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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

lundi 29 décembre 2008

Gaza: un enfer environnemental



Le lac des eaux d'égouts dans le nord de Gaza

Ayant souvent séjourné, jusqu’à l’année dernière, à Gaza pour des reportages, sans me prononcer sur la responsabilité des uns et des autres, je voudrais rappeler que Gaza n’est pas un enfer seulement depuis samedi. Depuis plusieurs années, les Gazaouis survivent dans un enfer environnemental. Ils ont droit à toutes les pollutions, lesquelles expliquent l’augmentation des maladies pulmonaires et des intoxications. Le ramassage des ordures, toutes natures confondues, n’étant plus assuré depuis longtemps, sauf parfois dans le centre de Gaza-ville, prés du siége du Hamas, elles brûlent jour et nuit, dégageant des vapeurs irritantes et de la dioxine provenant des plastiques et des batteries usagées. Comme l’électricité n’est plus distribuée à Gaza que quelques heures par jour (les bon jours...) les Gazaouis qui en ont les moyens, mais aussi les administrations et les hôtels de luxe installés sur le bord de mer, mettent en route des petits ou gros groupes électrogènes fonctionnant avec du gazole de mauvaise qualité. Ce qui a pour effet d’augmenter la pollution de l’air.
Touchée par des tirs israéliens, la station d’épuration ne fonctionne plus. Toutes les eaux usées s’en vont donc dans la mer ou bien grossissent l’immense lac d’eau putride qui d’étend un peu plus chaque année dans le nord du territoire, la zone où les combats sont les plus intenses : les maires de la région ont fait dresser les plans d’une nouvelle station d’épuration que l’Europe refuse de financer en arguant qu’elle serait aussitôt détruites par les tirs israéliens. Les mêmes qui touchent souvent la digue bordant le lac, provoquant l’envahissement des maisons et des caves d’immeubles. Au pied des immeubles bordant ce « lac », l’été, l’odeur est insupportable. Comme elle l’est toute l’année sur les bords du Wadi Gaza, la seule rivière du territoire. Un cours d’eau qui constituait il y a des années, une zone de repos pour des milliers d’oiseaux migrateurs, aussi bien des rapaces que des cigognes faisant halte sur leur route les ramenant d’Egypte ou du Soudan. Aujourd’hui, aucune vie n’est discernable dans les eaux du Wadi Gaza dont le fond est tapissée d’algues vertes : plus un poisson. Les nappes phréatiques sont de plus en plus polluées par des produits chimiques et des bactéries : c’est pourtant avec cette eau que les Gazaouis qui en ont la possibilité, en dehors de Gaza-ville notamment, arrosent leurs petits « jardins de survie ». Depuis trois ans, il n’y a jamais eu autant de gastro-entérites et d’empoisonnements mortels, constatent les médecins.
En raison de l’interdiction faite aux pêcheurs par la marine israélienne de gagner le large, c’est dans des eaux polluées, des eaux d’égouts salées, qu’ils prennent de moins en moins en moins de poissons au nageoires souvent rongées par des produits chimiques. C’est dans ces eaux qu’à la belle saison se baignent les enfants et les habitants de Gaza. Avec les conséquences que l’on imagine.
La surpopulation du territoire, probablement aujourd’hui plus d’un million et demi d’habitants pour 378 kilomètres carrés, soit 4200 habitants au kilomètres carrés, a entraîne la quasi disparition des espaces naturels et des espèces sauvages et il faut bien chercher, vers le sud du territoire, pour trouver quelques arbres.
Au-delà de la tragédie des morts, ceux d’aujourd’hui ou ceux d’hier, les habitants de Gaza vivent donc dans un enfer environnemental permanent. Le PNUE, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement l’a d’ailleurs très bien décrit il y a quelques années. En expliquant que sur tous les points la situation n’est guère plus enviable en Cisjordanie. Malheureusement, ce rapport qui est à la fois prudent et courageux, a fini dans les tiroirs des Nations unis et d’un certain nombre de gouvernements.
La destruction de la santé par l’empoissonnement des ordures ménagères qui brûlent, on la retrouve aussi en Cisjordanie où la situation politique fait que le parcours d’une benne à ordures dure deux à trois jours. Au point que les colons israéliens finissent par se plaindre des effluves empoisonnés qui finissent par les atteindre, la Cisjordanie se transformant peu à peu comme Gaza en un véritable champ d’ordures encombrées de carcasses de voitures, de camions et de réfrigérateurs.
Une dernière remarque sur l’environnement dans Gaza : la pollution par le bruit. Il y a d’abord celui des armes et des bombes auxquelles les gens ne s’habituent pas, mais aussi toutes les nuits pratiquement le bruit des avions qui pour des raisons de guerre psychologique passent volontairement le mur du son au dessus de Gaza-ville. Les adultes et surtout les enfants sont réveillés plusieurs fois la nuit par un ou plusieurs avions supersoniques. Quand on est journaliste, on passe huit jours, quinze jours, et on oublie rapidement ces réveils en sursaut et le sommeil repris dans l’attente de la prochaine explosion supersonique. Quand, on est sur place, on finit par sinon devenir fou, ou tout au moins avoir des problèmes psychologiques. Ce dont témoignent les rares médecins étrangers travaillant dans le territoire A ce propos, une anecdote vécue : je ne parle pas l’arabe et quand je suis à Gaza, un interprète travaille régulièrement avec moi Un samedi soir, il y a quatre ou cinq mois, je l’ai invité avec sa femme et ses deux enfants à l’hôtel où j’étais, espèce d’oasis pour étrangers au bord de la mer. Nous avons passé une soirée agréable ; les enfants étaient plutôt contents, et nous sommes repartis dans les rues de Gaza. J’ai raccompagné en voiture l’interprète, sa femme, sa famille, et brusquement il y a eu des pétards qui ont éclaté dans la rue. C’était un mariage tout simplement, rien de grave, mais les gosses ont hurlé, gueulé pendant une heure à cause de ce bruit, qui les avait totalement traumatisés, parce que pour eux un bruit c’est la guerre, il ne faut jamais oublier cela quand on parle de Gaza : la pollution par le vacarme.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Sans établir de responsabilités on sent quand meme que le peuple de Gaza est génocidé...

Anonyme a dit…

Il est clair que les Israéliens tuent à petit feu chimique et biologique, et psychologique, ces Palestiniens. Certains militaires ou politiques israéliens doivent parfaitement s'en rendre compte et s'en servir.

Mais à vous lire, Claude-Marie, je me pose plus de questions encore : tout d'abord, pourquoi les "journalistes" classiques (conformes) ne dressent-ils pas ce tableau ?… Parce que la réalité physique, c'est trop compliqué (comme toujours, la Sainte Économie c'est quand même plus facile à présenter) ? Parce que ce serait prendre parti car ça retournerait l'opinion en faveur des Palestiniens ? Parce qu'on ne les a pas formés à penser et enquêter ?

Et une autre interrogation : quelles sont les causes de cette surpopulation : afflux massif (continu ?), natalité très importante (influence des religions ?) ? Et dans quoi vivent ces gens si densément groupés : des immeubles (construits quand et dans quelles conditions), des bidonvilles ?

Anonyme a dit…

D'abord, réponse à Jean-Christophe, attention à l'utilisation du mot "génocide". Ils sont trés rares les génocides: il y a celui des Juifs et des Tziganes pendant la seconde guerre mondiale, ensuite celui des Tutsis par le Hutus. On peut éventuellement étendre le mot au massacre des Indiens, en Amérique Latine comme en Amérique du Nord. Le génocide c'est quand on tue tout ou partie d'une population simplement en raison de son appartenance à un peuple, voire à une religion. Ce n'est pas le cas dans le conflit entre Israël et les Palestiniens.
Pour tout le reste, on entre dans le domaine, toujours subjectif, de crimes de guerre.

Anonyme a dit…

Les Israéliens connaissent les conditions environnementales de Gaza et aussi de la Cisjordanie même si c'est "moins pire".
Ensuite, je ne suis pas le seul journaliste à évoquer l'enfer de Gaza, il n'y a pas Vadrot et "les autres" mais il est vrai que, souvent, y compris dans mes papiers, c'est l'actualité politique et guerrière qui prime. Reste, c'est le plus important, ma sensibilité particulière aux questions d'environnement qui co-existent avec mes activités de reporter de guerre depuis que je suis journaliste. Ce qui est rare. Ce n'est sans doute pas par hasard que l'un des livres les plus saisissants (La vie en cage) sur la vie à Gaza, avec photos, ait été publié il y a quelques années par Hervé Kempf, journaliste écolo du Monde.
Plusieurs explications à la surpopulation:
-D'abord les réfugiés des guerres précédentes, surtout celle de 47-48, dans ce qui a été longtemps un territoire sous mandat égyptien.Ils représentent, avec leurs descendants, au moins la moitié de la population et c'est à eux que les Nations Unies apportent une aide alimentaire en tant de réfugiés.
- Ensuite depuis quelques années, les Palestiniens ne peuvent plus sortir de Gaza.
- Jusqu'à une date récente (deux ou trois ans, de mémoire), une centaine de milliers de Palestiniens de Gaza allaient travailler en Israël. C'est terminé, d'où le chômage.
- Trés peu de bidonvilles à Gaza, mais, dans Gaza-ville comme au nord et au sud, des immeubles où, autrefois il y avait de l'eau, du gaz et de l'électricité à tous les étages.