindre passage à l’acte. Si la pose des fers à béton sur des caténaires est prouvée, ce qui n’est pas encore le cas, il se dit dans l’entourage du groupe que parmi les personnes relâchées (il y a eu 21 interpellation le 9 novembre au matin) figurerait un personnage qui a beaucoup insisté, il y a trois mois, pour un passage de la théorie à la pratique, idée qui rencontrait des résistances. L’Histoire des milieux anarchistes est riche d’inflitrations-provocations dans lesquelles la police n’intervient qu’après l’acte illégal « suggéré ». Soupçons à rapprocher d’un témoignage accusateur sous X (anonymat donc garanti) fait « spontanément » jeudi dernier par un membre du « groupe » dans une brigade de gendarmerie du Puy de Dôme.
La ministre de l’Intérieur réinvente le délit d’opinion
Le 13 novembre, un représentant du Parquet de Paris a déclaré : « les éléments recueillis ne permettent pas de les présenter comme coupables, le délit d’opinion n’est pas criminalisé en France ». Le procureur de Paris, sur instructions, a estimé le contraire. Au début de l’enquête, le 8 au matin, les gendarmes ont annoncé disposer d’empreintes et de traces ADN. Dimanche, elles n’existaient plus. Les mises en examen, comme l’expliquent les avocats, ont donc été essentiellement faites sur des présomptions puisque dans l’état de l’enquête, il n’existe aucune preuve. Mais il est vrai que des policiers on confié aux journalistes à propos de Julien « Vous savez il est très intelligent ». Ce qui constitue sans aucun doute une circonstance aggravante.
4 commentaires:
cher Monsieur,
Les(l')auteur(s) de L'insurection qui vient ont/a signé leur/son oeuvre "Comité invisible" et non pas "Cellule invisible".
D'autre part, bien des réflexions consignées dans ce livre me semblent très appropriées à la situation présente!
Bien à vous,
Fabrice.
J'ai utilisé le terme employé par la justice et la police, pas celui figurant dans le livre.
Je ne suis pas passionné par le contenu du livre, mais ce n'est que mon point de vue. Et l'intéret ou non de ce petit livre n'est hélas pas la préoccupation de la police.
CMV
insurrection...désolé pour le "r" manquant!
F.
tout a fait d'accord!!!
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