L'ecologie selon Ségolène Royal
22 Avril
Donc, il ne reste plus qu'à écologiser le programme de Ségoléne Royal. Pour voir si c'est possible, voici ce qu'elle a répondi à mes questions mercredi dernier. C'est un peu long, bien sur, mais cela mérite d'être lu attentivement.
Madame Ségolène Royal s’explique sur l’environnent et la protection de la nature
Interview réalisé par Claude-Marie Vadrot
pour l’association des Journalistes pour la nature et l’écologie
Nicolas Sarkozy et François Bayrou n’ont pas souhaité répondre aux journalistes spécialisés pas plus d’ailleurs qu’aux membres du Comité 21. Pour ce qui concerne Dominique Voynet et José Bové, les lecteurs pourront trouver le compte rendu des deux rencontres sur ce site.
C.-M. V. Plutôt que de créer un vice-premier ministre chargé de l’environnement, dont les attributions seront difficiles à définir, pourquoi ne pas nommer un ministre de l’écologie dont la seule tache, au cours de votre mandat, serait de faire appliquer les lois françaises et les directives européennes déjà existantes ?
S. R. Bien évidemment il est essentiel que, en matière d’environnement comme dans d’autres
domaines, l’Etat soit exemplaire et applique de manière rigoureuse les lois françaises et les
directives européennes. Cependant, pour faire face à la crise écologique globale, nous
devrons aller bien au-delà de la seule application des lois existantes. Nous devons engager
une véritable transformation de notre projet de société, une transformation qui mette au
même rang d’importance la relance durable de l’économie, la protection sociale et
l’excellence environnementale. Nous devons promouvoir une réflexion de fond sur la qualité
de la croissance. Si la croissance reste le moteur de notre société, nous ne pouvons
continuer à alimenter ce moteur en prélevant les ressources naturelles au delà de leur
capacité de régénération. Nous ne pouvons continuer à faire fonctionner ce moteur en
accumulant des polluants et des déchets au-delà des capacités d’absorption de notre
planète. Nous devons donc redéfinir nos modes de production et de consommation pour
offrir les biens et les services dont nos concitoyens ont besoin, en consommant moins
d’énergie, moins d’eau et moins de matière première. Cette économie de sobriété sera aussi
un facteur de performance pour nos entreprises.
Pour encourager ces transitions nous mettrons en place un vice-premier ministre chargé du
développement durable (et non de l’écologie comme vous l’évoquer). Ce vice-premier
ministre aura en charge l’analyse des conséquences à long terme des propositions faites par
les différents ministères et veillera à promouvoir une approche transversale pour mettre en
synergie ces différentes propositions. Enfin, ce vice-premier ministre sera chargé de
l’aménagement du territoire tant les décisions dans ce domaine conditionnent la structuration
d’une société plus ou moins durable.
Dans cette configuration, le ministère de l’environnement sera conservé et son périmètre
sera précisé en prenant en compte les priorités en matière d’ et son périmètre sera précisé
en prenant en compte les priorités en matière d’excellence environnementale : lutte contre le
changement climatique, protection de la biodiversité, prévention des pollutions pour limiter
l’impact sur la santé publique.
Vous avez annoncé un palier de 20 % d’énergie renouvelable pour 2020. C’est le chiffre fixé
par l’Europe, pourquoi ne pas envisager, pour la planète et pour l’emploi, une plus grande
ambition ?
J’avais retenu cette ambition avant même qu’elle soit adoptée par l’Union Européenne
comme un des objectifs contraignants de ce qui deviendra, je le souhaite, une véritable
politique européenne de l’énergie. Permettez-moi de souligner qu’aucun autre candidat ne
s’est engagé sur un objectif chiffré de ce type. Et quand j’annonce 20% d’énergie
renouvelable, je ne parle pas d’énergie à faible intensité en carbone comme le propose le
gouvernement de la droite UMP-UDF, pour faire en sorte que le nucléaire soit comptabilisé
dans ces 20%. Dans la conception qui est la mienne, cette nouvelle politique énergétique
nous permettra de limiter notre dépendance au pétrole et donc de réduire progressivement
nos émissions de gaz à effet de serre. Elle nous permettra également de diminuer la part
d’électricité d’origine nucléaire dans le mix énergétique français.
Mettrez-vous un terme à la couverture de la France par les autoroutes ?
Je souhaite que nous puissions raisonner l’aménagement du territoire pour limiter le
développement des transports de personnes et de marchandises par la route. Si je ne suis
pas favorable à l’instauration d’un moratoire sur tous les projets autoroutiers, je veux que
toutes les nouvelles infrastructures, notamment les autoroutes, franchissement de fleuve et
tunnels, soient soumises à une analyse rigoureuse, au cas par cas, pour vérifier la nécessité
de l’infrastructure, étudier les alternatives moins préjudiciables, en particulier au regard des
émissions de gaz à effet de serre, et définir – si la décision est prise de construire
l’infrastructure – l’implantation et l’option la moins préjudiciable pour l’environnement.
Que sera la progression de l’agriculture dite « biologique » pendant votre mandat ?
Je veux promouvoir une agriculture qui offre des revenus décents aux agriculteurs, respecte
les consommateurs et protège l’environnement. Dans le contexte d’une réorganisation des
marchés agricoles mondiaux, cette agriculture devra aussi préserver la souveraineté
alimentaire des pays en développement et encourager leur émergence économique.
Dès 2008, je veux que nous engagions une renégociation de la Politique Agricole Commune
pour orienter les soutiens vers les mesures agro-environnementales, et assurer, dans la
transparence, une meilleure répartition des aides. Je souhaite également transférer aux
Régions la gestion d’une partie des aides directes pour favoriser une approche plus fine de
ces soutiens, en les adaptant aux enjeux écologiques et économiques locaux, encourageant
les productions de terroirs et les circuits courts.
Avec cette réorientation des aides nous pourrons également soutenir le développement de
l’agriculture biologique avec l’objectif d’atteindre 10% des surfaces en 2012.
Quelles mesures politiques et techniques pourraient ramener la population française vers les
enquêtes publiques aujourd’hui très souvent désertées ? N’est-ce pas là une forme de débat
participatif tel que vous le préconisez ?
Je suis très attachée, vous le savez, à la démocratie participative. Parce que la promotion
du développement durable impose de négocier des choix dont certains seront difficiles, il est
essentiel de redynamiser la pratique démocratique. Je veux encourager un renouveau de la
concertation, la transparence de l’information, une participation citoyenne renforcée, une
responsabilité partagée en matière d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques.
Je veux établir un nouveau contrat entre les citoyens et les dirigeants du pays, un nouveau
contrat dans lequel le rôle des collectivités territoriales sera mieux valorisé. Je suis
intimement persuadée que les citoyens sont avides de participation et de contribution aux
choix qui sont leur sont proposés. Ils sont souvent déçus, et je comprends cette déception,
car ils ont l’impression que les enquêtes publiques et les débats citoyens ne servent à rien
parce que la décision politique a été prise « avant ». C’est en restaurant la qualité et la
transparence des mécanismes de décisions que nous pourrons valoriser cet intérêt des
citoyens pour le débat. C’est aussi en imposant aux décideurs d’expliciter leur décision et de
rendre compte que nous redonnerons tout son sens à la démocratie.
Pensez vous pouvoir garantir la pérennité et la préservation, sous le contrôle de l’Etat, des
réserves naturelles, des parcs nationaux, des espèces protégées, de la loi littoral et de la loi
montagne ?
Je veux faire de la France le pays de l’excellence environnementale. Ceci implique une
exemplarité de l’état pour tout ce qui concerne le respect des lois de protection de
l’environnement et leur mise en oeuvre rigoureuse. Ceci signifie que nos administrations
devront faire les efforts nécessaires pour contrôler cette mise en oeuvre en toute
indépendance des pouvoirs locaux qui trop souvent souhaiteraient une application assouplie
de certains textes.
Il est également nécessaire de veiller au respect de l’intégrité des lois protégeant
l’environnement. Je suis par exemple choquée de l’amendement voté en février 2005 par
l’UMP et l’UDF pour modifier certaines dispositions de la loi littorale concernant les lacs de
montagne.
Je suis très attachée à la préservation des écosystèmes particuliers qui font la richesse de
notre pays. J’ai, dans la région que je préside, oeuvré avec les acteurs locaux, les
départements et la Région voisine des Pays de Loire pour redonner au marais poitevin le
statut de Parc naturel régional qu’il avait perdu du fait de l’extension mal contrôlée de la
culture intensive du maïs. Aussi je proposerai, en coordination avec les collectivités locales
et les associations de protection de l’environnement, la création d’un réseau écologique
national, s’appuyant sur les espaces protégés existants (parcs nationaux, réserves
naturelles, sites Natura 2000), mettant en avant l’approche par écosystème, en m’assurant
que ce réseau préserve des espaces suffisamment larges pour protéger efficacement la
biodiversité sur notre territoire.
Je veux impulser du plus haut de l’Etat une éthique de la protection de l’environnement et du
respect de nos territoires. Je serais très ferme sur ce sujet.
Rétablirez-vous, par la loi, un équilibre entre les chasseurs et les protecteurs de la nature ?
Non, je ne souhaite pas proposer une nouvelle loi sur la chasse car je considère que la loi du
26 juillet 2000 défini de manière correcte les grands principes de gestion et d’organisation de
cette activité. Je demanderai aux ministres concernés de dresser le bilan des dispositions
réglementaires existantes. Je leur demanderai, si besoin est, de proposer en concertation
avec tous les acteurs concernés par la gestion de l’espace rural, notamment les fédérations
de chasseurs et les associations de protection de l’environnement, les aménagements
nécessaires pour protéger la biodiversité de notre territoire et préserver cette activité de
loisir. Je souhaite que le débat soit privilégié entre ces acteurs pour définir les conditions
d’évaluation et de gestion des ressources cynégétiques dans la plus grande transparence en
s’appuyant notamment sur les données de l’Observatoire national de la faune sauvage et de
ses habitats.
Mettrez-vous en oeuvre, et comment, un véritable plan de sauvetage des cours d’eau
français tous menacés par la pollution.
La qualité de nos eaux de surface est effectivement préoccupante. La loi sur l’eau adoptée
en décembre 2006 a mis presque 10 ans pour voir le jour et pourtant elle est insuffisante sur
bien des aspects en particulier pour ce qui concerne le principe pollueur payeur. Je ne suis
pas sure qu’il soit nécessaire d’engager une nouvelle réforme de cette loi sur l’eau. Peut être
pourrons-nous corriger ses faiblesses en travaillant sur ses modalités de mise en oeuvre. Je
souhaite en tout état de cause une application stricte du principe pollueur payeur, et je veux
donner la priorité à la prévention des pollutions.
Ainsi je propose un programme national de réduction de l’utilisation des produits
phytosanitaires. Ce plan interdira définitivement les substances les plus dangereuses (CMR
– cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). Il engagera des actions concrètes pour une
réduction de 25% de la consommation de principe actif d’ici 2012 (par rapport à 2007).
Plus généralement c’est en renforçant les contrôles, en veillant à une application stricte des
lois et règlements et en sanctionnant sévèrement les manquements que nous pourrons
progressivement améliorer la situation de nos cours d’eau mais aussi de nos nappes
phréatiques.
Ne pensez vous pas que l’utilisation généralisée de l’expression « développement durable »
est un moyen commode de dissimuler la plupart des problèmes d’environnement et de
protection de la nature.
Il est certain que l’expression « développement durable » est très galvaudée. Il n’en demeure
pas moins que c’est un concept fort. Le projet que je propose pour la France est un véritable
projet de développement durable liant la relance de l’économie, la reconstruction du dialogue
social, l’excellence environnementale et la réforme de la démocratie pour favoriser la
participation et la responsabilisation de tous les acteurs de la société. Cet engagement ne
relève pas d’une réponse circonstancielle à un effet de mode. Il est une conviction profonde.
J’ai prouvé en Poitou Charente qu’il est possible d’engager une dynamique territoriale
mettant en avant l’impératif de développement durable mettant à égale importance
l’économie, le social, l’environnement et la dynamique démocratique.
Quelle sera la première mesure de votre futur gouvernement dans le domaine de
l’environnement ?
Je veillerai à la constitution d’un gouvernement intégrant un vice-premier ministre chargé du
développement durable et de l’aménagement du territoire et un ministre de l’environnement.
J’engagerai le débat public que j’ai promis pour définir la politique énergétique que notre
pays devra adopter pour lutter efficacement contre le changement climatique, une politique
fondée sur les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et le développement des
énergies renouvelables.
Enfin j’instaurerai un moratoire sur la culture d’OGM en plein champs pour permettre un
débat serein, transparent, approfondi afin de définir ce que doit être notre politique en la
matière sur le long terme.
Comment la France peut-elle donner des leçons aux pays du sud sur la préservation de la
faune et des ressources alors qu’elle ne parvient même pas à sauver ses ours et ses plus
beaux espaces forestiers ?
C’est vrai que nous devons redoubler d’effort pour protéger les milieux fragiles en France et
dans les DOM TOM. Nous devons aussi engager avec nos partenaires européens une
révision des politiques de pêche et d’exploitation forestière en Europe et dans le monde.
Nous gagnerons en efficacité en mettant en cohérence nos politiques de coopération avec
les pays en développement avec nos ambitions en matière d’excellence environnementale.
Pour renforcer cette cohérence je propose de réformer le code des marchés publics pour
imposer comme clause préférentielle la performance environnementale, en intégrant des
critères de provenance des ressources naturelles.
La France ne devrait-elle pas prendre la tête d’un mouvement international pour mettre fin ou
limiter les conséquences des guerres et des guérillas sur la nature et l’environnement ?
Faire de la France le pays de l’excellence environnementale c’est aussi promouvoir des
politiques ambitieuses de protection de l’environnement et de promotion du développement
durable en Europe et dans le monde. Nous devons être exemplaires en matière
d’environnement sur notre territoire et dans nos relations diplomatiques et commerciales
avec le reste du monde. Pour cela nous devrons rattraper le retard pris en matière de
ratification des conventions et accords internationaux sur l’environnement, et de transcription
des directives et règlements européens.
Nous devons aussi promouvoir une nouvelle gouvernance internationale plaçant en priorité
le respect de normes sociales et environnementales.
Je propose que la France continue à promouvoir la création d’une Organisation Mondiale de
l’Environnement ayant prééminence, en matière de règles environnementales, sur les
décisions de l’OMC, dotée d’un réel pouvoir de sanction en étant équipée d’un organisme de
règlement des différends, et capable de soutenir des projets spécifiques dans les pays en
développement.
2 commentaires:
Bonne piqure de rappel; c'est mieux qu'en face sans aucun doute. tout comme dans le domaine de la culture , dont Sarkozy souhaite d'ailleurs supprimer le ministère pour le coupler avec celui de l'éducation....Grots dégats à prévoir !!!
ben évidemment, ça sert à quoi la culture ? A déformer les esprits !
cmv
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